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efclavcs fugitifs, en bataille rangée, mais qu’il avoit
l’avantage d’avoir coupé les racines de cette guerre.
La réconciliation .de Craffus & de Pompée fut
l’objet d’une joie univerfelle.
La guerre fut déclarée à Tigrane, parce qu’il
ne vouloit pas livrer Mithridate.
Lucullus entra en Arménie avec dix-fept mille
hommes de pied & trois mille deux ceuts chevaux.
Lucullus défait Métrobarzane ,- général de T igrane;
fon armée Jut entièrement mife en déroute,
& il fut du nombre des .morts.-
Lucullus afîiège Tigranocerte , dans laquelle
ét'oient les femmes & les enfans de Tigrane.
Tigrane & Mithridate vinrent au fecoursde la
ville avec cent cinquante mille hommes de pied ,
cinquante mille chevaux , vingt mille tireurs de
fronde & trente mille pionniers.
Lucullus ayant laide fix mille foldats dans les
lignes, avec douze mille hommes feulement, attaqua
cette prodigieufe armee èc la défit ; le carnage
dura fept heures ; :cent mille des ennemis relièrent
fur le champ cle bataille. Cette grande victoire
ne coûta aux Romains, que cinq hommes, &
dix-fept qui furent bleffes.
Tigranocerte fut prife d’afiaut ; le pillage en
fut donné aux foldats, qui y firent un butin im-
menfe. Lucullus fit donner cent écus à chaque fol-
da t, pour récompenfe de la valeur qu’ils âvoient fait
paroître dans le combat & a la prife de la ville.
Dans le dénombrement du peuple qui fe fit
fous ce confulat, il fe trouva quatre cens cinquante
»fille chefs de famille.
688. Lucullus ayant appris que dans Artaxate
il y avoit une partie des femmes & des enfans
de Tigrane , il en fit le fiége ; «lie étoit la capitale
de fes états; Tigrane & Mithridate, à la tête
d’une infanterie de foixante-dix mille hommes & dp
trente-quatre mille chevaux, fe préfentèrent pour
la fecourir ; il fe donna un combat où la vifloire
fut long-temps , en balance ; les Romains à la fin
eurent le defliis ; toute l’infanterie arménienne fut
taillée en pièces ; Tigrane & Mithridate fe fauvè-
rent,lùivis de quelques cavaliers.
Lucullus entra enfuite en Méfopotamie, prit
Nifybe, où il trouva Gouras, frère de Tigrane,
qu’il traita en prince. Il mit enfuite fes troupes
en quartier d’hiver.
687. Quoique Lucullus, avec fi peu de troupes,
eut fait des aflions qui alloient jufqu’au prodige,
on ne lui rendit pas juftice ; on lui ôta le commandement
des armées d’Afie ; on fit Pompée gé~
néraliffime de toutes les forces de la république.
On leva de nouvelles troupes ; on mit fur pied
une armée de cent vingt mille hommes d’infanterie
& de cinq mille chevaux, parce qu’on vouloit
faire la guerre en plufieurs endroits.
Comme on vouloit nettoyer la mer des corfaires
qui empêehoient la navigation, le fénat créa vingt-
cinq lieutenans-généraux qu’on envoya en divers
pndroits, & en quarante-trois jours la mer devint 1
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libre & la navigation fûre : tous les pirates furêiîî
punis ou écartés dans des terres ; la famine cefik
à Rome, & l’abondance y fut rétablie.
Mithridate, qui avoit toujours été maltraité par
Lucullus, défit deux de fes lieutenans, Fabius &
Triarius : ce dernier, qui fut le plus maltraité, perdit
fept mille hommes, du nombre defquels furent
cinquante-fix centeniers, vingt-quatre colonels &
foixante officiers fubalternes. '
Pompée étant arrivé en Arménie avec trente-
deux mille hommes, Lucullus lui remit le commandement
de fon armée ; il réferva quinze mille
cavaliers pour le conduire.
Lucullus entra en triomphe à Rome ; ce fut un
des plusfuperbes qu’on eût v u ; on y voyoit entre
autres la ftatue d’or de Mithridate, haute de fix pieds»
tenant un bouclier orné de cinq cents gros diamans.
