
lière pour Apollon , que Pindare les appelle les
grands fervifeurs de ce dieu, dans fa troifième
Olympionique. Diodore de Sicile dit, Z., n , p%
130 , que les Hyperboréens avoient dédié des temples
à Apollon & confacré une v ille, & que malgré
les terres & les mers qui les féparoient de
l’île de Dé los , lieu natal de cette divinité, ils
y envoyoient tous les ans leurs prémices en offrandes.
C ’étoit deux ou trois vierges, accompagnées
de quatre ou cinq jeunes gens, d’un courage
& d’une vertu éprouvée, qui, dans les com-
jnencemens, portoient ces offrandes. Ces circonf-
tances font confirmées par Callimaque & Hérodote.
Ce dernier auteur dit que les droits de l’hof-
pitalité ayant été violés en la perfonne des vierges
Laodicè & Hypéroché , les Hyperboréens firent
paffer leurs,offrandes de la main à la main jufqu’à
Dé los , pour ne plus expofer leurs compatriotes
aux dangers d’un aufli long voyage. Pline, Mêla
& Solin parlent de ces vierges , mais fans les
nommer. Hérodote nomme deux autres vierges
qui eurent le même fort, Opis & Ergé. Callimaque
& Paufanias nomment la dernière Hécaergé ; mais
Callimaque en ajoute une cinquième qu’il nomme
Loxo. celles-ci périrent vaifemblablement avec
leurs condu&eurs. Callimaque nous apprend que
les Déliens rendirent tous les honneurs pofiibles
à leur mémoire, jufqu’à ordonner que les jeunes
filles & les jeunes hommes quifemarieroient, facri-
fieroient leur chevelure, les unes aux vierges, &
les autres à leurs compagnons de fortune. Les trois
vierges, Opis ,-Loxo & Hécaergé , font dites filles
de Borée, dans les- vers de Callimaque, ce qui
s’accorde avec Diodore de Sicile, qui dit que les
defcendans de Borée étoient en poffêflïon de l’empire
& du facerdoce d’Apollon chez les Hyper-
Loréens. Les offrandes que ces peuples envoyoient
n’étoient uniquement que de l’orge ou du blé nouveau
, couvert de paille ; & l’autel d’Apollon à
Délos étoit nommé l ’autel pur , l’autel non
fanglant^fl’autel des perfonnes religieufes, parce
que l’on n’yffacrifioit rien d’animé. Le foin que les
Hyperboréens prenoient à cacher leurs offrandes,
prouve feulement que le myftère a été de toutes
les religions, & que les choiesfaintes ne dévoient
pas être expofées aux yeux des profanes.
Les Hyperboréens croyoient que Latone étoit
de leur pays , & cette raifon leur faifoit rendre
un culte tout particulier à fon fils : Diodore de
Sicile ajoute que non-feulement ils avoient infti-
îué des fêtes & des facrifices en l’honneur d’A pollon
, mais qu’ils lui avoient confacré toute une
ville. Apollon fe regardant comme originaire de
leur pays, les honoroit volontiers de fa préfence.
Apollonius de Rhodes, dit que lorfqu’il fut banni
du c ie l, pour s’être emporté contre Jupiter, qui ,
avoit foudroyé Efculape, ce fut chez eux qu’il fe
retira , & les Hyperboréens font traités de peuples
facrés par ce poète, à caufe de cela.
L’opinion du féjour de ce dieu chez les Hyperboréens,
étoit fi peu répandue parmi les Grecs l
qu’Arlftote , cité par Elien, dit que Pythagore ,
dont la fageffe & la vertu étoient fi fort admirées
chez les Crotoniates, fut pris par eux pour l’A pollon
Hyperboréen.
Diodore de Sicile, écrivant d’après la relation
d’Hécàtée, qui avoit parlé de ce peuple,
dit que dans un pays au-delà de la Gaule, du
côté du pôle arélique , on trouve dans l’océan
une île de la grandeur de la Sicile, qui eft habitée
par les Hyperboréens , ainfi nommés parce
qu’ils font au-delà du vent Borée. Le climat de
ce pays eft fiès-tempéré,. & l’on y fait la moiffon
deux fois l’année. C ’eft - là qu’on croit que Latone
a pris naiffance ; & parce qu’Apollon en eft
la principale divinité , & qu’on y chante incef-
famment fes louanges, tous les habitans del’île
font regardés comme les prêtres de ce dieu. On
y trouve un bois facré , au milieu duquel eft un
temple de figure ronde , rempli de précieufes
offrandes, dont la plupart ont été offertes par les
Athéniens & les habitans de Délos, comme il
paroît par les infcriptions grecques qwc l’on y lit;
car la langue du pays eft différente de celle des
Grecs , ainfi que leurs coutumes. La tradition du
pays eft qu’Apollon y defcend tous les dix-neuf
ans , & que comme c’eft dans l’efpace de ce temps-
là que les aftres font leur révolution, les Grecs
appellent la grande année celle qui arrive au bout
de ce terme ; cette année eft fêtée par les Hyperboréens
, depuis l’équinoxe jufqu’au lever des
Pléiades, & on paffe tout ce temps-là dans la
joie & les feftins.
