
obtinrent leur pardon, à condition qu’on trancheroit
la tête à trente-cinq des plus criminels, du nombre
desquels furent les deux prétendus confuls.
La fécondé révolte fut celle d’Indibilis & de
Mandonius, qui fe mirent à la tète de vingt-deux
mille cinq cents Illiturges ; ils forent punis de la
témérité qu’ils avoient eue de préfenter la bataille à
Scipion, par la perte de quatorze mille hommes;
ils rentrèrent dans l’alliance des Romains, qu’ils
demandèrent.
Magon , frère d’Afdrubal, avec quatre - vingt
galères , tâcha de rentrer en Efpagne. Il aborda
a Gades ; les habitans lui refiifèrent l’entrée de leur
port, parce qu’il les avoit dépouillés de leurs
richeffes.
Lorfqu’iî partit pour l’Afrique, il tâcha de prendre
Carthage la neuve ; mais il fut repouffé avec une
perte très-confidérable : il ne réuffit pas mieux dans
les îles Baléares. Il reçut des ordres d’aller joindre
ion frère Annibal en Italie. .
Scipion ayant fournis toute l’Efpagne , fut rappelé
à Rome ; on y mit deux proconftds pour gouverner
ce royaume, qu’on avoit divifé en deux provinces,
citérieure & ultérieure. Scipion remit à ces deux
patrices, Lucius Lentulus & Lucius Manlius Aci-
dius, le gouvernement de rHifpanie.
Scipion rendit compte de ce qu’il avoit fait pendant
les cinq années qu’il avoit été dans ce pays,
remit des femmes très-confidérables d’or & d’argent
entre les mains des qudleHrs , brigua le conhilat
pour achever ce qu’il mêditoit. Fabius s’oppofa à
fbn élection ; il avoit gagné une partie des fëna—
teurs , en difànt que c’etoit violer les loix , qu’il
n’avoit pas l’âge pour pofféder une telle dignité.
Le peuple , malgré le fénat, le fit conful, & lui
donna pour collègue Craffus, qui, étant fouverain
pontife, ne pouvoit fortir de Rome : ainfi Scipion
n’avoit point à tirer au fort. Mais Q. Fabius
Maximus , jaloux de la gloire de ce jeune héros,
s’oppofa au deffein qu’il avoit de paffer en Afrique ,
& fit une longue harangue fur tous les inconvé-
niens qui pourroient arriver, en ôtant les troupes
d’Italie: Scipion remontra dans le fénar qu’il étoit
néceffaire de porter la guerre en Afrique,, pour tirer
Annibal d’Italie.
549- Le peuple, qui regardoit ce jeune guerrier
comme un dieu tutélaire , l’emporta tout d’une
voix par leurs fuffrages ; quantité de chevaliers
romains fe firent un.plaifir de l’accompagner, deN
combattre fous fes enfeignes , & tous les alliés
s’empreffèrent à lui fournir toutes les chofes nécef-
faires pour la réuffite de cette entreprife.
Pendant ce temps-là, Ofravius, amiral de la flotte
qui étoit for les côtes de Sardaigne , prit quatre-
vingt galères chargées d’hommes & de bled, defli-
nées pour rafraîchir l’armée d’Annibal.
Magon, frère d’Annibal, défendit fur la côte
de Ligurie , prit Gênes ; quantité de Gaulois le
joignirent à lui : il alla trouver Annibal dans le pays
des Brutiens, Pour empêcher la jonffiôjnles proconsuls
Lucretius & Livius harcelèrent cette armée,
a » avec une autre armée , s’oppofa à
Annibal, qui n’ofa fortir de fon camp.
_iPans ïe temps que Scipion étoit en Italie, ïndi-
bilis & Mandonius fe révoltèrent, fe mirent à la
tête de trente mille hommes de pied & de trois
mille chevaux. Ils furent défaits par lès deux pro-
confuls ; Indibilis fut tué ; on fit treize mille pri-
fonniers , du nombre defquels étoit Mandonius-,
qui eut la tête tranchée.
Scipion ayant envoyé Lelius pour reconnoître
les ports & les côtes d’Afrique, Maflînifia le vint
trouver, & implora fon fecours dans une a fi» ire
ou-il s’agiffoit de fa gloire & de fa fortune.
