bien elle avait si peu d’entendement qu’elle m apporta des oeufs
durs : il fallut les manger, car il n’y en avait pas d’autres dans la
maison. Enfin, l’heure de se coucher arriva : on prépara deux
lits dans la chambre; mon hôte m’en offrit un, et se fourra
dans l’autre, où il ronfla bientôt comme l’orgue d’une cathé-
drale. Sa femme alla sans doute coucher au grenier, car je ne
la vis pas reparaître, et le lendemain, dans la maison, je n’aperçus
aucune autre chambre que celle ou j’avais loge.
Le matin, je me levai avant le jour, parce que j avais beaucoup
de notes à transcrire : je fis chercher du lait pour déjeûner
; mais on ne put en trouver, et je fus oblige çette fois d accepter
le palinka que le maître ivrogne alla chercher aussitôt
qu’il fut reveillé. Sa femme, qui arriva bientôt, le gronda très-
sérieusement de ce qu’il avait tant parle' la veille ; mais il la regardait
alors avec un air de dignité et de protection vraiment
plaisant. Les chevaux étaient prêts; je voulus prendre congé et
payer : ce pauvre homme ne voulait rien prendre; je donnai
quelques florins à la femme, le plus honnêtement qu’il me fut
possible; elle les reçut très-bien, et je ne sais pas même si elle
ne trouva pas que c’était trop peu, quoique j’eusse fait les choses
d’une manière convenable'; mais le mari la gronda fortement
à son tour de ce qu’elle avait accepté mon argent. Peu s en fallut
qu’il ne me réprimandât moi-même , et il se conduisit avec
une noblesse qui me le fit réellement quitter à regret. Je lui fis
le plus d’amitiés qu’il me fut possible pour le dédommager, en
quelque sorte, par une marque de considération, de 1 infortune
où il était tombé. J’ai été généralement très-content de
tous ces pauvres gentilshommes réduits à l’etat de paysan ; il y
en a un assez grand nombre en Hongrie, et souvent j en ai eu à.
mon service. J’ai toujours reconnu en eux un caractère particulier
de franchise, de noblesse, d’exactitude à remplir leurs en-
gagemens, qui n’existaient pas de même parmi les autres paysans.
De Kiskapoly à Nagocs, et de là à Igal, on ne trouve encore MmBLi
que des sables; les montagnes que l’on traverse entre les deux Moniales'*
derniers points sont assez élevées, et leurs sommets sont cou- sablM’-
verts de genévriers communs , que je n’ai vùs nulle part dans
mes courses en Hongrie au-dessous de 500 mètres ni au-dessus
de 900; de sorte qu’il paraîtrait que ces montagnes se trouvent
entre ces deux limites. Au-delà de Igal, qui se trouve dans la
montagne, le terrain s’abaisse considérablement ; on entre sur
des collines cultivées, qui n’offrent partout que des terres sablonneuses,
très-argileuses, qui vont se perdre dans les plaines
marécageuses de Dombovâr : on aperçoit ensuite au loin, du
côté de Fünfkirchen et de Bony Had, des montagnes distribuées
en groupes isolés, qui, par leur forme, semblent annoncer
des terrains d’une nature différente: on observe des plateaux
très-unis, morcelés, mais qui semblent se joindre les uns avec
les autres. Je n’ai pas visité les environs de Bonyhad ; mais, Vue (ny._
d’après les renseignemens que m’a donnés M. Schuster, de 8°"^.
Pëst, on trouve, dans cette contrée, de véritables houilles, H°ui11'"
comme à Fünfkirchen ; les montagnes environnantes présentent
des grès houillers bien caractérisés, et des grès solides, de
couleur rouge, tout-à-fait semblables à ceux que nous allons
bientôt voir; de sorte qu’on peut soupçonner que les plateaux
en question sont formés, ou de porphyre, comme ceux que
nous décrirons à. Fünfkirchen, ou d’une espèce de grünstein,
que nous verrons dans la même contrée, au-dessus des grès
houiller. Il paraît qu’il existe, dans ces montagnes, quelques indices
de formations basaltiques car je dois aussi à M. Schuster