est le point où les phénomènes de rédaction se font avec le plus
d’intensité.
Lorsque le limon est riche en matières organiques et se rapproche
de la fange, on reconnaît les phénomènes de fermentation, qui se produisent
dans la couche profonde, par le dégagement des gaz à l’état
aériforme ; on voit leurs bulles s’étendre en une lame argentée contre
les parois du flacon où repose le limon, ou encore, — et c’est là le plus
instructif, en nous révélant les faits qui se passent dans la nature, ¡¡¡¡j
remplir les galeries des annélides tubicoles ou des larves d’insectes (*)
et venir sourdre à la surface en suivant ces canaux. Le gaz reste longtemps
accumulé dans ces galeries communicantes qu’il envahit progressivement
; la masse de gaz fait ménisque convexe proéminent à
l’orifice du tube, retenu en place par les attractions capillaires ; tout-à-
coup, lorsque celles-ci sont, vaincues, le gaz s’échappe en fusée et forme-
une ou plusieurs grosses bulles qui s’élèvent tumultueusement à travers
l’eau pour venir éclater à la surface. Ces gaz sont le mélange
d’acide carbonique, GO2, et de méthane, CH4, (gaz dés marais) dont
M. Hoppe-Seyler de Strassbourg a si bien étudié la formation. (2)
J’ai dit que dans le Petit-lac, le limon a une Couleur plus jaunâtre
que dans le Grand-lac; il y a lieu de préciser la distinction de ces
teintes différentes. J’ai Ordonné d’après leur couleur les échantillons
de limon que M. Hôrnlimann m’a confiés, et j ’ai trouvé la série suivante,
allant du gris-bleuâtre au gris-jaunâtre. Le numéro que j ’ai inscrit en
chiffres arabes indique la position sur l’axe du lac, en s’avançant du
Grand-lac vers Genève, le numéro en chiffres romains indique l’échantillon
dont l’analyse chimique sera donnée plus loin.
fi) La perforation de l’alluvion actuelle par les galeries des annélides et larves me
parait fort intéressante en ce qu’elle explique la possibilité des modifications
subies par la vase fraîchement déposée, qui se transforme en la marne argileuse
compacte des couches sous-jacentes. Au moment de son dépôt, elle est encore riche
en matières organiques; par fermentation putride ëllë se débarrasse de ces éléments.
Cette fermentation s’effectuerait-elle aussi bien sifla masse n’était pas
traversée par les mille canalicules des animaux qui l’habitent, et n’était pas ainsi-
conservée longtemps en contact avec l’eau ambiante ? Ces galeries s’obturent du
reste par la pression mécanique des couches superposées, et l’argile profonde
finit par devenir absolument imperméable.
(2) Hoppe-Seyler. Ueber die Gàhrung der Cellulose, etc. Zeitschr. f. physiol. Chemie
S. 401 sq. Strassbourg, 1886.
LE SOL DU LAC 121
Position N° d’analyse Localité Profondeur
Jre sé rie : Gris à la surface, bleuâtre dans les couches profondes
13 XXVII devant la pointe de la Bise 42m
14 XXX . près du banc de Travers, Genève 30m
12 — barre de Gentliod 49m
10 — cuvette de Ghevran 62m
8 devant Hermance 62m
9 XX cuvette de Chevran 64®
6 — barre de Messery 69™
■ 7 XXVI cuvette de Tougues 57®
lim e sé rie : Gris-jaunâtre dans toute l’épaisseur, sans couche profonde bleuâtri
2 XXV plafond du Grand-lac, rampe ascendante 90®
' 4 barre de Promenthoux 65®
5 - ■ — - barre, de Promenthoux 67®
11 _ devant Versoix 63®
3 XIX rampé ascendante du plafond du Grand-lac 71®
1 i i s » ! devant Dully — 1 — : ' 90®
Sauf l’échantillon dragué devant Versoix (position 11), lequel du
reste différait de tous les autres par son abondante charge de sable, et
provenait évidemment des alluvions de la Versoie, la couleur de ces
limons correspondait fort nettement à une différence d’origine. Tous
ceux qui étaient plus ou moins bleuâtres, et se séparaient en deux
couches, grisâtre à la surface, bleuâtre dans le fond, venaient des
cuvettes et barres du Petit-lac, au sud de la barre de Messery ; tous
ceux qui étaient jaunâtres dans toute leur épaisseur, sans couche
vaseuse dans la profondeur, venaient de la barre de Promenthoux ou
de son versant dans le Grand-lac. Si j’essaie d’expliquer cette différence
j ’arrive à une conclusion qui me semble probable : Les échantillons
jaunâtres de la barre de Promenthoux sont de l’alluvion lacustre
impalpable, de dépôt excessivement lent et peu actif, qui a eu le temps
de se débarrasser par la putréfaction de toutes les matières organiques
qu’elle pouvait contenir primitivement; il ne s’y produit plus de phénomènes
de réduction des sels de fer; — les échantillons à double
teinte des cuvettes du Petit-lac représentent un dépôt plus rapide
d’alluvion fluviatile impalpable ; le dépôt de cette alluvion étant plus
actif, il reste dans l’épaisseur du limon des quantités encore notables