
Quelques années après commença une guerre
confidérable, dans laquelle entra une partie des peuples
d’Italie connus des Romains. On .l’appela
guerre des alliés. En effet, ils avoient des traités avec
les Romains. Mais (en 664 ) voyant qu’ils partiei-
poient a toutes les peines, & qu’on ne vouloit point
leur accorder le droit de bourgeoifie , ils prirent les
armes ; leur armée étôit de cent'mille hommes,
l0llj le commandement d'Afranius, de Yenddius
oc de plufieurs autres généraux.
Le fénat, confidérant l’importance de cette guerre,
mut fur pied une armée aufli nombreufe que celle’
des ennemis, dont les deux confuls eurent la conduite:
chaque confïil eut cinq lieutenans choifis entre
les plus grands hommes de l’état & les plus expérimentés.
•
grande armee fut divifée en plufieurs corps ; i
les événemens furent différens. ’
Le conful Perpenna îj fut défait & contraint de
fe fauver à Eferniadéguifé en efclave ; il perdit
dans ce combat quatre mille hommes.
Papms alla aHiéger Acerré , le conful Céfar lui
tua fix mille hommes. Le fénat eut tant de joie
de cette nouvelle, qu’il quitta l’hàbit de deuil &
prit celui d’écarlate.
Le conful Rutilius fut défait au pafîage d’une
rivière, par Vétius ; Caton y fut bleffé & mourut
de fes blefîures. Caius Marins', lieutenant du conful,
vengea fa mort par la défaite entière de l’armée
de Caton.
Cepion, un des lieutenans de Rutilius, fut tué
avec tous ceux qui l’accompagnoient , dans une
emoufeade où il donna.
Marins ScSylla remportèrent un grande vifloire
lur les Maries ; le combat fut très-vigoureux.
Pompée Strabon défit, par trois fois, trois géné-
™ * d“ confédérés. Afranius fut tué. Judalitius
fit dreifer un bûcher dans la place publique d’A f-
culum ; il s’enivra , & , après s’être couché fur
le f i t , il ordonna qu’on mît le feu au bûcher, lorf-
qu’on le verroit endormi, préférant une fi cruelle'
mort à la honte de paroître en triomphe comme
efclave.
<$65. Pompée ayant défait quinze mille des confédérés
, dans lequel combat Caton fut tué ■ &
„Sylla en ayant tué cinquante mille en deux rencontres
, les alliés , abattus par ces fpertes demandèrent
la paix, à condition de jouir de la
grâce que le dernier décret du fénat avoit promife
en faveur de ceux qui fe foumettroient ; & ils
1 obtinrent.
Aulus Sempronius Afellüs , préteur de Rome en
1 abfence des confuls, voulant favorifer le peuple
opprime par les ufuriers, fut par eux affaffiné ■ on
ne put découvrir l’auteur de cet affaffinat : cela
caula beaucoup de troubles dans la ville.
Cecilius remit dans leur devoir les peu'ples de
la Gaule Tranfalpme ; ce qu’il exécuta avec beaucoup
de prudence & de valeur.
666. Divers -prodiges menacèrent les Romain^
de quelques événemens funefles ; du moins la
fuperflition tira parti de quelques circonflances ex-
traordinaires ; & , félon les hifloriens romains * les
evénemens qui fuivirent firent connoître la vérité
de ces prodiges.
La guerre de Mithridate , pendant quarante ans.
Les guerres civiles de Marius & de Sylla ont
été plus funefles & plus" fanglantes que celles des
Gaulois , des Samnites , des Carthaginois, des
alliés, &c.
Mithridate , prince perfan, fortoit du fang d’Ar-
tabafe, un des plus grands capitaines qu’eut Da-
; rius contre Alexandre-le-graiid ; : il étoit plus haut
que la taille ordinaire des hommes ; il avoit l’efprit
v if, beaucoup de valeur, une mémoire prodigieufe ;
enfin il avoit toutes les vertus .& les vices à l’excès ;
il etoit fourbe, diflîmulé, ambitieux, cruel, fan-
guinaire, ivrogne , furieux dans fa colère, & ne
pardonnoit jamaisr
Antiochus Evergète , roi de Syrie, l’aima d’abord
tendrement, a l’occafion d’un fonge ; fon amitié
fe changea en haine, & il l’auroit fait périr, s’il ne
fe fût fâuvé.
