
demment de l*adminiftration des affaires ceux qui
dévoient prendre le moins d’intérêt au bien public ;
8c que, par différentes loix, il affeéloit de rétablir
l ’aréopage dans fa première dignité, & de donner
aux magiff rats la force & le crédit néceffaires pour
maintenir la fubordination & l’ordre ; il accorda
en effet au peuple la permifîion de méprifer &
fes loix & fes magiftrats. Autorifer les appels des
fentences, des ^décrets & des ordres de tous lès
juges, aux affe'mblées toujours tumultueufes de la
place publique, n’étoit-ce pas conférer une ma-
giftrature toute puiffante a une multitude ignorante,
volage, jaloufe de la fortune des riches,
toujours dupe de quelque intrigant, & toujours
gouvernée par les citoyens les plus inquiets ou
les plus adroits à flatter fes vices? N’étoit-ce pas,
fouis le nom de démocratie, établir une véritable
monarchie ? Quand le légiflateur auroit publié ,
relativement à tous les objets particuliers de la
fociété, les loix les plus propres à la rendre heure
ufe , c’eût été fans fuccès, parce qu’il étoit im-
poflible que, la haine , la faveur, l’ignorance &
l ’emportement qui agiteroient les aftemblées publiques
, îaiffaffent établir & fubfifter" des règles
confiantes de jiirifprudence. À l’autorité des loix
on devoit bientôt oppofer l’autorité des jugemens
du peuple, & la porte' étoit ouverte à tous les
abus.
Solon créa un fénat compofé de cent citoyens
de chaque tribu ; & cette.compagnie, chargée de
l ’adminiflration des affaires, de préparer les matières
que l’on devoit porter à l’affemblée publique,
& de guider le peuple dans fes délibérations,
auroit en effet procuré de grands avantages au
gouvernement, fi le légiflateur avoit eu l’art d’en
combiner l’autorité avec celle du peuple, de façon
qu’elles fe balançaffent fans fe détruire.
Solon auroit dû avoir l ’attention de rendre les
affemblées de la place moins fréquentes qu’elles ne
l’avoient été jufqu’alors. Un fénat qui, fans comprer
les convocations extraordinaires que tout magiftrat
tout général d’armée pouvoit demander, étoit
obligé d’affembler quatre fois le peuple dans une
prytanie, c’eft-à-dire, dans l’efpacë de trente-fix
jours ( i ) , n’étoit guère propre à fe faire ref-
peâer ; le peuple le voyoit de trop près & le
jugeoit trop fouvent. Solon l’avoit encore dégradé
& rendu inutile en permettant à tout citoyen âgé
de cinquante ans, de haranguer dans la place publique.
L’éloquence devoit fe former une magif-
'trature fupérieure à celle du fénat; & , à la faveur
d’une tranfition familière à fon art, égarer les ef-
prits fur des objets étrangers, foümettant ainfi la
fagëffe dflfcmagiflrat aux caprices du peuple. ,
Aufli ce légiflateur eut la honte de voir lui-même
( i) Les affemblées générales étoient fixées au onzième,
au vingtième, au trentième & au trente-troifîème de
chaque prytanie, • - -
la tyrannie des Pififtratides s’élever fur les ruines de
fon foible gouvernement. Si des éaufes particulières
, depuis qu’Athènes eut recouvré fa liberté,
lui firent exécuter des entreprifes dont le peuple
le plus fagement gouverné eff à peine capable,
ce ne devoit être qu’un avantage paffager. Cette
Ville, idolâtre & ennemie des talens & des vertus,
n’a voit imaginé aucun autre moyen pour conferver
fa liberté, fans nuire à l’émulation, que d’accorder
les plus grands honneurs à qui ferviroit la patrie
d’une manière diftinguée, & de punir cependant
par le ban & l ’oflracifme (2 ) , ou un exil de dix
ans, quiconque enymroit trop bien mérité. Ariftide,
depuis la défaite de Xerxès, avoit fait porter une
lo i, par laquelle tout citoyen, quelle que fût fa
fortune, pouvoit afpirer aux magifïratures. Ainfî
le gouvernement, encore plus vicieux qu’il ne
l’étoit en fortant des mains de Solon, devoit
reproduire encore de plus grands maux, quand
l’efpèce d’enthoufiafme qui portoit les Athéniens
au bien feroit diffipé.
