
dans Ton royaume de Bofphere, un des grands,
qui s’en étok emparé, le fit affaffiner.
Céfar ayant rétabli Déjotarus & Ariobarzane, qui
avoient été détrônés, & remis toutes les provinces
fous l’obéiffance, écrivit au fénat en ces termes :
Je fuis venu , j ’ai vu, j ’ai vaincu.
Céfar, de retour à Rome, fut agréablement furpris
de toutes les marques d’effime & d’amour que tout
le monde lui donna. Le fénat le créa conful pour
cinq ans, & diftateur pour un an.
708. Tous les ennemis de Céfar s’étoient retirés
en Afrique, & avoient fait tous leurs efforts pour
foutenir leur parti '& venger la mort du grand '
Pompée. Leur armée étoit compofée de quatre-vingt
mille hommes ; Caton , qui en refufa le commandement,
le donna à Scipion ; il fe retira à Urique,
où il établit un fénat de trois cents hommes choifis.
Céfar paffa en Afrique avec une armée ffe quarante
mille hommes de pied & trois mille chevaux.
Il fe donna un combat près de Lepris, où il ne
fut rien décidé ; la perte fut égale : Céfar s’effima
trèf-heureux d’être forti de ce dangereux pas avec
fi peu de perte, & avoir foutenu les efforts de
Labienus, de Pifon & de Pétréjus, à la tête de
quarante mille hommes, lorfque fes ennemis en
avoient quatre-vingt-mille.
Céfar battit encore Labienus ; il vainquit dans
une bataille générale .Tuba, roi de Mauritanie,
Scipion, Pétréjus, & Àfranius ; leur tua dix mille
hommes , & n’en perdit que cinquante. Cette
victoire fat fuivie de la prife de Tapfus, deTifdra
& d’Utique, où Caton fe ma de fa propre main:
Céfar ne pardonna pas à un feul des fénateurs qui
compofoient le prétendu corps du fénat d’Utique.
Jùba fe retira en Mauritanie avec Pétréjus ; ce
prince au défefpoir qu’on lui eût fermé les portes
de la ville de Zama, où étoient fa femme, fes erifàns
& fes tréfors, il fe ma avec Pétréjus: Scipion
périt dans un combat naval.
1 Sextus Pompée & Labinius fe fauvèrent en Ef-
pagne. ’ J
Céfar, après avoir réglé les affairesd Afrique,
réduifit la Numidie en province, retourna à Rome
avec un jeune prince, fils de Juba.
Le fénat décerna quatre triomphes à Céfar.
Le premier, pour la conquête des Gaules : on y
vit Vercingentorix attaché à fon char.
Le fécond, pour la guerre d’Egypte.
Le troifième, pour la réduâion du royaume de
Pont.
Le quatrième, pour la guerre d Afrique, avec cette
reflriffion, qu’il n’étcit point attribué aux viéloires
qu’il avoit remportées fur fes ennemis, parce qu’on
ne triomphoit point des citoyens romains, mais à la
viâoire qu’il avoit remportée fur Juba. On y vit le
fils de Juba, qui étoit un prince qui fe fentoit de
fa naiffance ; il fit tant de compaffion, qu’il fut
ordonné qu’on l’éleveroit en fils de roi aux dépens
de la république ; & pour faire oublier qu’il étoit
forti d’une nation barbare, on lui donna le nom
de Coriolan.
Le fénat, pour faire honneur à Céfar, ordonna
quarante joiirs de fêtes.
On le rendit difpenfateur de toutes les charges
& de toutes les dignités qui ne dépendroient que
de fa feule volonté. Il fut ordonné qu’on lui éle-
veroit une ftatue avec cette infcription : S e mi D eo ;
que fon char de triomphe feroit placé dans le capitole,
vis-à-vis la fia tue de Jupiter.
Céfar refufa ces deux dernières marques de dif-
tin&ion, & fit ôter l’infcription qu’on avoit mife fur
fa flatue.
Pour remercier le fénat & le peuple de ces
marques d’affeClion , il fit dreffer vingt-deux mille
tables ; les feflins durèrent tout le jour.
Pour remercier les Gaulois qui l’avoient bien
fervi, il donna de grands privilèges à plufieurs
villes des Gaules.
Il mit vingt illuftres Gaulois du nombre des
fénateurs.
