Quoique l’armée de Crafliis fût très-nombreufe,
il fut défait & pris. Ce conful, indigné, creva
l’oeil de celui qui le gardoit avec fa baguette, ce
qui irrita tellement le barbare , qu’il le tua ; c’eft
ce que demandoit CrafTüs, aimant mieux être
inort que. d’être prisonnier.
624. Perpenna ayant été envoyé pour venger
la mort de Crafïns,' défit Arifionicus avec un
épouvantable carnage.
Il >■ s’enfuit dans Stratonice, où il fut afliégé pendant
cinq mois. La famine l’obligea de, fe rendre
à difcrétion ; il fe mit entre les mains du conful,
qui, l’ayant envoyé à Rome, on le mit dans un
cachot, où il fut étranglé : quelques jours après,
Perpenna mourut, après avoir mis cette ville fous
l’obéifîance des Romains.
625. Aquilius, qui fut envoyé pour achever de
remettre fous l’obéifîance des Romains, le refie
des villes du royaume de Pergame,; fe fervit d’un
moyen détefiable , qui fit horreur aux honnêtes
gens ; il empoifonna l’eau des puits & des fontaines.
Tout fe fournit, & ce royaume fut réduit
en province romaine.
Les Japides furent fournis par Sempronius.
626. Sous le confulat d’Oftavius Lufcus & de
T . Annius Lufcus, on rétablit les murs de Car-
thage.
627. Q. Opimius, préteur, fit rafer les murs
de' Fregelles, pour punir les habitans de leur révolte.
628. Orefte remit à l’obéiflance les Sardes, qui
avoient fecoué le joug.
629. Le fénat pren i le parti de Marfeille, alliée ;
des Romains, oppreflee par les Saliens, peuple
de Provence.
- Le conful Flaccus pafla les Alpes, défit les ,
Saliens, & reprit enfuite le chemin de Rome, où 1
il reçut les honneurs du triomphe. C ’efi le premier
des confuls qui entra dans les Gaules tranfalpines.
4 630. Dés que Flaccus fefut retiré, les Saliens,
irrités contre les Marfeillois, qui avoient attiré les
Romains dans leur pays * recommencèrent leurs
hofiilités. Sextius y étant pafîe avec une forte
armée, défit les Saliens, jeta les fondemens de
la ville d’A ix en forme de citadelle, pour fervir de
retraite à tous les Romains qui pafleroient dans la
Gaule tranfelpine. Elle fut appellée Aquoe Sextioe.
631. Metellus réduifitfous l’obéiflknce des Romains
les îles Baléares.
632. Les Romains s’agrandiflent dans les Gaules.
Domitius pafle les Alpes, défait les Eduens &
les Allobroges, peuples de Savoie & du Dauphiné,
leur tua vingt-cinq mille hommes, & fit trois mille
prifonniers. * ' £
633^ Q. Fabius Maximus repafTe les Alpes pour
foumettre les Allobroges. Bi#uit, roi des Auvergnats
, avec toutes fes forces & celles de fes alliés,
vint à leur fecours ; leur armée étoit compolée de
deux cents mille hommes ; quoique le conful n’en eût
que trente-fix mille, il ne refufa point le combat;
il refia fur le champ de bataille cent vingt mille1
. hommes des ennemis ; & , ayant pourfuivi les fuyards,
il s’en noya trente mille dans le Rhône. Bituit
& Congentiatus, fon fils, furent pris. Les Romains
ne perdirent que quinze* hommes.
Fabius fit eleyer deux temples dans le champ de
bataille ; l’un à Mars, & l’autre à Hercule.
Fabius fit une province romaine des pays conquis
dans la Gaule ; il reçut les honneurs du triomphe,
& le fénat lui donna le furnom d'Allobrox.
Caïus Tibérius Graccus, frère de celui qui avoir
été affommé à coups d’efcabeaux, fut encore plus
violent que fon frère. Il voulut faire pafler des loix
plus çontraires aux intérêts des patriciens; il voulut
s’oppofer à Opimius fur le rétabliflement de Carthage
, qui dit que ce n’étôit pas la volonté des
dieux qu’elle fût rebâtie , puifque les loups avoient
arraché les pieux qu’on avoit plantés pour les aligne-
mens. Graccus foutint que ce prodige étoit faux &
fuppofé : comme on contefloit là-demis, un liéieur
du conful parla fi hautement, qu’il fut tué par ceux
• de la faétion de Graccus.
