Le résultat général des jaugeages a été le suivant :
Tous les barrages et vannages des roués et tu r- Jaugeage n°
bines étant ouverts, le débit a été jaugé à 3451“3 sec- 19
id. id. 342 20
Si l’on posait 2 poutrelles sur toute la longueur
du barrage, soit 30cm, le débit descendait à 327 21
Si l’on posait 6 poutrelles, faisant une hauteur de
90c,n, le débit descendait à 262 22
Si l’on fermait entièrement les deux barrages
en laissant ouvertes les vannes des roues et tu rbines,
le débit n’était plus que 172 17 bis
id. ' id. - 156 18
id. id. 179 23
Si l’on fermait enfin les vannes des roues et tu rbines,
le débit descendait à 114 24
11 me paraît que la série est assez correctement décroissante pour
que nous y puissions trouver une confirmation du fait élémentaire,
que plus le lit de l’émissaire est libre, plus son débit est considérable,
plus le lit est fermé par des barrages ou des vannes, plus le débit
s’affaiblit.
Mais les auteurs du livre que nous critiquons ne se basent pas sur les
résultats des huit jaugeages principaux dont la signification est trop simple.
Ils se fondent uniquement sur les jaugeages 25 et 26, dans lesquels
les vannages des roues et turbines étant ouverts et la machine hydraulique
continuant à fonctionner, le bras droit du fleuve, c’èst-à-dire lé
canal de chute étant fermé, le bras gauche, soit le canal de décharge
ou canal de fuite, a été ou bien tout ouvert, jaugeage 25, ou bien
barré par deux poutrelles, jaugeage 26. Ces deux jaugeages ont donné
à peu près le même débit, 275 et 278mî! s“ , et les auteurs en ont conclu
que la fermeture partielle d’un bras-n’altérait pas le débit du fleuve. Il
est vraiment curieux qu’ils n’aient.pas conclu de ces deux chiffres que
la fermeture partielle augmentait le débit du fleuve dans les proportions
de 275 à 278m3 sec.
La conclusion que je tirerai des irrégularités de ces deux derniers
jaugeages est toute autre. Je dirai que la méthode n’est pas assez précise
pour que dans les conditions d’expérimentation, en nature, où nous
étions placés, dans un port soumis à des dénivellations nombreuses et
diverses, avec un débit variable des machines hydrauliques qui travaillaient
pendant l’expérience, on puisse demander une trop grande
précision à de telles recherches. J’en ai la preuve dans le fait que le
jaugeage 26, opéré par une plus petite ouverture du barrage, a donné
un chiffre de débit supérieur à celui du jaugeage précédent n° 25, opéré
lorsque le bras gauche était entièrement ouvert. Je pourrais encore
donner une preuve bien démonstrative de cette insuffisance de la méthode
d’expérimentation dans les trois jaugeages nos 17 bis, 18 et 23;
faits dans les mêmes conditions d’ouverture des vannes et écluses, ils
ont donné des débits de 172,156 et 179m3scc, avec une différence de
résultat s’élevant jusqu’à 23m3 sec entre les extrêmes, soit à 14 % de la
valeur entière. Ne nous arrêtons donc pas aux petits détails de l’expérience
; contentons-nous des grandes lignes générales ; elles nous donnent
bien les résultats très nets que nous avons indiqués.
Quant à l’allégation très positivement énoncée (*) que le résultat de
ces expériences aurait été jugé par le' gouvernement vaudois assez
défavorable à ses prétentions pour lui faire changer de ligne de conduite
dans le procès du Léman, cette allégation est injuste. Pour autant
que nous le savons, ce sont des motifs d’égards et de bon.voisinage
qui ont guidé, à ce moment, les autorités vaudoises dans leur procédure;
quant aux experts et aux conseils techniques vaudois, s’ils
avaient eu à tirer des déductions des expériences des 22-26 octobre
1883, ils y auraient trouvé une confirmation très claire du principe que
nous avions toujours soutenu : Quand le robinet d’un tonneau est
fermé partiellement, il s’écoule moins de vin que quand il est tout
ouvert.
J’ai du reste donné en 1880 une démonstration bien simple de l’action
des manoeuvres du barrage Sur le débit du fleuve. J’ai superposé
sur la même planche (*) les deux courbes fluviométriques du Rhône,
du 14 octobre 1873 au 31 décembre 1874, obtenues par les observations
journalières de la hauteur de l’eau au limnimètre du Jardin
anglais en amont du barrage, d’une part, et à une règle graduée (limnimètre
Jf) situé au pont de la Coulouvrenière, en aval du barrage. Les
deux courbes sont suffisamment parallèles tant que le barrage est
ouvert ; mais, aussitôt que le barrage est fermé, elles s’.écartent en indiquant
une baisse extraordinaire des eaux aval du barrage ; cette baisse
fi) Répétée et soulignée dans un article de M. E. Lullin, dans le Journal de Genève
-du 14 mai 1890.
(2) F.-A. Forel. Limnimétrie.du Léman. V. pl. X. Bull, S. V. S. N. XVII, pl XV. -