Cléopâtre vint d’Egypte féliciter ce grand conquérant.
Le dénombrement des chefs de famille fe fit
fous ce, confulat. On ne trouva à Rome que cent
cinquante mille chefs de famille , & dans le dernier
il s’en étoit trouvé près de quatre cents mille ; ce
qui fait voir la quantité de perfonnes qui étoient
péries dans les guerres civiles.
70 9 .'Céfar fe prépara au voyage d’Efpagne,
pour s’oppofer aux deux fils de Pompée, à Labienus
& à Attius Varus , qui avoient fait fou-
lever tout ce pays & qui avoient levé des troupes
très-confidérables.
Il prit congé de Cléopâtre & de Ptolomée, fon
jeune époux.
Il fe fit déclarerj par le fénat, diClateur.
Il fit gouverneur de Rome, Lépidus. -
Céfar alla camper à une lieue du camp de fés
ennemis : quoiqu’ils euffent une armée de quatre-
vingt mille hommes, fans compter la cavalerie,
& que Céfar .-.n’eut pas plus de quarante mille
hommes, fe confiant fur fa fortune & la valeur
de fes troupes, il fe difpofa au combat, qui fut
.terrible*, La viCloire fut long-temps en balance. Il
anima fes troupes qui fuyoient, les rallia plufieurs
fois, fit le devoir de foldat & dé capitaine , &
s’expofa fi fort, qu’il combattit autant pour la vie
que pour l’honneur. Eneus Pompée, qui fut bleffé ,
caufa, en partie, la défaite de fon parti. Le champ
de bataille fût couvert de trente-trois mille morts ,
du nombre 'defquels furent Labienus & \ Varus.
Céfar ne perdit que douze cents hommes, & cinq
cents qui furent bleffés.
Eneus Pompée fe fauva , couvert de bleffures,
dans une caverne, où il fut maffacré. Sextus
Pompée fe fauva dans Cordoue, d’où il fortit le
lendemain: Céfar la prit deux jours après: tous
ceux qui s’y étoient retirés furent paffés au fil de
l’épée,
On
On étoit dans de grandes alarmes à Rome fur
le fort de cette bataille, qui devoit décider de
Céfar & de la république : la défaite des partifans
de Pompée finit cette guerre civile.,
| Dès qu’on-eut appris que Céfar étoit viélorieux,
le fénat s’emprefik à lui accorder de nouveaux honneurs.
On le, créà diclateur perpétuel ; on lui décerna
le confulat pour dix ans, le tout en fon abfénce.
On lui;donna le titre d'empereur-, non pas comme
général d’armée, mais comme héréditaire à ceux
qui fuccéderoient.à fes biens.
On lui fit élever deux flatues, - l’une dans le
temple de Quirinus, avec cette infcription : In v ic t o
D eo ; l’autre , auprès des anciens rois de Rome ,
-pour montrer qu’il méritoit d’être roi des Romains.
Céfar, en qualité de fonverain pontife, corrigea
le calendrier romain.
71 o. Céfar : fe rendit odieux en voulant triompher
•des enfrns de Pompée, & pour avoir fouffert, en
Portant du temple de Bellone , que-quelques flatteurs
euffent crié vive le roi : ayant remarqué .l’indignation
& l’émotion du peuple, pour faire ceffer
le murmure, il dit d’un ton de voix fort élevé :
Je fui$. .Céfar, 6* non pas roi.
Marc-Antoine, fon collègue, au confulat, ayant
mis fur la tête de Céfar une couronne royale
lorfqu’il étoit afiis à la tribune des harangues, dans
une chaire d’o r , revêtu des ornemens de la dictature
, fes partifans commencèrent à battre dés
mains ; mais voyant que le peuple n’y répondoit
pas, il l’ôta, & fur le champ tout le peuple battit
des mains pour le louer de fa modeffie.
' Marc-Antoine l’ayant mife une fécondé fois, il
arriva la même chofe.
Céfar vit bien que le nom de rot étoit odieux
au peuple romain ; c’efl pourquoi il fe contenta d’en
avoir l’autorité, fans en avoir le nom ni la couronne.
Quelques partifans de Céfar mirent des couronnes
royales fur fes flatues ; les tribuns du
peuple les ôtèrent le jour même. Céfar les maltraita;
comme il vit qu’on en murmuroit, il dit
qu’il avoit puni les tribims, parce,qu’on lui avoit
ôté la gloire de les arracher lui-même.