Le conful & le fénat firent grand bruit fur ce
! meurtre; le peuple dit qu’on n’en avoit pas tant
fait pour la mort de Graccus. , tribun, magifirat
inviolable, qui avoit été affommé fur les degrés
du temple~de la Concorde. Il y eut enfuite dans
Rome une fédition excitée par la fadion de Graccus
& celle du fénat.
Opimius promit autant d’or que peferoit la tête
de Graccus ; il s’enfuit, & fe fit tuer par un efclave
qui nel’avoit point abandonné, & qui fe tua auflî
enfuite. Ceux qui le pourfuivoient lui coupèrent
la tête, dont ils ôtèrent la cervelle, qu’ils remplirent
de plomb fondu: elle pefoit dix-fept livres
huit onces. Il fe donna une efpèce de bataille pour
en venir là ; il y fut tué plus de trois mille per-
fonnes ,* fans compter les prifonniers, qui étoient
en grand nombre, qu’on fit mourir dans les cachots
à petit bruit, dans la crainte d’exciter de nouveaux
troubles. , ^
Tout étant appaifé, le conful dédia un temple:
à la Concorde.
634. Les tribuns propofèrent une nouvelle loi fous
le nom de lex Fromentaria, qui confifioit à faire distribuer
au peuple des grains des deniers publics.
635. Le fénat ordonna, par un décret, qu’un
enfant hermaphrodite feroit jeté dans le Tibre,
s’imaginant qu’un corps monftrueux étoit la marque
de quelque fâcheux accident.
636. Caton, petit-fils du grand Caton, nommé
conful, exerça de grandes concuffions en Macédoine ;
les plaintes qü’on en reçut le firent condamner-
par le fénat à rendre quatre fois plus qu’il n’avoit pris.
Martius Rex ayant débit dans les Gaules quelques
rebelles avec un grand carnage, établit une
colonie à Narbonne.
637. Les Dalmates avoient reçu Metellus avec
tous les honneurs pofïïbles; ce conful leur fit la
guerre avec une cruauté dont on ne peut parler
fans frémir. Les auteurs n’en rapportent point le
fujet ; il réduifit leur pays en province romaine,
& en triompha.
639. M e te llu s c o n fu l, après avoir battu les
infulaires de Sardaigne, les remit fous l’obéifTance
des Romains.
L. Metellus & E. Domitius, cenfeurs, dégradèrent
trente-deux fénateurs pour s’être montrés trop
voluptueux , & ils bannirent les jeux de Rome.
64p. Les Scordiques, après avoir été cent ans
en paix, fe révoltent & défont Caton, qui étoit entré
dans leur pays pour les remettre fous l’obéifîance.
Un hiftorien mal infiruit, je penfe, rapporte que
la fille de Pompée Helvius, étant dans la Pouiile,
fut frappée d’un coup de foudre, qui, étant entré
dans fa bouche, lui arracha la langue, & la plaça
dans un endroit qu’on ne peut exprimer.
Emilie, Licinie & -Mortie, ayant été corrompues
par trois chevaliers romains , furent tous les fix
punis ; les trois vefiales .félon les loix , & les trois
chevaliers ayant eu la tête tranchée.
642. Le conful Drufus fut envoyé pour réparer
la honte que Caton avoit reçue contre les Scor-
difques ; ils furent fournis & rentrèrent dans leur
devoir.
643. Mifipfa , roi de Numidie, qui fuccéda à
Mafljnifla, régna feul après la mort de fes frères,
Manafiabal & Guluflà. Mifipfa eut deux enfans,
Adherbal & Hiempfal. Manafiabal fon frère avoit
laifie un fils naturel nommé Jugurtha , prince
a f l if , & qui avoit de grandes qualités ; mais
elles furent ternies par fon ambition. L’eftime
& l’amour que les Numides avoient pour Jugurtha
le rendit fiifpeâ à Mifipfa ; de forte que, pour
s’en affurer, il l’adopta, & partagea fon royaume'
entre fes deux fils & fon neveu. Peu de temps'
après cette adoption, Mifipfa mourut.
Jugurtha fit aflàffiner Hiempfal dans la ville
de Termide. Cette afiion fit grand bruit; Adherbal
prit les armes, tant pour fe conferver, que
pour venger la mort de fon frère : quoiqu’il eût
une armée plus nombreufe que celle de Jugurtha,
il fut défait & contraint de s’enfuir à Rome, où
il fe mit fous la proteéfion du fénat.
