
lua vingt-quatre, mille hommes , & les humilia tel-*
lement qu’ils furent obligés de fe foumettre à l’em-
.pire Romain. On prit toutes les sûretés pofïibles
pour les empêcher de fe révolter.
600. Les Lusitaniens, fous im de leurs capitaines
nommé Punicus, prirent les armes. Manlius & Cal-
pumius, préteurs des deux Efpagnes, s’oppofèrent
à Punicus, qui les défît, leur tua fix mille hommes,
dont le quefteur Terentius Varro fiit du nombre.
Quoique Punicus eut été tué au fiège d’une ville,
la révolte continua fous un autre ch e f, nommé
Céfaras.
Les Romains y envoyèrent Lucius Mummius,
qui força .leur camp; mais comme il pourfuivoit
les fuyards en défordre avec trop de vivacité,
Céfaras rallia fes troupes avec tant de promptitude
, qu’à fon tour il défit les Romaius, leur tua
neuf mille hommes , força leur camp & fit un butin
confidérable. Mummius fe fauva avec cinq
mille hommes.
Les Lüfitaniens, fe fiant fur la vi&oire qu’ils
avoient remportée , n’obfervoient aucune règle
militaire : Mummius , qui en fut averti, les chargea,
leur tua fept mille hommes, recouvra les drapeaux,
fon bagage, & fit un butin confidérable. Mummius
ayant appris que les Lüfitaniens faifoient le fiège
cFOclis , s’y rendit , les força dans leurs tranchées,
leur tua quatorze mille hommes, extermina tous’
ceux qui étoient allés à la petite guerre, & diffipa
tous ces révoltés.
Les Marfeillois , opprimés par les Liguriens qui
afiiégoient Nice & Antibes, implorèrent les fecours
du fénaf.
Les Liguriens tuèrent les ambaffadeurs romains,
qui étoient venus les prier de îaiffer leurs alliés en
paix.
Le conful Opimius vengea hautement cet attentat :
les auteurs furent déchirés à coups de fouet; les
Liguriens furent tous faits efclaves, & leur territoire
fut donné aux Marfeillois.
t 601. Les Celtibériens & les Arunques fe révoltèrent
fous Carrus, leur général : le conful Nobi-
lior alla contre eux: il fe donna un combat, les
Romains y perdirent cinq mille hommes, & les
ennemis fix mille, dont Carrus fut du nombre r
les ennemis fe retirèrent à Numance, & élurent
' Pour généraux Ambon & Leucon : les Romains les
pourfuivirent ; ils fe préfestèrent pour.le combat: les
elephans que Mafïïnifîa avoit envoyés, mirent en dé-
fordre l’infanterie des Celtibériens ; mais un éléphant
blcffé rentrant dans les bataillons romains
y caufa le même trouble qu’il avoit fait parmi
les ennemis, qui, profitant de cette occafion, défirent
les Romains & leur tuèrent quatre mille hommes.
Blafîus, général de la cavalerie romaine, fut
lurpris par les Celtibériens, qui taillèrent fes troupes
en pièces: pour comble-de malheur, la ville
d Ochs, ou etoient les finances & les magafinS des
Romains, fe rendit aux ennemis ; le conful obligé }
' fe retirer, & n’ofa tenir la campagne, fe voyant
prive de tout fecours pour faire fubfifter fes troupes!,
*602. Marcellus, conful, alla en Efpagne avec dix
mille hommes de pied & quinze cents chevaux ,
lo ’ij f joignit à l’armée confulaire , reprit Oclis à
difcrétion, fe fit rendre tout ce qui avoit été pris ,
fe fit payer trente talens comptant, & remit les
Neélobriges fous l’obéiffance des Romains.
Dans le temps que ces chofes fe paffoient en
Efpagne, Andrifcus prenant le nom d’un des fils
de Perfée , paffa en Macédoine , fit révolter cette
province ;. il eut des partifans, & prit le titre de
roi de Macédoine.
605. Les Celtibériens avoient envoyé au fénat
des ambaffadeurs pour demander la paix. Marcellus
avoit écrit au fénat en leur faveur , & avoit marqué
dans fes lettres,. que cette, guerre étoit très-
fâcheufe, qu’il feroit très-difficile d’en venir à une
fin qui put être honorable à la république. Cette
lettre caufa un effet très-fâcheux ; perfonne ne
vouloit y aller. Scipion Emilien. s’adreffant au
fénat, dit : je fuis trop jeune pour pouvoir afpirer
aux charges ; néanmoins , je m’offre pour aller fer*
vir dans cette guerre , ou en qualité de lieutenant
du conful, ou en qualité de tribun militaire;
je ferai en cette occafion tout Ce qu’un honnête
nomme doit faire. Chacun applaudit à ce jeune guerrier.