Les Hyperboréens font placés par Ptolomée,'
dans fa defcription de la terre, dans les terres
les plus inconnues, fans que ce fa van t géographe»
s’explique plus clairement fur un fujet qui auroit
dû exercer toute fa fagacité.-
Strabon a fait plus de recherches fur ces peuples que
Ptolemée, mais pas affez pour fixer leur fituation ;
il réfute le fentiment d’Hérodote, d’Hellanicus*,
de Ctéfias & de Py théas de M«arfeille, fur les
Hyperboréens, parce qu’alors on avoit trop peu
de connoiffance des peuples du Nord. Cet auteur
dit encore que les anciens hiftoriens de la Grèce
comprenoienr tou tes les nattons du Nord fous.le nom
général de Scythes & de Celto-Scythes, & d’autres
auteurs encore plus anciens , appelaient Hyper-
boréens , Sauromates & Arimajpes ceux qui étoient
au-delà du Pont-Euxin & rdu Danube, & Saces
& Majfagetes, ceux qui étoient au-delà de là mer
d’Hircanie. Mnaféas, Cité par le fcholiafte d’Apollonius
, dit que de fon temps les Hyperboréens
s’appelloient Celtes. Les auteurs anciens mettoient
non-feulement les Hyperboréens fous le pôle, mais
fouvent même des peuples qui'en étoient fort
éloignés : ils regardoient comme voifins du pôle
tout ce qui étoit au-deià du Danube. Dans la di-
vifion de la terre par Pline , cet auteur place les
Hyperboréens dans le feptième climat, qui, félon
les fupputations des meilleurs géographes, doit
s’entendre depuis le cinquante-quatrieme degre ,
iufqu’au foixante-fixième, au-delà duquel étoit
l’océan Scythique, qu’on appelloit auffi Hyper-
Le mot Hyperboréen & celui de Scythe ,
étoient fynonymes , félon tous les auteurs anciens,
& fur-tout les poètes , qui confondoientf fouvent
l’un avec l’autre. Les Gaulois étoienr Hyperboréens
par rapport à l’Italie, félon un partage de
Plutarque. Le fcholiafte d’Apollonius , apres Athe-
n é e , cite aufli Pofidonius, qui afluroit que les
Hyperboréens habitoient aux environs des Alpes.
C ’eft cette diverfitê d’opinions ..qui a répandu tant
d’obfcurité fur le même peuple, & les a places
en des endroits fort différens ; quoique quelques
auteurs placent les Hyperboréens én A n e , le pius
grand nombre les placent en Europe : on pourroit
cependant dire qu’il y en avoit egalement en
Europe & en Afie , relativement au pays de ceux
qui en parloiçnt, car le nom Hyperboreen , & celui
de Scythe, qui lui étoit fynonyme, s entendoit
de tous les peuples du nord; que Ion place les
Hyperboréens fous le pôle ou près du pôle, ou
enfin , que l’on regarde comme tels les peuplas
qui étoient aux extrémités du feptentrion , 1 Europe,
& l’Afie ont eu des Hyperboréens, puifque
ces deux parties du monde s’étendent jufquau
pôle. . -
Que l’on regardât Borée comme un roi de Thra-
c e , ou comme le vent du Nord , on entendoit
par Hyperboréens les peuples qui etoient au nord
de ce pays, par rapport aux Grecs.
Le féjour de Borée etoit établi dans la Thrace,
au temps d’Ariftèe de Proconnèfe & d’Eratofthè-
ne ; & fuivant cette opinion , c’etoit de la que
ce vent fouffloit dans la Grece , aufli les peuples
qui habitoient au-delà n’en étoient pas incommodés
: ainfi, on peut penfer que les Grecs pla-
çoient les Hyperboréens au-delà de la Thrace,
fans les aller chercher dans des climats éloignés
ou glacés, où il leur eût été impoflibïe d’entretenir
un commerce réglé de préfens & d’offrandes
annuelles avec les Déliens.
