CHAPITRE XIX.
EXCURSION AUX HOUILLÈRES DE FÜNFKIRCHEN. — RETOUR A
TIENNE PAR OEDENBURG.
Montagnes
des bords du
Danube.
J ’a r r iv a i enfin, transi de froid, sur la rive méridionale ^du
lac, et je demandai sur le champ la route de Nagocs, que j espérais
encore atteindre avant la nuit. Je côtoyai pendant que
ques instans le lac, et j’entrai ensuite dans la montagne : partout,
soit dans les collines , soit dans les montagnes plus élevées,
je ne rencontrai autre chose que des sables, qui, d apres
leurs caractères, paraissent appartenir k la masse des sables et
grès à lignites. Toutes ces montagnes sont couvertes de forets
de chênes; les chemins sont excessivement mauvais, et souvent
d’une telle raideur, que je craignais a chaque instant de Voir
les chevaux entraînés en arrière par le poids de la voiture : nous
fûmes obligés de nous' atteler nous-mêmes pour passer beaucoup
d’endroits. Nous arrivâmes enfin au sommet d’une montagne
assez élevée; mais la nuit nous prit à la descente, dans
des chemins qui n’étaient guère meilleurs que les premiers.
Nous étions encore assez loin de Nagocs, et je désespérai a ors
d’y arriver. Nous passâmes heureusement auprès de Puszta
Kapoly, et on nous indiqua le village de Kiskapoly, oh npus
devions trouver une auberge ; mais il n’y avait qu’un cabaret
où d était impossible d’avoir ni écurie pour les chevaux, m
chambre pour les gens ; il n’y avait pas plus de fourrage que de
pam, ni d’autres provisions. Par bonheur le cocher, en courant Rfeepiioich«
dans le village pour chercher une écurie, du foin ou de l’avoine, devenu pajsan.
rencontra un pauvre gentilhomme, devenu paysan, qui me fit
offri r un lit, que j’acceptai, comme on le conçoit, sans cérémonie.
Je me transportai chez ce brave homme avec tous mes bagages.
Je trouvai là un individu à figure rubiconde, à grandes
moustaches pendantes, les cheveux tressés en nattes et tombant
ainsi des deux côtés, une loupe au bout du menton, qui, au
milieu de cette figure déjà fort singulière, produisait un effet
des plus plaisans. Le bon homme avait un peu bu dans la journée;
il était de bonne humeur, et m’accueillit comme un confrère
ivrogne, une fiole à la main, pour m’offrir lepalinka
( eau de vie ) ; je retins mon rire, et le remerciai le plus poliment
qu’il me fut possible. Mon compère ne parlait que hon-
grais, et ne pouvait pas se figurer que je n’entendais rien de Ce
qu’il me disait ; il recommençait son discours en criant à tue-
tête pour se faire mieux comprendre; il écoutait patiemment
ce que je lui disais en allemand, en latin, en français, mais il ne
comprenait pas plus à mes discours que je n’entendais aux siens:
par malheur j’avais débité tout ce que je savais de hongrais
pour demander du pain, des oeufs, du fromage, c’en était assez
pour lui faire croire que je connaissais cette langue, et il continua
à parler tant que la soirée dura. Il se fit alors tant de coq-
à-l’âne entre le mari, la femme, mon cocher et mon domestique,
que je crus que j’étoufferais à force de rire : la femme
n’était pas contente de ce que son mari parlait tant, et se faisait
ainsi moquer de lui; mais le brave homme riait de tout et se
trouvait très-content de lui. J’avais prié la femme de me faire
une omelette; mais je m’expliquai probablement si mal, ou
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