Lucullus fut malheureux par fes deux femmes ;
il ne voulut pas fe marier ; il s’abandonna1 à fes
plaifirs ; fes débauches & fa vie voluptueufe le
rendirent prefque imbécille : fur la fin de fes jours
on fut obligé de lui donner un curateur.
Le nom de Pompée fit trembler les Afiatiques ;
Mithridate fut abandonné de la. plus grande partie
de fes troupes; il fit parler de paix.
Pompée lui demanda, pour premier article, qu’il
livrât les transfuges & fa perfonne ; ces conditions
lui paroiffant trop riides, on en vint à un combat
dans lequel Mithridate fut d’abord défait ; dix mille
Afiatiques furent tués ;. & , peu de temps après, les.
autres craignant Un pareil fo r t, prirent la fuite ;
Mithridate fe retira vers Tigrane, qui lui refufa
l’entrée de fon royaume ; il fit fa retraite dans
la Colchide , où régnoit Macarès ftin fils, fuivi
feulement de trois mille hommes de pièd & de
huit cents chevaux. Ce prince le reçut avec tous
les honneurs poffibles ; cependant ce père barbare
le fit affaffiner, parce qu’il avoit fait alliance’avec
les Romains pour conferver fa couronne.
Pompée pourfuivit Mithridate dans fa retraite.1
Il défit les rois des Albains & des Hibériens',
qui vouloient s’oppofer à fa marche ; & leur ayant
tuè dans le combat trente-fept mille hommes, il
les obligea de demander la paix, qu’il leur accorda
gén éreufement.
Pompée, ayant appris que Mithridate s’étoit fauve
en Hircanie, ne voulut pas l’y pourfuivre, dans la
crainte d’expofer fon armée à une perte évidente
dans une terre remplie de bêtes venimeufes.
Il mena fon armée en Arménie pour châtier
Tigrane; ce prince reçut Pompée avec tout le
refpefl poffible , & jamais général romain ne reçut
d’un roi tant de foumiflions.
Tigrane avoit un fils de même nom que lui ;
ce fils ingrat prit les armes contre fon père ; il
fut défait & contraint de fe retirer chez les Par-,
thés.
Pompée fit ce qu’il put pour les reconcilier ;
mais ayant furpris des lettres que le jeune Tigrane
écrivoit aux Partîtes pour les engager à prendre les
armes
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armes contre. les Romains ; Pompée le fit arrêter
& l’envoya à Rome, où l’on le fit mourir dans
la prifon.
Pompée donna la paix à Tigrane, aux conditions
fuivantes.
Que la Syrie, la Phénicie & la Cilicie feraient
provinces de l’empire Romain;
' Qu’il paieroit comptant fix mille talens;
Q u’il, donnerait cinq écus à chaque foldat, cent
aux centeniers & mille aux tribuns ;
Qu’il fe contenteroit de l’Arménie.
688. Pompée fonda la ville de Nicopolis, dans
la baffe Arménie.
Orèfe , roi des Albains-, prend le parti du jeune
Tigrane ; il voulut venger, fur Pompée, fa
détention : croyant furprendre ce général romain ,
il entra en Arménie avec une armée., de quarante-
cinq mille hommes , qui fut défaite : ce prince prit
la fuite avec^peu de cavaliers, & ne. rapporta dans
fon pays que la honte de fa défaite & le défefpoir
d’un deffein fi mal concerté.
.. 689. Artoce, roi des Ibériens, & Orèfe fe
liguent : Pompée marcha en diligence ; le roi des
Ibériens fut défait ; il obtint la paix, à condition
de payer un tribut & de dépendre de l’empire
Romain.
Orèfe obtint la paixTiux-mêmes conditions.
Phraate, roi desParthes, fait une irruption dans
l’Arménie contre Tigrane. Pompée mit à la tête
de vingt-deux mille hommes Afranius & Gabinius,
- deux dé fes lieutenans , avec ordre de ravager
les terres de Phraate; Ce roi , qui ne vouloit
point de guerre avec les Romains, demanda la
paix & leur alliance; ce qui lui fut accordé, à
condition qu’il retireroit fes troupes de l’Arménie.
690. Une conjuration épouvantable fit trembler
Rome, dans le temps que Pompée augmentoit
l’empire avec tant de gloire.