Il lui dit que fon pere étoit mort, que par les
loÿc du pays la couronne appartenoit au frère du
feu roi ; qu’il avoit ete fiancé à Sophonisbe, prin-
cefle carthaginoife, qui avoit autant de mérite que
de beaute ; que la mort de fon père le rendant un
fimple particulier, on lui avoit ôté Sophonisbe pour
la donner à Syphax, & par ce moyen le détacher
de l’alliance des Romains.
Lelius l’afliira de la proteélion de la république ,
qii elle prendroit fes intérêts contre ceux qui vou-
loient lui ôter la couronne.
Les Carthaginois, qui redoutoient Scipion, firent
tous leurs effors pour lui oppofer des forces capables
de lui refifter. Es levèrent des troupes dans toute
la Numidie, renouvellèrentl’alliance avec Philippe,
roi de Macédoine, qui leur envoya de l’argent 8c.
quatre mille hommes, fous la conduite de Sopater.
On créa un di&ateur pour prefider aux comices.
Q . Cecilius Metellus fut le foixante - feizième
di&ateur.
Le dictateur nomma les deux confuls, M. Cornélius
Céthégus & P. Semprqnius Tuditanus.
5 50. Pleminius, tyran de Locres, mourut le
troifième jour de fa prifon ; tous fes complices
périrent par les mains des boürreaux.
Scipion, en qualité de proconful, pafia en Afrique
avec une armée de quarante mille hommes, c’efi-
à-dire, trente-fix mille hommes de pied & quatre
mille chevaux.
Dès qu’on apprit à Carthage que Scipion étoit
en Afrique, toute la ville fut dans une confier-
nation generale. Hannon, a la- tete de cinq cents
chevaux, s’avança pour obferver les mouvemens
de l’armée ; le conful, qui le découvrît par un
chemin de détour, le fit envelopper; îl fut tue
avec tous ceux qui raccompagnaient.
Scipion donna ordre a Lelius d’àfliéger Utique,
fécondé ville de l’état des Carthaginois.
Maflînifia vint trouver Scipion à la tête de deux
cents cavaliers ; c’étoit un prince d’un grand mérite,
& dont ie conful efpéroif beaucoup.
Les Carthaginois firent dans cette occafion ,
tout ce qu’on pouvoit attendre ; fis tirèrent tous
les fecours qu’ils purent de leurs alliés, mirent fur
pied une armée de quarante mille chevaux. Hannon,
troifième frère d’Annibal, à la tête de cette noir*-
fereufe cavalerie, alla chercher les Romains : Sci-
pion ayant appris que dans leur camp on faifoit
mauvaife garde , & qu’on obfervoit très- mal la
dilapiine militaire, fortit de fon camp, & ayant
pofte fa cavalerie dans des lieux couverts avec trois
gros^ bataillons d’infanterie, Mafiînifia s’avança ',
liiivi feulement de douze cents chevaux, jufqu’aux
portes du camp des ennemis; d’abord ils mépri-
nom^re? Üs Sortirent pour les charger ;
Maflînifia les attaqua brafquement, & ferrant fes
cavaliers, fit une retraite en combattant toujours
comme s’il avoit craint leur grand nombre ; ils le
pourfuivoient ; il les attira ainfi dans l’embufcade :
alors la cavalerie & l’infanterie romaines tombèrent
lur eux avec tant de vigueur, que ne pouvant réfifier
a la valeur de leurs ennemis, ils prirent la fuite
apres avoir laifie douze mille hommes fur la place,
dont^ Hannon frit du nombre. Les Numides qui fe
fauvèrent, en eurent l’obligation àla vîtefle de leurs
chevaux.
Cette perte fut réparée par l’arrivée d’Àfdrubaf,
avec une armée de trente mille hommes de pied
oc de trois mille chevaux.
Syphax, quelques jours après, vint au camp des
Carthaginois avec cinquante mille fantaflîns & dix
mille chevaux.
I ^ n, ^ Rome une taxe fur le fel pour remplir
le trefor public, qui étoit épuifé par tant de
guerres.
551. Une pefie furieufe défôla l’Italie; c’efi
pourquoi on ne fongea point à combattre fous ce i
confulaî : toutes lès aérions fe paflerent en Afrique.
. àclPK>n donna trois batailles, dont il fortit toujours
vainqueur.