Brutus, neveu de Caton d’Utique , emporté par
un amour extrême de la liberté, conjura la perte
de ce grand homme avec Caffius, fon beau-frère.
Brutus découvrit le fecret de la conjuration à
Porcie , fon époufe, qui étoit fille de Caton, &
s’affura de fa difcrétionpar un ffratagême fanglant,
dont elle fit l’épreuve fur elle-même.
Céfar, conduit par Brutus , fe rendit au fénat
malgré la prédiClion de Spurinna , malgré le fonge
de Calpurnie, malgré l’avertiffement du grand fa-
crificateur.
Metellus Cimber, fous prétexte de demander
le rappel de fon frère,. qui avoit été condamné,
quelques jours auparavant, par un décret du fénat,
fe leva & vint auprès de Céfar pour lui demander
cette grâce d’une manière fuppliante. Il lui dit
que ce, qu’il demandoit étoit injufle : en même
Géographie ancienne. Tome IL
temps les conjurés, au nombre de foixante, s’approchèrent
pour appuyer Mcteliiis dans ia prière:
dans le même "temps ils mirent tous l’épee à la
main : Cafca lui donna le premier coup : dans le
temps qu’il fe jetoit fur cet affaffin., qu’il lui fai-
fiffoit fon épée, il fut percé de coups ; & , -ayant vu
Brutus entre les conjurés, il lui dit ces paroles
touchantes : Et toi aujji , mon fils Brutus ! Il fe
couvrit de fa robe, & alla tomber, percé de
vingt-trois coups, au pied d’une flatue de Pompée.,
qui fut teinte de fon fang.
Telle fut la malheureufe fin. du plus grand
capitaine & du plus grand homme qui ait peut-être
été dans l’univers, qui poffédoit toutes les perfections
& les qualités naturelles & acqyifes. Il étoit grand
orateur,. grand poète, grand hiflorien ; fes commentaires
n’ont, jufqu’à préfent, fervi que de
modèle, & perfonne n’a pu l’égaler dans ce genre
d’écrire.: c’efl le feul ouvrage qui nous refte dç
tous ceux qu’il a compofés, & qui nous fait'regretter
ceux que nous avons perdus. Il étoit bon
ami, magnifique, généreux ; fier dans le combat,
doux , clément dans la viCloire : il a même pleuré
la mort de fes plus cruels ennemis ; mais il ne fut
pas réprimer affez tôt fon ambition.
Il fut affafliné à l’âge de cinquante-fix ans, après
trois ans quatre mois & fix jours de fa dictature
perpétuelle.
Jamais perfonne ne l’a furpaffé en préfence
d’efprit & en activité. Il diCloit en même temps
à cinq fecrétaires d’affaires différentes, écrivoit
lui-même, & dans ce temps rendoit réponfe.
Il avoit fubjugué trois cents nations; il.avoit
pris huit cents places d’affaut ; il avoit donné
cinquante combats & remporté autant de victoires;
il avoit triomphé des trois parties du monde.
Enfin , félon quelques auteurs, il n’y a jamais eu
dans le monde rien de fi grand & de fi accompli que
Céfar.
Si on' en vouloit croire les hiftoriens de ce temps-
là , il parut, après fa mort, une étoile extraordinaire ,
qui fut appelée Jjilium fidus.
Le foleil parut éclipfé pendant toute l’année.
. Des pluies continuelles firent déborder les rivières,
qui caufèrent des défordres affreux dans toute
l’Italie. Mais quand on penfe combien les loix de la
nature font dirigées par tous les aCtes humains, fi
étrangers à fes grands travaux, on rit de ces contes ,
ou on en gémit.
On nomma conful C. Cornélius Dolabella, à la
place de Céfar. Le mois quintil lui fut confrcré fous
le nom de julius ou de juillet.
Les complices, après cet affaffinat, que leur pa-
triotifme exalté avoit montré comme néceffaire,
fortirent, leurs épées levées, criant liberté !
Le peuple s’affemble : Brutus monte à la tribune
aux harangues pour féliciter 1e peuple fur
i’aClion qu’ils avoient frite ; mais il frit obligé,
avec fes complices, de fe retirer dans le capitole ;
Marc-Antoine les prit fous fa proteClion.
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