Jugurtha y envoya des amtaffadeurs chargés
d’or & d’argent, qui, ayant gagné la plus grande
partie des fénateurs, l’emportèrent fur les raifons
d’Adherbal.
Il fut dit que le royaume de Numidie feroit
également partagé entre eux. On y envoya dix
commiffaires. L. Opimius, chef de cette commiffion,
fe laifîa corrompre; Jugurtha eut tout ce qu’il fou-
haitoit dans ce partage.
A peine Opimius étoit-il fort! d’Afrique, que
Jugurtha entra dans les états de fon frère, y mit
tout a feu & a fang, & l’affiégea dans Cyrthe,
capitale de fes états ; il prefla le fiège avec tant
de vigueur, qu’Adherbal fut contraint de fe rendre ;
ce cruel prince le fit moiîrijr & s’empara de tout le
royaume.
Ce procédé de Jugurtha excita dans Rome la
colère & l’indignation. On lui déclara la guerre ; il
. eut la hardiefle d’y envoyer des ambafladeurs avec
dp riches préfens pour acheter les fuffrages des
fénateurs. O11 leur dit, pour toute réponfe, que
Jugurtha feroit privé de l’alliance des Romains,
s’il ne remettoit fa perfonne & fon royaume à la
difcrétion du fénat. Il leur fi.it ordonné de fortfr
dans trois jours de toute l’Italie ; & le conful
Calpurnius, à qui le fort avoit donné le gouvernement
de l’Afrique, eut ordre de fe mettre à la
tête de l’armée.
Jugurtha corrompit le conful & Scaurus fon
lieutenant, lefquels pafioient tous les deux pour
des fénateurs intègres. Ils revinrent à Rome avec
trente éléphans, quelques chevaux de fervice,
, quelque argent, qu’ils mirent entre les mains du
, quefieurs, pour montrer que Jugurtha mettoit fon
royaume fous l’obéiflance des Romains,
644. Le fénat ne fut point content de cè traité.'
Memnius , tribun du peuple, parla hautement
contre la lâcheté de ces deux fénateurs.
Le préteur L. Cafiius, par ordre du fénat,'
pafla en Afrique, auquel il fut enjoint de dire à
Jugurtha de fe rendre en perfonne à Rome poujB
fe juflifier.
Le peuple romain ne vit ce prince qu’avec
horreur; & demandant fa mort, Memnius l’accufa
d’avoir fait mourir les enfans de fon père & dé
fon bienfaiteur, d’avoir gagné Calpurnius & Scaurus
à force, d’argent. Ce prince voulant répondre,
Bebius, autre tribun du peuple, lui impofa filence ;
ce tribun avoit été gagné par argent: I’afiemblée
fe rompit ; Jugurtha éluda fa condamnation.
Jugurtha fit aflaffiner dans Rome Maflina, fils
de Guluflà; un des aflaflins à la torture avoua qu’il
l’avoit fait par l’ordre de Bomilcar, favori de
Jugurtha.' Le fenat ne pouvant voir ce prince
qu’avec indignationlui ordonna de fortir dans fix
jours de l’Italie, fur peine d’être traité comme
criminel.
On «^it que Jugurtha, fortant de la v ille , dit
ces paroles : Ville infâme ! tu ferois à vendre 3 f i tu
trouvois un acheteur.
Ce prince, ravi d’être retourné en Afrique, fit
fi bien, par fes préfens, qu’il amufa Pofthüinius ,
& lui fit pafler l’année de fon confulat fans rient
faire. Il revint à Rome pour préfider aux comices.
Le conful avoit laifie en fa place Aulus Poflfen-
rnius fon frère. Jugurtha l’attira dans des endroits
Aériles & de difficile accès, fous prétexte de lui
donner une grofie fournie d’argent; ce prince
attaqua le camp des Romains pendant la nuit, les
défit, fit pafler fous le joug Aulus Pofihumius &
ce qui refioit de Romains, auxquels il laifia fe vie*
645. Metellus, conful, eut ordre d’aller punir
ect attentat, qui choquoit 1a gloire de fe république.
Il entra dans fe Numidie avec de belles troupes z
Jugurtha voulut fe fervir de fes artifices ordinaires -