ont de plus en plus et de mieux en mieux fermé le lac en hiver et relevé
le niveau des basses eaux.En même temps, rétrécissant toujours plus le
lit du fleuve, elles obstruaient le débit de l’émissaire pendant l’été,
tellement, que dans les années humides, le lac refluait et inondait ses
rivés. Les réclamations suscitées par cet état imparfait des choses
provoquèrent le P r o c è s du L ém a n , dont nous parlerons plus loin,
et amenèrent la convention du 17 décembre 1884 qui formule les
bases de la régularisation du Léman. Aidée par une subvention
importante de la Confédération suisse et des états de Vaud et du
Valais, la ville de Genève a déplacé sa machine hydraulique, autrefois
en tête de l’Ile, et l’a établie à la Coulouvrenière ; elle a dragué,
élargi et débarrassé le cours du fleuve ; elle s’est- assurée ainsi la disposition
d’unè force motrice superbe, évaluée à 6000 chevaux ou
450 000 kilogrammètres p ar seconde,[tout en organisant une régularisation,
très parfaite semble-t-il, du régime du lac ; les basses eaux ont
été relevées, et, aux hautes eaux, un débit assez libre a été réservé au
fleuve pour qu’il n’y ait plus de crainte d’inondations sur les bords du
lac ; l’amplitude des variations de hauteur du lac a été considérablement
réduite. Les constructions et dragages ont été exécutés dans les années
1884 à 1889, et le nouveau régime du lac date définitivement de l’automne
1889, époque à laquelle tout a été terminé. Dorénavant le lac
Léman est un lac civilisé, dont les variations et les débordements sont
réduits à des dimensions très innocentes.
Pour connaître le régime naturel du lac, nous devrions donc nous
adresser aux siècles passés, avant la construction de toute digue à
Genève; mais les observations nous manquent pour ces époques
lointaines, et sauf quelques dates et faits isolés, nous en sommes ré duits
aux observations limnimétriques du siècle actuel. Plus les observations
sont anciennes, mieux elles se rapportent à l’état dénaturé,
plus par conséquent elles,ont de l’intérêt pour nous, dans cette étude
d’histoire naturelle. Ajoutons cependant que leur repérage est plus
difficile et souvent incertain.
Nous avons dit que les machines de l’Ile de Genève, construites primitivement
en 1713 ont été reconstruites ou agrandies vers 1820,1840,
1863 et 1871, et transportée en 1885 à la Coulouvrenière, au-dessous
de la ville. Chacune de ces dates sera donc une étape dans la transformation
du lac sauvage en lac civilisé.
Première période, antérieure aux digues de Genève.
Malheureusement nous ne possédons aucune observation positive
antérieure à l’année 1713.
Nous savons seulement que les hautes eaux ne dépassaient pas ordinairement
les cotes ZL + 2.4 à 2.5m, car, sans cela, les villes riveraines
construites dans le moyen âge auraient été inondées. C’est ce
qui résulte d’une étude attentive faite en 1882, par les ordres du gouvernement
vaudois, dans les villes et bourgs de Villeneuve, Montreux,
Vevéy, Lutry, Cully et Morges ; on a compté les locaux, en sous-sol,
ou rez-de-chaussée, envahis par les inondations des années précédentes
et l’on a, par un nivellement, mesuré la hauteur du sol de ces locaux.
D’après les documents conservés aux archives des Ponts et
Chaussées de Lausanne, le total s’élève à :
132 caves et sous-sols à la cote ZL + 2.6m
403 . .» >> 2.5
45 » » 2.4
35 » . >> 2.3
23 » » 2.2
9 < >> » 2.1
22 » . » 2.0
Si l’on critique en détail, comme j ’ai pu le faire à Morges, les conditions
de ces divers locaux, l’on constate que les caves à la cote de
2m, et au-dessous, sont toutes modernes; construites par des propriétaires
imprudents, pendant une année à eaux estivales exceptionnellement
basses, (1857 à 1858 entr’autres), elles étaient assez fréquemment
inondées pour que l’on fût engagé à les combler ou à les relever.
Les caves anciennes, celles qui ont résisté à l’expérience des siècles,
ont leur sol au-dessus des cotes ZL + 2.4 ou 2.5m. Ce sont ces cotes
qui donnent la limite apprise par l’usage pour la construction des
caves au bord du Léman. De l’existence d’un grand nombre de caves
à ce niveau, on peut admettre, comme probable, que fors de la construction
de ces rues et de ces villes, les hautes eaux dépassant 2.4 et
2.5m étaient non seulement chose rare, mais tout à fait exceptionnelle.
Pour qui connaît en effet les ennuis, les inconvénients, les dangers de
l’état d’inondation des caves et rez-de-chaussées, tel que nous l’avons
expérimenté trop souvent dans les dix années de 1870-1880, il est
évident que ce n’est pas volontairement .qu’un propriétaire s ’y est exposé,
lors de la construction de sa maison. Or, comme une ville ou