
impérieux & dur, porta la haine contre ce général
jufqu’à l’abandonner : elle refufa de combattre.
Cependant tel étoit le pouvoir des loix à
Rome j & le refpeâ pour la* dilcipline militaire,
que cette faute , qui en étoit réellement une capitale
contre l’état, fut punie très-févérement,
même par le général, qui en étoit la première
caufe. Il fit décimer les foldats, & trancher la
tête à pluûeurs officiers. L’année fuivante ( 283 ) ,
on intenta contre lui une accnfation devant le
peuple ; prévoyant bien qu’il y fuccomberoit, il
fe donna la mort. La même année, les Sabins
& les Eques occupèrent les armes romaines. Va-
léfius , ecnful, remporta quelques avantages fur
les Eques. Son collègue Emilius livra bataille
aux Sabins : le fuccès fut très-douteux.
En 284 , les Volfques & les Eques furent
vaincus par le conful Virginius. Son collègue
Numicius ravagea la campagne des Volfques^
puis il pilla le port d’Anrium 8c le combla, après
s’ètre emparé de 22 galères. Les deux confuls
réunis portèrent enfuite leurs forces dans la Sabinie.
D ’autres guerres eurent un fuccès auffi heureux.
s La prife d’Àntium (2 8 5 ) , avoit donné lieu
d efpérer que l’on alioit voir ceffer, pour quelque
temps au moins, les troubles occafionnés par le
defir du partage des terres. Le fénat, au lieu de
procéder à ce partage , & pour en diftraire
1 attention, offrit d’y envoyer une colonie. Mais
quelle différence, & combien les corps puiffans
o n t, en tout tems, cherché à écrafer le peü-
P,le \ -^-“ er s’établir -dans une colonie , c’étoit
s éloigner de fes parens, de fes amis, renoncer
à fes habitudes, enfin , en quelque forte , s’expatrier.
Cette faveur, qui, tous les empereurs, étoit
précreufe aux foldats , parce q u e d e p u is longtemps
. courant le monde , ils n’a voient prefque
ni tanti;le, ni patrie, étoit une peine pour des
citoyens accoutumés à vivre à Rome, ou fur un
petit Ii-eav au voifinage. Auffi refufa-t-on d’aller
s établir a Antium ; & l’on perfévéra dans l’efpé-
rance d’un partage prochain des terres. Auffi la
colonie envoyée à Antium ne fut-elle guère com-
pofée que de Latins & d'Herniques. On eut encore
(en 288) la guerre contre les Eques & les
Sabins. Les premiers furent obligés de demander
la paix, & de fournir aux foldats des habits &
des vivres pour plufieurs mois.
Les diffenfions intefiines, interrompues pendant
quelque tems par les gi erres du dehors, & plus
encore par une contagion qui enleva les premiers
magiftrats de la république, & une grande partie
des c i t o y e n s f e réveillèrent enfuite avec une
force toute nouvelle. Ce n’étoit plus feulement
quelques patriciens odieux par une fermeté excef-
fiv e , que les tribuns entreprirent de combattre ;
ce n étoit plus même feulement le pouvoir des
confuls qu’ils effayèrent de diminuer; ils voulurent
rabaifFer l’autorité du fénat, & changer ab-
lokment le gouvernement de la république,
Peut-être en cela leur prétention étroit - elle blâmable
; du moins on ne peut exeufer les moyens
qu’ils mirent en oeuvre.
Pour parvenir plus furement à leur but, T e-
rentillus, l’un des tribuns, en 291, profilant de
l’abtence des confuls, avoit déjà demandé que
l'on nommât des commiffaires, à l’effet de drelicr
un corps de loix qui pût offrir une forme confiante
6c des maximes certaines , dans l’adminif-
tration de la juflice. Rien affurément n’étoit plus
jufle, puifqu’on ne peut légitimement condamner
un homme, de n’avoir pas obfervé une loi qu’il
ignore, ou pour n’avoir pas fuivi certaines formes
, qui n’ont pas été compétentes par leur
publicité. Cependant ceite demande trouva de
puiffans, contradi&eurs. On diftingua fur - tout
entre eux Cæfo Quintius , fils de L. Q . Cincin-
natus. Il fut cité devant le peuple, & , fur une
fauffe accufation, condamné à l’exil & à une
amende de 3000 as d’airain. Son père paya cette
fomme, ce qui le réduifit à une telle pauvreté
qu’il fe vit contraint de cultiver par lui - même
un fort petit patrimoine au-delà du Tibre. Mais,
comme les tribuns trouvoient encore de l’oppo*
fition dans les autres patriciens ,‘ ils fe portèrent
aux dernières extrémités, & accufèrent le fénat
de fomenter une çonfpiration pour égorger les
principaux d’entre le peuple, & mettre le refie
dans les fers.