Syphax charmé, en apparence, de la valeur des
Romains & de la vertu de ce jeune, guerrier, fit des
propofitiohs de paix qui n’eurent point d’effet parce
qu on découvrit que ce n’étôit que pour gagner du
temps en attendant le retour d’Annibal, qui devoir
amenerun puiffant feeoursde Gaulois & de Ligurie®
Un Numide ayant découvert à Maffmiffa que
Syphax lui avoit promis une grande récompenfé
stl pouvoit l’affaffmer, Scipion réfolut de frire
tomber les Carthaginois dans le piège qu’ils lui
renctoient, Il feignit d’aêcepter le traité, mais il leur
ait qu il falloit le faire ratifier par le fénat ; on
accorda une fufpenfion d’arrhes..
> s foldats paflànt d’un camp à l’autre, fe vifi-
toient & fe réjoùifloient enfemble ; S.cipiôir apprit
par ce moyen , que les- baraqués des ÉâiMiagmoïs
« etoient couvertes que de bois, de rofeaux &
de cMtiiiïei
Scipion réfolut d’attaquer les deiïx camps des
ennemis pendant la niiif.
Lelius &Maffmiffamarchèrentau'camp de Syphax.
. ôotpïoil. fe ‘prépara à éinliVafer celui desGarffia-
gmois; ce qui fe fit avec des flèches1, air bout défi
quelles on avoit mis des feux gfégèoîS'.
On n e quel fut fe^éfordre affreux
e ces ° eux dàmps; eelix -qmi youloièhr;éviter les
flammes, tronvoient les Romains qui les perçoïent
à coups de flèches; le carnage fut fi grand, qu’il
y périt quarante mille hommes ; fix mille furent
faits prifonniers ; Afdrubal & Syphax fe fauvèrent,
on leur prit cent foixante-dix-huit enfeignes. Le
foldat profita de tout ce que le feu n’avoit pas
confumé.
Les Carthaginois appliquèrent tous leurs foins î
remettre une armée fur . pied : eh vingt-huit jours
de temps , elle fe trouva de trente mille hommes,
entre lefquels il y avoit quatre mille Celtibériens';
c’étoit Ce qu’il y avoit de plus confidérable. ’
Les ennemis allèrent chercher Scipion, qui
étoit devant Utique ; ce général leur en abrégea
le chemin en allant au-devant d’eux; comme ce
n’étoit que des troupes ramaffées, elles tinrent peu,
il n’y eut que les quatre mille Celtibériens qui’
préférant la mort à une honteufe foite , fe firent
hacher ; Afdrubal & Syphax fe fauvèrent à la faveur
de la nuit ; il relia fur le champ de bataille huit
mille fept cents hommes des ennemis, avec les
quatre mille Celtibériens ; les Romains ne perdirent
que trois cents foixante-dix hommes.
Après toutes ces pertes, plufieurs villes fe rendirent
aux Romains.
- 1 Les Maffiliens rappellèrent Maffiniffa pour le
rétablir fur le trône, de fon père.
On envoya un ordre exprès à .Magon & à Afdrubal
pour les preffer de" revenir pour fécourir la patrie.
Scipion prit la ville de Tunes. Les Carthaginois
mirent encore fur pied une armée dé trente mille
hommes.
Scipion défit aifément ces nouvelles troupes
qui étoient fans expérience. Syphax fut pris dans’
ce combat.
Mafîînifîa pria Lelius de lui remettre Syphax
entre les mains , ajoutant qu’il étoit perfuade que
les portes de Cyrta lui feroient ouvertes.
.Sophonisbe toute en pleurs; fe jetta aux pieds
de Mafiînifia, qui, pour lui éviter la honte du
triomphe, l’époufa le jour même, tandis que
Syphax , réduit dans un cachot, mouroit de rage
8c de defefpoir.
Lelius fut fort furpris en arrivant, d’apprendre
fon mariage. Il lui repréfenta vivement fa faute;
il avoit même réfolu d’enlever Sophonisbe & de
l’envoyer à Scipion. Les prières & les larmes de
Mafiînifia le firent réfoudre à attendre ce général.
E le trouva inflexible ; 11 lui répréfenrà avec force*
lés conféqueuces de ce mariage, qui défruifoit fon
bbiŸhènr , fit fortuné, & là forte inclination que le
fénat. avoit pour lui.
ImÆnifia envoya à Sophonisbe une boëte d’or
dans laquelle il y aVôit du pôifon, avec une lettre
Ou il lui marquoit qu’il ne favoit que ce feul moyen
pour lui épargner la honte du triomphe : elle le
prit.
^ Syphax* fiït envoyé à Rofnê; il mourut à Tibur
miférablement, quelque temps après.
Ees Carthaginois' battus de tous côtés, firent des
S s s s 2