Il fe retira à la cour d’Ariarkthe, roi de Ca-
padoce, qui avoit époufé fa foeur Xaodice. Ce
prince ne connoiflant point d’autre vertu que font
ambition, vint à ce point d’ingratitude, qu’il fit
aflafiiner fon beau-frère ; Xaodice, pour confèrver
la couronne à fon fils Ariarathe , époufa Nicomède 1
roi de Bithynie, qui prit la qualité de tuteur du
jeune Ariarathe & de régent du royaume.
Les grands mirent leur état fous la proteélion
des Romains ; Aquilius , qui fut député, ordonna
à Mithridate de fortir de la Capadoce ; il obéit aux
ordres du fénat : Àriobarzane fut établi fur le
trône.
Mithridate, avec des forces confidérables, revint
en Capadoce , d’où il chafla Ariobarzane, & fe
rétablit avec- plus d’autorité qu’auparavant.
Mithridate voyant qu’il avoit à foutenir la
guerre contre les Romains , aidé des troupes de
Tigrane, roi d’Arménie , fon gendre ; d’Arfaces
roi des Parthes, & de plufieurs autres princes, mit
fur pied une armée de deux cents cinquante mille
faritaffins & de quarante mille chevaux , fans
compter une autre armée navale qui étoit de trois
cents galères & de cent vaifleaux ronds.
Les Romains oppoferent a Mithridate cinq armées,
en comptant celle de ^Nieomède.
Le proconful Caflius en avoit une de trente-
quatre mille hommes.
Celle d’Aquilius étoit de quarante - cinq mille
hommes.
Celle d’Opius, de quarante mille.
Celle de Nicomède, de cinquante mille hommes
de pied & de fix mille chevaux.
L’armée navale étoit auffi, forte que celle de
Mithridate,
.Mithridate défit d’abord Nicomède ; Aquilius fut
défait par Néoptolème, frère de Mithridate.,
? Opius, qui ne voiiloit pas hafarder la bataille,
s enferma dans Laodicée avec la moitié de fon
armée ; les habitans le livrèrent pour ne pas ë'x-
pofer leur ville au pillage. Dès que Mithridate l’eut
en fon pouvoir , il le promena par tous les lieux
de fes -conquêtes, pour faire voir qu’il avoit un
des généraux romains, dans les fers.
Aquilius étant tombé entre fes mains, après l’avoir
fait promener fur un âne, dans fon camp & dans
quelques villes, il lui fit avaler de l’or fondu,
parce qu’il le regardoit comme le principal auteur
de cette guerre.
^ La haine que Mithridate portoif aux Romains
etoit^ fi grande, qu’il ordonna à toutes les villes
qui etoient fous fon obéiflànce, de maffacrer, fans
difiinéfion de fexe, d’âge & de condition , tous
les Romains & les Italiens qui s’y trouveroient,
avec recompenfe pour ceux qui exécüteroient cet
ordre, & punition contré les infraéleurs : ainfi, il
fut tue plus de cent cinquante mille perfonnes.
Caflius, devenu fage aux dépens des autres,
étoit le feul des trois généraux romains qui avoit
évite la fureur dé Mithridate , s’étant retiré à
Rhodes.
Mithridate jure la perte des Rhodiens & afliège
Rhodes avec toute la fureur poflible ; Caflius s’y
défendit avec toute la valeur imaginable.
Mithridate, après avoir perdu la moitié de fes
troùpes, ayant même appris que fa flotte avoit
fait naufrage, leva le fiège.
Mithridate envoie fon frère Archelaüs pour faire
foulever la Grèce : il y réuflit.
Le conful Sylla pafîa en Grèce, remit Thèbes '
fous l’ohéiflance, & afliégea enfuite Athènes.
667. Sylla continua la guerre en qualité de
proconful, prit Athènes éPaflaut & remporta une
grande viâoire contre Archelaüs, dont l’armée I
etoit de cerit vingt mille hommes ; on compta fur
le champ de bataille cent neuf mille morts, quinze
cents prisonniers, & tout le bagage fut pris. Cette
grande vifloire ne coûta que treize foldàts aux
Romains,.