Le conful Claudius ■ ( an 293 ) défabufa les esprits
prévenus par cette calomnie. Mais cela ne
put empêcher le mauvais effet que produifoient
continuellement les difeours des tribuns fur l’ef-
prit de la populace. Un Sabin , nommé Herdo-;
nius, ayant profité des troubles pour s’emparer
du capîtole, le fénat fut encore forcé de fe
relâcher de fes droits, pour obliger le peuple à
prendre les armes. Les ennemis furent promptement
vaincus; mais il en coûta aux Romains
plufieurs braves foldats & la perte d’un conlul.
En 294, les Eques' 6c les Volfques firent encre
eux une ligue, & combattirent avec opiniâtreté;
mais ils furent défaits , & les confuls reçurent
les honneurs du triomphe.
L’année fuivante (293 ) , la guerre s’étant1 re-
nouvellée contre les Eques, ils trouvèrent moyen
de renfermer le conful Minutius dans des déniés,
où il feroit immanquablement péri avec les troupes
qu’il commândoit, fi les Romains r/’avoient
pas promptement déclaré Cincinnatus difia-
téur. Ce brave Romain accourut auffi-tôt, délivra
le conful, & fit paff'er fous le joug les ennemis
vaincus. Cæ fo, fils de cet illuftre diéhi-
teur, envoyé, comme je l’ai dit, en exil, fut
rappedé à cette occafion , & fon accufateur condamné
à un banniffement perpétuel.
Les tribuns du peuple furent, en 296 ou 297,’
portés du nombre de 5 à celui de 10. Pour y
rénffir, ils avoient forcé le fénat, en affurant que
fi on les refufoif* le peuple 11e fe mettroit pas
x i
*n campagne. Ils (Opéraient être ainfi plus êtl
force ; niais moins bons politiques que le fénat,
ils ne virent pas que plus le nombre des tribuns
feroit grand, plus il feroit aifément divifé. Aufli
fe prêta-t-on allez facilement à leur demande. On
partit enfuite pour la guerre, & les ennemis furent
défaits.
Ce fut au retour de la campagne que les tribuns
, fe confiant dans leurs fuccès, entreprirent
de rappeller le fouvenir de la loi agraire. Ils en
poiiif'uivirent l’exécution avec chaleur, ,& s’op-
polèrenr encore à la levée des troupes. On employa
contre eux un moyen nouveau, & qui
réuffit. Cincinnatus ( 298 ) arrêta que les patriciens
feuls feroipnt la campagne. Mais, comme
il y avoit toujours quelque pillage à retirer de
ce5- guerres , & que c'étoit un avantage pour
ceux qui s*y trouvoient, cette réfolution ne fit
' pas plaifir au peuple, qui d’ailleurs aimoit la
gloire & les combats : il parut humilié de ceite
efpëce de mépris. Une cohorte de 800 vétérans
fe joignit à l’armée des confuls,' fous la conduite
de Siccius, plébéien d’un grand courage & d’une
grande valeur. Les Eques firent dans cette campagne
une perte confidérable. Mais au retour de
la campagne, Siccius, qui ' à la- vériré , avoit
très-bien fervi avec tout fon monde , fit fi bien
par fes intrigues, qu’il priva les généraux des
honneurs du triomphe.
Enfin la loi propofée précédemment par Te-
rentillus, & q u i, par cette raifon , prit le nom
de loi Termùlla, fut reçue à la pluralité des voix
en 299. On prit la réfolution de former un corps
de loix. Comme les Romains n’avoient qu’une
connoifTance fort imparfaite des règles & des
principes d’un bon gouvernement, ils eurent le
bon efprit de fentir qu’il leur convenoit d’envoyer
en Grèce chercher les lumières qui leur
manquoient. On envoya donc à Athènes confulter
les loix de Dracon ,& celles de plufieurs autres
légiflateurs.