Aufîi les Athéniens furent-ils prefque toujours
dans un état perplexe &. convulfif. Après la guetre
contre les Perfes, enorgueillis du fuccès de leurs
vaiffeaux, ils prirent dès-lors le parti d’humilier
Sparte. Cette république, de fon côté, ne fut pas
plus fage. Elle fe livra à toutes les imprefîions
de la défiance & de la jaîoufie, & fut la vi&ime
de ces fèntimens qui la dominoient, pendant
qu’Athènesda devint de l’ambition de Periclês qui,
ne voyant que lui dans l’état, facrifioit tout à la '
gloire de gouverner des hommes libres, & de
fixer des inconflans. Il avoit vu fes concitoyens
ombrageux punir, en quelque forte, les plus grands
hommes de l’état de l’excès de leurs vertus : il
cherchoit à s’élever & â fe maintenir fur leurs
ruines. Ce n’eft qu’à ce principe qu’il faut attribuer
la guerre qui engagea les Athéniens contre
Sparte, & que l’on connoît fous le nom de guerre
du Péloponnëje. Elle dura vingt-deux ans & ne fut
décifive pour aucun des deux partis. Après fa mort,
le gouvernement paffa entre les mains de quelques
hommes médiocres, tels que Cléon, Nicias i
& les affaires allèrent encore plus mat.
Les Spartiates , ni plus heureux, ni plus adroits
pendant la guerre du Péloponnèfe , ne furent pas
profiter de l’affolbliffement des Athéniens, dont
les troupes avoient été défaites en Sicile. Les
grands fervices de Lyfandre, qui rénflit à humilie!*
Athènes au point d’y établir des tyrans-, & Lor
qu’il introduifit dans la v ille, produisirent encore
un plus grand mal en faifant perdre aux Spartiates»
la confédération dont ils avoient joui fi long-temps,
& en les éloignant de plus en plus des principes de * &
(2) Oftraconfignifioit en général une écaille; on don-
noit aufH ce nom à un morceau de terre cuite, fur lequel
chacun écrivoit lenom de celui qu’il vouloit faire bannir,
& qu’il jetoit au milieu d’une place deftinée à cet ufage :
il falloit au moins fix mille voix pour la condamnation.
leur légiflateur. Les Thébains, qu’ils avoient humiliés,
fortirent de cet état d’opprobre. Un feul
homme, philofophe & guerrier tout à la fois,
Epaminondas donna la force & la vie à toute fa
nation ; & les Spartiates, humiliés & battus, ne
jetterent plus dans la fuite qu’un éclat paffager
/fous le règne de leur roi Gléoménès. Athènes fut
divifée par des faélions. Excitée par les harangues
de Démofthène, à peine ofa-t-elle s’oppofer aux
entreprifes de Philippe. Ce prince, qui avoit
trouvé le moyen de Subjuguer dans chaque état
les efprits des particuliers, fut maîtrifer le corps
entier de la Grèce par fa profonde, politique. Après
la mort d’Alexandre & les troubles qui l’avoient
fuivie , une nouvelle puiffance fembla promettre,
encore quelques beaux jours de liberté, Ce furent
les Achéens, dont là confédération paroiffoit affurer
le falut de la Grèce. Mais leurs progrès furent
lents ; & , après Aratus, ils n’eurent plus d’homme
de génie à leur tête. Aufîi, brouillés avec la Macédoine
, fiers, pour ne pas dire plus, dans leurs procédés
avec les Romains, ils fe virent obligés de
céder à ces derniers, & toute la Grèce paffa en
leur pouvoir, comme n.ous le verrons ailleurs.
G o u v e r n e m e n t m i l i t a i r e .
Avant d’entrer en campagne, les Grecs, comme
les Romains, envoyoiént un héraut expofer les
motifs de leurs prétentions ou de leur mécontentement
; annoncer que toute amitié entre lès deux
peuples étoit abfolument rompue, & déclarer enfin
que l’on fe déterminoit à une guerre ouverte.
A Sparte, les deux rois étoient les généraux
nés de l’étar. Ils avoient d’abord commandé en-
femble & de concert; mais depuis une divifion
arrivée entre Cléoménès & Démarate ( Hérodote,
L. vr c. 7y ) , on porta une lo i, par laquelle un feul
devoit avoir le commandement. Il n’en étoit pas de
même à Athènes. Chaque tribu fourniffoit fon
commandant , & chacun d’eux ne poffédoit
l’autorité qu’un jour* jufqu’à ce que fon tour
revînt après dix jours révolus. Cependant il n’eft
pas fans exemple, & c’eft un éloge de plus à
donner aux Athéniens., que, fi l’un des dix fe
difîinguoit par des talens fupérieurs, les autres .
lui défèroient toute l’autorité à leur place. C ’eft
ce qui arriva, entre autres exemples que l’on en
pourroit apporter, à l’égard de Miltiade à la bataille
de Marathon.