On ne peut’ exprimer la rage, la fureur &,la
cruauté de Mithridate, lorfqu’il apprit cette nouvelle
; fa colère, fa barbarie le rendirent fi odieux ,
que l’on confpira- contre fa perfonne.
Mithridate , revenu de fies emportemens, mit une
armée de quatre-vingt mille hommes, fous la conduite
de Dorilaiis, pour dégager fon frère, &
avoir fa revanche ; Sylla défit cette armée, leur .
tua quinze mille hommes : leur perte entière étoit
inévitable , s’ils ne fe fuflent fauves. dans leur
camp.
, Marius, jaloux de la gloire de Sylla & ennemi
déclaré de ce proconful, fe fit décerner le commandement
de l’armée contre Mithridate, par Sul-
pitius, tribun du peuple, qui fe fit fuivre de fix
cénts chevaliers, & chafla les deux confuls de la
,place publique.'
Marius fe difpofe à aller dans la Grèce ^ les deux
tribuns militaires qu’il y avoit envoyés , pour
retirer l’armée des mains de S y lla , furent mafla-
crés par les foldats.
Sylla rèvint à Rome pour empêcher les défordres
que caufoit fon abfence. Le conful Cinna envoya
les préteurs Brutus & Servilius à Sylla, pour lui
commander, de la part du fénat, de ne pas avancer
davantage.
, Sylla fit peu d’état de ce commandement , 6c
s’étant faifl par fes généraux des portes de la ville
de Rome, Gratidius , lieutenant de Marius, ayant
voulu oppofer à fa marche avec un corps de dix
mille hommes, fes troupes frirent taillées en pièces.
Sylla voyant tous les Romains fous les armes,
menaça de mettre le feu dans toutes les maifons
de ceux qui feroientdans les intérêts de fon èn-
nemi ; chacun fe retira : Marius s’étant réfugié dans
le temple de la Terre, promit la liberté .à tous les
efclaves qui prendroient lès armes en fa faveur;
mais perfonne ne s’étâht déclaré pour lui, il auitta
la v ille , s’embarqua à Offre & pafla en Afrique,
où il efliiya touille périls.
Sylla fit aflembler le fénat, déclara Sulpitius,*■
Marius, père & fils , Céthégus , Junius Brutus
& dix autres fénateurs, ennemis de l’état, fit dé-
pofer le conful 'Cinna, mit en fà place L. Cornélius
Merula, remit le fénat dans fon autorité
fouveraine , dont il reçut une nouvelle confirmation
du commandement de l’armée, & retourna en
Grèce.
Marius'fe rend en Italie, Cinna fe joint à lu i,
Sertorius & Carbon lui amènent des troupes : leur
armée fe trouvant fort nombreufe, ils réfolurent
d’afliéger la ville de Rome, quoique les portes
leur en fuflent ouvertes; on ne peut exprimer à
quel excès de cruauté Marius & Cinna fe portèrent.
Le maffacre dura trois jours ; on croyoit que ces
barbares vouloient exterminer jufqu’au dernier»des
Romains.
- 668. Dans le temps que Rome étoit fous la
domination de ces deux confuls qui étaient haïs
dé tout le monde, on apprit que Sylla, qui avoit
triomphé de la Grèce & des forces de Mithridate ,
s’avançoit pour délivrer fa patrie de l’oppreffion
où elle étoit, à la tête de foixante mille hommes ;
Marius en eut. un chagrin inconcevable ; il en
perdit le fommeil, & mourut le dix-feptième jou*
j de fon feptième confulat.
Caïus Marius, fon fils , fit changer la joie e»
triftefle , & voulant punir R.ome des marques de
fàtisfaéfron qu’elle avoit fait paroître à la mort de
ce cruel conful, fe voyant général des armées , en-
chériflànt fur la cruauté de ton père , fit un maflacre
général dans la ville ; ceux qui échappèrent allèrent
au-devant de Sylla, & Rome refta déferte.
Le conful Flaccus fuccéda au gouvernement
d’Afie ; Fimbria, fon lieutenant, qui étoit un grand
Y y v Y a.