La charge de lieutenant du conful lui ayant
été accordée, les levées fe firent avec fuccès.
Lucullus mit le fiège devant Cauca, & maigre
la capitulation, fit pafferfeize mille habitans au fil
de l’épée, enfuitè il afliégea Internace. Scipion
accepta un duel contre un prince Celtibérien ; il
en fortit vainqueur, & le tua.-
Internace fe rendit à Compoon ;, elle fut confervée.'
604'. Mafîiniffa,. qui avoit dans les Romains de
puifiàns proteéfeurs,s’étoitemparé de quelques provinces
d e i Carthaginois, & , non content.de cette
ufurpation , il avoit attaqué leurs alliés : les Carthaginois
armèrent pour leur défenfb. .
Mafîiniffa envoya des ambaffadeurs à Rome pour
fe plaindre de cette infraction ; qui contrevènoit
au traité fait avec Scipion , il y ' avoit cinquante-
un ans. Les Carthaginois en envoyèrent aufli de
leur côté.
On fit partir des commiffaires ; & comme ils
àvbient des ordres fecrets de fàvorifer Mafîiniffa
il fut ordonné que les chofes refteroient dans l’état
où elles étoient, & qu’on défarmeroit chacun de
fon côté : ce jugement, qui étoit une injuftice ,
rendit ce prince plus hardi; il s’empara encore de
la province de T yfque, dans laquelle il y avoit cinquante
deux villes, qui de tout temps avoient été
fous la domination des Carthaginois.
Les Carthaginois firent Je nouvelles plaintes au
fénat ; Portius Cato y fut envoyé : mais les Carthaginois
ne voulant le reconnoître pour juge, qu’à
condition qu’on leur rendroit les provinces qu’on?
leur avoit ufurpées, Portius, fâché de cette reftitu-
tion, revint à Rome, où, ayant frit au fénat le
récit de la beauté, de la grandeur, de la magnificence
& de la multitude des habitans de Carthage,
il' conclut que Rome ne feroit que la fécondé ville
de f univers, tant qu’il y auroit une Carthage ; ainfi
la defiruéfion de cette ville fut réfolue , malgré les
raifons de Scipion Nafica, & des plus fages fénateurs.
Mafîiniffa reçut des ordres de frire la guerre
aux Carthaginois. Il afliégea Horofcope, l’une de
leu^s principales villes ; mais il fut obligé d’en lever
le fiégo, parce que les Carthaginois prirent les
armes pour fe défendre.
Scipion, qui avoit paffé d’Efpagne en Afrique
pour demander des éléphans à Mafîiniffa, à la prière
des Carthaginois, tâcha de les accommoder ; mais
le refus que fit le fénat de Carthage de rendre les
transfuges, fut càufe de la rupture.
Pour comble de malheur, la ville d’Utîque, .
qui étoit la fécondé ville de l’état des Carthaginois,
fe mit fous l’obéiffance des Romains.
605. Les Carthaginois, qui vouloient avoir la
paix à quelque prix que ce fû t , donnèrent aux
confuls trois cents otages tels qu’ils les demande-
roient, vingt mille paires d’armes, & deux mille
machines de guerre ; mais Martius leur dit qu’il
âîvoit ordre de détruire leur ville & de la rafer
jufqu’aux fondemens, qu’ils avoient néanmoins la
liberté d’en rebâtir une antre éloignée de quatre-
vingt fiades.
^ Dès qu’on eut rapporté cette réfolution dans la
v ille, la fureur s’empara des habitaus ; ils maffa-
crèrent tous les Italiens qui fe trouvèrent dans
Carthage, fabriquèrent de nouvelles armes, fe fer-
virent dès cheveux de leurs femmes pour faire des
cordes à leurs arcs, fe préparèrent à fe défendre
& à mourir les armes à la main, plutôt que de
quitter leur ville comme des lâches.
Il y avoit dans la ville deux Afdrubal, dont un
fut frit -général de leurs armées, & l’autre gouverneur
de la ville.