Chez les Lacédémoniens, tout homme étoit
foldat : feulement on en diftinguoit de deux fortes ,
les Spartiates, ou les habitans de fa ville de Sparte ; '
&. les Lacédémoniens , ou les ..habitans du refte
de la Laconie. Le nombre des premiers pouvoit
monter à huit à neuf mille. L’age de porter les
armes s’étendoit depuis trente jufqu’à foixante ans.
Il arrivoit ordinairement que les Spartiates roar-
choient accompagnés chacun de quatre à cinq
efclaves , gfi’ils appel oient Hilotes, & qui étoient
armés à la légère (1).
L’âge de porter les 'armes commençoit plutôt
à Athènes. Les jeunes gens fe faifoient inferire
fur le regiftre public à l’âge de dix-huit ans : ils
prêtoient ferment de fervir l’état dans tous fes be-
foins , & l’on devoit porter les armes jufqu’à
foixante ans. La ville étoit plus peuplée que
Sparte : aufîi les troupes étoient - elles en plus
grand nombre. On voit dans Thucydide ( L . n ) ,
à-peu-près feize mille hommes en armes au commencement
de la guerre du Péloponnèfe, fans y
compter feize mille autres qui reftoient pour la
défenfe de la ville & des ports.
Dans les premiers temps, chaque foldat grec
faifoit la guerre à fes. dépens : & tant que les
Spartiates, fidèles aux loix de Lycurgue, ne s’écartèrent
pas de leur territoire , la république continua
à leur fournir en campagne un habit par
an & leur part des repas publics. On leur don-
noit trois & jufqu’à quatre oboles par jour iorf-
qu’ils paffèrent en Afie. Il en avoit été de même
à Athènes, où les bourgeois avoient d’abord fervi
à leurs propres dépens. Ce ne fut qu’au temps de
Périclès, lorfqu’il fit porter la guerre en Thrace
& dans les îles éloignées , que, par fon confeil, on
porta une loi pour accorder une paie aux foldats.
Les matelots recevoient par jour trois oboles ; les
troupes de terre en avoient quatre, & chaque-
cavalier recevoir une drachme : les généraux fer-
voient à leurs frais.
Les armes les plus ordinaires étoient le cafque,
la cuiraflè, la lance & l’épée : on fe fervoit aufîi
de l’arc , de la fronde & du javelot. Les boucliers
des cavaliers étoient plus petits & plus légers*
Les foldats grecs étoient bien moins chargés
dans leur marche que les foldats romains; ils
étoient aufîi moins fortifiés dans leur camp. (Polyb.
L. x v i i ). La comparaifon qu’en faitPolybe n’eft
pas à l’avantage des premiers. Ils difpofoient leur
camp de forme ronde, au lieu que les Romains
(1) On comprend fous le nom d'Hilotes, ou dvtiélotesy
l i partie la plus considérable & la moins humiliée des
efclaves chez les Lacédémoniens. Ils tiroient cette déno*
nvnation de l’ancienne ville d’Hélos , détruite par Agis,
fils d’Arifthène. Il eft vrai que dans la fuite, lorfque les
Lacédémoniens eurent aufîi réduit en efclavage la plus
grande partie des Mefféniens, ils les traitèrent comme
les Hilotes, & les défignèrentpar le même nom. Ils s’exer-
çoiênt aux métiers ou â l’agriculture, & , répandus dans la
ville ou dans la campagne, ils fervoient la république ou
gouvernoient les biens des particuliers. On a vu dans le
texte qu’on les emmenoit à la guerre : dans plus d’une
oceafion, leur conduite & leur valeur leur méritèrent
leur liberté. g •*
L’autre portion des efclaves, que l’on gardoit dans les
maifons pour les ufages domeftiques, étoient les moins
libres & les plus malheureux : on les appeloit chttrstf
( oïketaï), c’eft-à-dire , domiciliés. Lorsqu'ils avoient
trop bonnemine, l’état les faifoit mettre à mort; & quelque
maltraités qu’ils fuffent par leurs maîtres, ils ne pou-
voient jamais réclamer l’autorité des loix.
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