qui ouvre ou qui ferme l’émissaire du lac. Ce n’était pas aussi clair
lorsque le barrage était moins parfait que celui de 1885. Les intérêts
contradictoires qui se bataillaient sur cette question ont provoqué
deux expériences célèbres dans l’histoire du lac.
La première est celle du 13-15 novembre 1821, exécutée sous la
direction de G.-H. Dufour et A. Pichârd, ingénieurs des cantons de Genève
et de Vaud. L’expérience consista dans l’ouverture partielle,
pendant deux jours, du barrage qui était auparavant fermé, vu les
basses eaux de la saison ; on espérait voir l’effet sur le lac de cette
manoeuvre extraordinaire. Le barrage de cette époque, à 50m aval du
pont actuel de la Machine, avait une longueur totale de 91m, soit 24m
su r le bras gauche et 67m sur le bras droit; on le débarra sur une
longueur de 68“ en enlevant 5 rangées de poutrelles mobiles, soit une
hauteur de 96cm environ. En tenant compte de la durée moyenne des
opérations d’enlèvement et posage du barrage, on peut dire que l’ouverture
a été effective pendant 41 y 2 heures, et pour autant qu’on peut
essayer de calculer l’écoulement de l’eau dans des conditions si éloignées
de ce que nous connaissons aujourd’hui, le débit extraordinaire
de 1 eau a dû s’élever ( *) à environ 16 millions m3. Si l’on rapporte ce
chiffre à la superficie connue du lac, cela n’aurait dû causer qu’une
baisse de 28"™, à supposer que l’apport dés affluents fût compensé par
l’eau passant sous les roues hydrauliques restées en fonction. Or des
observations faites à une règle limnimétrique placée au port Tingry, '
sous Cologny, près Genève, on constata pendant l’expérience une baisse
du lac de 1 1/e pouce, soit 44mm.
Cette expérience était pour le moins naïve dans sa conception. Etant
connues, ce que l’on ne savait pas alors, les dénivellations incessantes
et compliquées de la nappe du lac, il e s t, absolument imposable de
conclure d’observations discontinues, faites à une seule règle limnimétrique,
à une baisse générale sur l’étendue du lac. Cette expérience
n ’avait aucune signification.
Une autre expérience d’une toute autre valeur a été ordonnée par
les experts du Tribunal fédéral dans le procès du Léman et exécutée
du 17 au 26 octobre 1883 par M. l’ingénieur G.-H. Legler, de Glaris;
elle cherchait à mesurer l’effet des manoeuvres du barrage, non plus
su r le niveau du lac, effet qui serait insaissable dans le temps trop
(*) Procès du Léman. Réplique de l’Etatde Vaud, p. 40.
court de l’expérimentation, mais sur Le_débit du Rhône. Celui-ci a été
mesuré directement au moyen du moulinet de Woltmann, sur le
profil de la Coulouvrenière, par conséquent en aval du barrage de
l’Ile.
Je vais en donner les résultats en indiquant en regard : la hauteur
du lac au limnimètre du Jardin anglais (rapportée au limnimètre normal
du lac), d’après les observations des Archives de Genève, et celle
du lac, au limnimètre du Sécheron, en dehors du port : en m arquant
aussi l’état des barrages et des vannes des roues et turbines. Les barrages
ont été ouverts et fermés ; l’état partiel de fermeture a été indiqué
par le nombre de poutrelles posées sur le barrage dans toute la
longueur, chaque poutrelle ayant environ 15cm de hauteur.
Jaugeage. Date. Hauteur de l’eau. Etat des barrages Débit.
N°*:_ ■ y^wgHE Jardin anglais. Sécheron. Bras Bras Vannes m? sec.
ï ® , 1 1 . — — droit. gauche, des roues.WÊÊÊ
17 bis Octobre 23 1.511"» 1.562“ fermé fermé ouvert 172
18 ; — - 1511 1.562 fermé fermé—.. ouvert 156
19 — 33 > 1.55Ì 1.593 ouvert ouvert ouvert 345
20 — 24 1.520 1.578 ouvert , ouvert ouvert 342
al . — ;-25 1 548 1.579 2poutrsllcs 2poutrles ouvert 327
32 26 1.570 1.587- 6 jNgijra 6 — ouvert 262
23 . — . 27 ; 1568 1.597 fermé fermé ouvert 179
34 ; . ' — ; — 1.568 1.597 fermé fermé - : fermé 114
25 ' — 29 1.556. 1.593 fermé ouvert ouvert 275
26 V ' i g i f l l 30 1.537 1.583 fermé 3poutrles ouvert ;.278
Dans la description des constructions faites pour l’utilisation des forces
motrices du Rhône, (*) ces expériences ayant été appréciées d’une
manière qui me paraît erronée, je me crois en droit de les interpréter
ici comme je les comprends.
Il s’agissait de rechercher si l’état d’ouverture des barrages avait de
l’influence sur le débit du fleuve, et pour cela de comparer le débit du
fleuve pour une môme hauteur du lac aux différentes fermetures des
barrages. Les conditions d’expérimentation n’ont pas été trop mauvaises.
Pendant les 8 jours d’expérience, le lac n ’a pas varié de hauteur,
de plus de 35mm, dans les moyennes journalières mesurées au limno-
graphe de Sécheron. Les seiches n’étaient pas trop fortes ; le 24 octobre
je les ai observées à la Machine hydraulique et leur ai trouvé une
amplitude de 47m,n, ce qui pour Genève est un état très modéré.