Argile impalpable 95.7
Sable 4.3
Plus de 4 pour cent de sable dans une localité si éloignée des bouches
du Rhône, 20km, et de la Drance, 10km, ne peut s ’expliquer que
par un transport par voie aérienne.
c) Ou bien il est apporté par les radeaux de sable flottant à la surface
que j ’ai décrits ci-dessus. (') Mais je ne saurais attribuer à ceux-ci un
bien long voyage sur le lac ; la moindre vague les ferait couler à fond ;
ils ne peuvent expliquer la présence du sable dans le sol du lac qu’à
une faible distance des côtes.
La vase des grands fonds contient accidentellement des cailloux ;
j’en traiterai dans un paragraphe, spécial.
La couleur de la vase superficielle des grands fonds est assez différente
dans les diverses régions du lac ; dans le Haut-lac, devant
Morges, elle est d’un gris ardoisé ; dans le Petit-lac, et surtout sur la
barre de Promenthoux, elle est d’un gris jaunâtre. La différence est
bien évidente ; elle est plus apparente dans les vases humides que
dans les échantillons séchés.
L’alluvion du lac contient enfin de nombreux organismes, soit vivants
soit morts, que j ’aurai à décrire en détail dans une autre partie de ce
livre. Je signalerai dès à présent, comme se trouvant normalement
dans l’alluvion du lac, des squelettes siliceux de diatomées, des coquilles
de mollusques, et surtout des carapaces d’entomostracés, cladocères,
copépodes et ostracodes, provenant soit de la faune profonde, soit plutôt
de la faune pélagique. Ces débris de crustacés sont si nombreux en
certaines régions où ils sont accumulés parles courants du lac, — ils se
compteftt par milliers et dizaines de milliers dans un litre d é limon —
que la vase qui les renferme mériterait peut-être d’être caractérisée par
un nom spécial, en analogie avec les boues de l’Océan, et d’être appelée
vase ou boue à entomostracés. Quand cette vase a été tamisée, les carapaces
d’entomostracés, légères, flottent longtemps entre deux eaux et
forment un nuage opaque tout à fait particulier.
Dans quelques cas, la drague a ramené une couche assez épaisse
pour que j ’aie pu y reconnaître une stratification ; j’y ai constaté généralement
la coupe suivante :
fi) Page 105.
a La surface en contact avec l’eau est très égale ; l’on n ’y voit, en fait
de saillies, que les corps organisés, à savoir les polypiers des bryozoaires,
lés tubes vaseux des larves et des annélides tubicoles, et les
coquilles des mollusques gastéropodes. Cette surface est remarquable
par le revêtement qu’elle présente, jusqu’à une profondeur de cent
mètres environ, d’une couche continue d’organisme» très inférieurs,
nous la décrirons plus loin sous le nom de feutre organique.
b Une couche gris-jaunâtre, de consistance limoneuse ou vaseuse,
de deux à quatre centimètres d’épaisseur ; elle renferme les animaux
limicoles vivants et les débris d’animaux morts.
c Une couche brun-noirâtre d’un demi-centimètre d’épaisseur.
d Une couche gris-bleuâtre dont je n ’ai pu mesurer l’épaisseur et
que je suppose s’étendre jusqu’au sol primitif du lac, et former toute la
masse de l’allUvion lacustre moderne. Elle est de nature argileuse et
ne contient plus d’animaux vivants. Chose curieuse, les débris fossiles
(coquilles de mollusques, par exemple) y sont relativement rares.
La différence dè couleur entre la surface jaunâtre et la masse
bleuâtre de l’argile est due à un degré différent d’oxydation des sels de
fer ; le limon de la surface contient du fer peroxydé, tandis que dans
les couches profondes, un certain degré de réduction s’opère, par la
destruction peut-être des matières organiques, et le fer se change en
protoxyde. Cette interprétation est exacte ; elle est confirmée par l’expérience
suivante que j’ai répétée vingt fois. Si je brasse le limon provenant
d’un dragage, de manière à ce que toutes les couches soient
bien mélangées, j’obtiens une vase crémeuse de couleur uniforme que
jè verse dans un flacon ; je la laisse reposer sous une couche d’eau qui
maintient la masse humide. Au bout de quelques semaines je vois la
couleur de la masse vaseuse complètement modifiée; à travers le
verre transparent je'distingue une couche supérieure, de quelques
millimètres, jusqu’à l cm d’épaisseur, de couleur rougeâtre, jaunâtre,
grisâtre, superposée à une couche profonde, de couleur noirâtre, bleuâtre,
grisâtre, remplissant tout le bas du flacon. Les teintes varient avec
les échantillons ; mais la division en deux couches, l’une de surface plus
rouge, l’autre de fond plus bleue, est constante. Dans la couche profonde
ont eu lieu des fermentations dont l’action s’est traduite par une réduction
des sels de fer, dans la couche superficielle les oxydations ont
peroxydé les mêmes sels. Je présume que la couche noire (couche c),
que je trouve fréquemment dans les coupes parfaites du limon du lac,