' Le véritable féjour des Hyperboréens dont parlent
les Grecs, ne devoit pas être éloigné de la
Grèce, à caufe des pèlerinages fréquens qui fe
faifoient d’un pays*à l’autre; un pays tempéré,
où l’on ait honoré Apollon d’un culte particulier,
la partie de la Colchide qui avoifine le Phafe ,
femble le pays à qui ces chofes conviennent. Ce
pays n’étoit pas éloigné de la Grèce , & le Pont-
Euxin pouvoit faciliter le commerce entre ces deux
peuples : ou les Hyperboréens auront envoyé
leurs préfens par terre à Délos , en fuivant les
routes qu’indiquent les auteurs anciens. Si les' Hyperboréens
avoient habité plus au nord, les Scythes
les auroient connus, & Hérodote affure
qu’ils n’en avoient aucune connoiffance.
Quant aux auteurs qui font habiter les Hyperboréens
vers le pôle, on peut leur dire que l’on
étoit fi ignorant fur la fituation des pays éloignés,
qu’il fuffifoit d’être au nord ou au nord-eft de
la Grèce , pour que l’on vous foupçonnât voifin
du pôle, & on le croyoit de la Colchide même,;
un pairage de Valérius Flaccus y eft formel.
Arg. L. V . -
Hérodote dit dans un paffage , que les Colehois
des environs du phafe font Egyptiens, 8c cet
auteur dit le favoirpour les avoir vus lui-même :
quand il s’en, informa, les Egyptiens lui dirent
qu’ils croyoient que les Colchois étoient defcendus
de l’armée de. Séfoftris : Hérodote ajoute plufieurs
autres preuves pour établir ce fentiment ; il dit
que les Colchois font noirs & ont les cheveux
ftifés , qu’ils fe font circoncire , qu’ils mettent le
lin en oeuvre de la meme façon que les Egyptiens.
Jofephe dit la même chofe. Strabon, en deux
endroits, dit que leshabitans de la Colchide étoient
une colonie égyptienne. Diodore l’affure de même
, & dit. cependant que c’étoit une colonie qui
fut d’abord laiffèe dans les Palus-Méotides , d’où
elle alla enfuite dans la Colchide. Diodore' cite
aufli Agathias , qui difoit que Séfoftris, roi d’Egypte
, avoit laiffé une partie de fon armée dans
la Colchide, dès les temps les plus reculés, ou,
comme s’exprime Agathias , avant le voyage des
Argonautes , & ayant Ninus & Sémiramis. Tant
d’auteurs anciens ayant prouvé cette origine, on
peut voir d’où le culte d’Apollon étoit paflé chez '
les Hyperboréens.
Comme Apollon &Diane étoient fort honorés en
Egypte , la colonie établie fur les bords du Phafe
y apporta le culte de leurs dieux. Les liabi-
tans de ce pays ayant appris que fur-tout les
Grecs de Délos rendoient un culte particulier au
même Apollon , ils établirent ce commerce religieux,
dont parlent tous les auteurs anciens; delà
on peut voir que les Hyperboréens reçurent
le culte d’Apollon des Egyptiens , long-temps
avant qu’il ne fût établi à Délos ; & Hérodote'
dit que le culte de ce dieu avoit paffé de chez
les Hyperboréens à D é lo s , de-là à Delphes , à
Dodone , b c . Cet auteur dit pofitivement que
Latone étoit Egyptienne, qu'elle avoit à Buto
un oracle très-ancien : 8e c’eft de l'Egypte qu’il
raconte la fable de Tile flottante , fixée en faveur
de Latone, où elle accoucha de Diane 8c d’A pollon
, 8c que les Grecs ont dans la fuite attribuée
à l’île de Délos. Pline, L. x v i , c .3 6 , dit que
les maifons des Hyperboréens étoient conftruites
de cannes 8c de rofeaux ; Diodore de Sicile dit
la même chofe de celles des Egyptiens ; enfin-les
Hyperboréens avoient enfeignê aux^ Grecs l’opinion
de l’immortalité de l’ame , ' qu’eux-mêmes
vraifemblablement tenoient des Egyptiens, chez
qui elle étoit très-ancienne, ' . . . •.
H Y P E R D E X IUM , contrée de l’île de Le sbos,
félon Etienne le géographe.
HYPEREA, ou Hv pe r ia . Plutarque, in quxjl.