- Carthage avoit fept lieues de tour; elle étoit j
fituée fur une langue de terre; elle avoit deux ?
ports & une bonne citadelle, appelée Birfa. Voye% Carthàgo.
t Manlius l’attaqua par terre, Cenforius par mer.
Les Carthaginois fe défendirent avec toute la
valeur pofîible, & mirent le feu dans les galères
romainës avec de petits brûlots; ils repouffèrent
les affauts que les confuls donnèrent avec une très-
grande perte.
Scipion, qui n’étoit que tribun, acquit une grande
réputation à ce fiège, ayant tiré Manilius d’un défilé
& au paffage d’une rivière où l’armée romaine eût péri.
Manilius envoya Scipion vers Mafîiniffa pour
avoir des fecours, afin de réparer les pertes que
l’on avoit frites. v
: Le roi Numide, qui étoit mort, avoit frit Scipion
exécuteur de fon teftament ; il avoit laiffé trois
enfrns légitimes & trente-neuf fils naturels.
Mifipfa, famé des- trois, fut mis fur le trône
oc fon père. / .
Guluffa, avec quelques provinces, fut fait général
des armées.
Manaflabal fut établi intendant de la- juftice &
minîfire du royaume.
On donna de l’argent & des penfions aux fils
naturels.
Scipion retourna au camp avec Mifipfa, qui y
mena quatre mille chevaux numides.
Scipion détacha des Carthaginois Phémeas ,
général de leur cavalerie, en lui remontrant que
Mafîiniffa n’étoit devenu le plus grand des rois, que
par l ’alliance des. Romains ; il fe rendit au camp
avec deux mille chevaux & quatre mille fantaffins.
Scipion mena Phémeas à Rome, où il fi# comblé.
par le fénat d’honneurs & de biens.
On nomma les confuls fuivans :
Spur. Pofthumius, Albinus Magnus, & L. Cal-
purius Pifon Cenforinus.
606. Ces confuls réufîirent tres-mal : trouvant
la ville de Carthage trop forte, ils levèrent le fiège ;
ils tentèrent de fe rendre maîtres de plufieurs autres
villes ; ils échouèrent à Clypée & à Hyppone. Les
Numides abandonnèrent des confuls pour lefquels ils
n’avoient que du mépris ; une partie prit le parti
des Carthaginois.
Afdrubal, général des armées carthaginoifes ,
rendit fufpeâ l’autre Afdrubal, parce qu’il étoit
fils d’une fille de Mafîiniffa. Il étoit gouverneur de
Carthage ; il fut tué à coups d’efcabeaux.
Le fénat ayant réfolu de frire Scipion conful,
parce qu’on étoit perfuadé que la mauvaife conduite
des confuls précédens étoit là caufe de la
perte & de la défertion des troupes ; les anciens fénateurs
, par jaloufie, s’y oppoferent, difant qu’il
n’avoit pas atteint l’âge de quarante-deux ans.
Les tribuns du peuple, tout d’une jvoix , pro-
tefièrent hautement qu’ils ôteroient aux confuls le-
droit de préfider aux comices, fi l’on n’avoit plus
d’égard au mérité & la vertu qu’à l’âge,
c 607. Scipion fut élu conful avec de grandes préfé-
fénces ; car le commandement des années en Afrique
lui fut donné fans tirer au fort. Il partit avec quatre-vingt
mille hommes d’infrnterie & quatre mille
chevaux, ayant la pennifîion d’en lever tout ce qu’il
jugeroit à propos.
Avec ces forces il attaqua, pendant la nuit, le
quartier de Mégare, qu’il emporta d’affaut, & s’y
logea : par ce moyen il coupa les vivres aux affiégés.
A l’entrée de l’hiver il réduifit la place en blocus.'
Il alla chercher Afdrubal, qui l’incommodoit fort ;
fe fentant le plus foible, il fe jettadans Nephère.
Scipion l’afïiégea, la prit d’afîaut: il y eut foixanfe-
dix mille hommes de tués.
Au commencement du printemps il prit d’affaut
un autre quartier de la ville àppellé Cotton, où il
y eut un fi terrible carnage, que le maffacre dura
fix jours & fix nuits.
Il n’y avoit plus que le fort de Byrfa, où ceux
qui s’étoient échappés de Mégare & de Cotton
s’étoient retirés ; comme ils manquoient de vivres &
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