Pendant l’année 300 , une pelle cruelle ravagea
l ’Italie. Un grand nombre de Romains, diftingués
par leur mérite, périrent de ce fléau. Les Eques,
les Sabins, ennemis nés des Romains, qui ne
vouloient que leur perte, effayèrent de profiter
de cette circonflance. Mais le mal -ayant porté
le même ravage chez eux, il leur fut impollible
de rien 'entreprendre.
En 301 & 302, lorfque les députés furentrevenus
de la Grèce, on fit l’èleûion de dix commiffaires ,
pour travailler à la rèdaébion d’un corps de loix.
Il fut arrêté que pendant un an, il n’y aurait pas
d autres magiftrats qu’eux , & qu’arbitres fouve-
rams de la jultice, ils pourraient tout décider
Jans appel.
Ces commiffaires, fous le nom de décemvirs
fe conduifircm, pendant le temps de leur nn-
giflrature , avec mie modération & une équité
qui allait julqu à ralleélaûan. Us convinrent qu'un
7 fieul, cliâquè jour, feroit revêtu de la fouveraine
puiffance. Le jour qu’il gouvernoit, il étoit revêtu
de 1a robe de pourpre, avoit feiil le droit
de convoquer le fénat, 8c de confirmer fes arrêts.
Quant aux neuf autres décemvirs, ils n’a-
voient d’autres diftin étions que d’être 'précédés
d’ un garde. Leur occupation étoit de corn oc fer
en particulier la portion de loix qui leur étoit
échue en partage, 6c de rendre la juftiee au peuple.
Ces magiftrats, à la fin de l’année, publièrent
dix tables de loix. Elles furent expofées en
public , 6c gravées fur des tables de chêne ; 6c
lorfqu’eiles eurent été corrigées 6c approuvées,
les décemvirs les firent recevoir dans les comices,
par centuries. On les grava alors fur des colonnes,
d airain. Mais Appius , l’un des décemvirs, ayant
fait courir le bruit qu’il faudrait encore deux
tables, pour former un corps de loix complet,
amena le peuple 6c le fénat à confenrir que la
magiftrature des décemvirs continuât encore un
an : 6c lui-même fe mit à leur tête. On va voir
quelles leçons toutes les nations peuvent retirer
de la condefcendance du peuple romain à cette
occafion.
(Année 303). Ces nouveaux magiftrats fe pré-
fentèrent dans la place publique, précédés chacun
de douze licteurs armés de haches. Le peu-
' pie, tremblant à la vue de cet appareil formidable,
crut voir dans ces légiflateurs autant de tyrans;
oc la fuite démontra combien cette crainte étoit
fondée. Ce ne fut pendant route l’année que violences
6c brigandages. Les fénateurs 6c les patriciens
les plus attachés à la république s’exilèrent
volontairement de Rome, 6c prefque tous fe re-,
tirèrent dans leurs terres.
Cependant l’année étoit révolue, 8c les décemvirs
s’étant maintenus d’eux-mêmes, fans une nouvelle
éleâion , continuoient de faire gémir le
peuple fous le poids de leurs in j offices. Un ennemi
du dehors leur montra combien étoit foifcle
une autorité qui n’eft foutenoe que par la force
& la violence. Les Eques & les Sabins , entrés
fur les terres des Romains, y caufèrent beaucoup
de dégâts. Après différens avis propofés dans
le fénat, fur la manière de remédier à un mai
fi preffant, la faâion des décemvirs l’emporta :
il fut réfolu qu’ils commanderaient l’armée &
marcheraient à l’ennemi. Le peuple , forcé de
prendre les armes, fe mit en campagne , fous la
conduite de M. Cornélius & de Q . Fabius. Mais,’
facrifiant leur gloire à leur reffentiment, ils lâchèrent
pied devant l'ennemi : ils fe retirèrent en
défordre fur le territoire de la république. Le fameux
Siccius, dont j'ai parlé précédemment 6&
qui étoit abfolument contraire aux décemvirs fut
affaffmé à l’armée par quelques-uns de leurs far
teilites.
Pendant que ces chofes fe paffoient au-dehors ,
Appius, qui étoit refté a Rome avec duix de fes
collègues, charmé de la beauté d’une jeune plès
P p p p a