L. Sergius Catilina, recommandable par fa naif-
fance, fa valeur, & plufieurs autres grandes qualités,
• avoit auffi des vices qui terni ffcient les vertus. Il étoit
fourbe, méchant, fans foi & rempli de tous les
défauts qui font un méchant homme.
Sylla l’avoit fait gouverneur d’Efpagne, où il
ayoit commis quantité de concuffiens. Il brigua le
confulat, qui lui fut refiifé à caufe de fa mauvaife
conduite en Efpagne: ce refus lui fut fi fenfible,
qu’il confpira avec Antonius & plufieurs autres
perfonnes de qualité, qui n’étoient connues que
par leurs vices & leurs débauches , de. renverfer
la république.
Leur ddffein étoit de maffacrer tous les fênateurs
& tous les grands officiers de l’état. Ce coup manqua
par la précipitation de Catilina, & le défordre
fut appaifé par la prudence des fênateurs. M. Tullius
•Cicero, & C. Antonius, étoient confuls (692).
On ne peut concevoir le défefpoir de Catilina,
quand il apprit que Cicéron avoit été élu conful ;
il Attenta à fa- v ie , mais inutilement.
Géographie ancienne.r Tome II.
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Cicéron ayant fait affembler le fénat, découvrit la
conjuration jufques dans fes moindres circonfiances ;
Catilina fi.it affigné à comparoître ; Cicéron, avec
cette éloquence fou tenue de la vérité, le convainquit.
Dès que Catilina voulut répondre, à peine
eut-il dit quatre paroles, que les fênateurs, ne
pouvant fou tenir fa préfence, fe levèrent, lui
. reprochèrent fes trahifons, fes violences, fes fourberies
& fa tyrannie.
Catilina fortit de Rome précédé de douze lifleurs
& accompagné de trois cents de fes partions. Il fe-
retira au camp de C. Manlius, un de fes partifans,
lequel avoit mis fur pied quatorze mille hommes :
plufieurs débauchés le furent trouver : Fuiviûs,
fils d’un fénateur, fut arrêté à la porte & amené •
à fon père , qui lui fit trancher la tête comme
criminel d’état.
Quatre des principaux conjurés , Lentulus ,
Cetegus, Statilius & Caffius furent arrêtés &
exécutés dans les prifohs, pour éviter la fédition.
692. Catilina voulant. pafifer dans les Gaules
pouf les porter à la révolte, M^tellus Céler
s’oppofa à fon paffage : Pétréjus fuivit Catilina ;
il fe trouva entre deux armées, & dans la néceffité
de combattre ; ce qu’il fit en déterminé, & fut
tué avec tous ceux qui combattoient pour lui.
Le fénat- donna à Cicéron le titre glorieux de
Père de la Patrie.'
Pompée, étoit toujours en A fie ; Mithridate lui
envoya demander la paix : le proconful lui fit dire
de venir faire fes foumiffions en perfonne ; mais
ce prince étoit trop fier pour faire une chofe fi
indigne de la majefié royale.
Mithridate , réfolu de faire un dernier effort
eut recours à la tyrannie pour faire les levées de
deniers & d’hommes dont il avoit befoin. Il devint
odieux ; fes capitaines refufèrent de lui obéir, fes
foldats déferraient.; on mit cinq de fes enfans entre
les mains de Pompée ; fix de fes filles, qu’il en-
voyoit avec une bonne efeorte , pour les marier en
Scythie à quelques grands feigneurs dont il efpéroit
tirer quelques fecours , furent livrées à Pompée par
ceux même à qui il les avoit confiées.
Dans le temps que Mithridate prenoit les me-
fures pour paffer dans les Gaules, fon fils Phar-
nacès, qu’il ayoit aimé tendrement, fe mit fous la
proteflion des Romains,. & fe fit déclarer roi de
Pont : ce fut le coup le plus fenfible qu’il eût reçu
de fa vie; 1 prit du poifon inutilement : un de
Tes capitaines s’étant rendu à fes preffantes prières ,
lui paffa fon épée au travers du corps.
Ainfi mourut Mithridate , l’un des plus grands capitaines
de fon temps, âgé de foixante-quinze ans,
après avoir foutenula guerre contre les Romains
pendant plus de trente - quatre ans , depuis 666
jufqu’en 692.
Pharnacès eut la couronne de Bofphore, que
Ion frère Macarès avoit poffédée : le royaume de
Pont fut réduit en province.
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