
Le lendemain, le féftat affemblé, loua les conjurés,
& donna à Bnitus le gouvernement de la Crète.
A Craffus, celui d’Afrique.
A Trébonîus, celui d’Afie.
A Merellus Cimber, celui de Bitkynie.
A Decimus Brutus, celui des Gaules.
Marc-Antoine fe chargea de la pompe funèbre
de Céfar ; & , dans fon panégyrique , ayant montré
là robe enfanglantée de ce grand homme, & , par
lin difcours pathétique, échauffé tous les efprits,le
peuple s’émut, alla brûler les maifons des meurtriers,
qui furent contraints d’abandonner Rome.
Ils fe retirèrent dans leurs gouvernemens.
Les amis de Céfar fe retirèrent auprès d’Antoine,
pour venger fa mort.
Calpurnie fit porter à la maifon de ce conful
les tréfors de Céfar, fon époux , lefquels fe mon-
toient à deux millions quatre cents mille écus de
notre monnoie.
Marc - Antoine prit la place. de Céfar dans la
ville. Il donna à-Lépidus le fouverain pontificat,
vacant par la mort de Céfar.
Oélave , neveu' de Céfar, ayant appris la mort
de fon père adoptif, vint d’Apollonie pour recueillir
fà fucceflion. Marc-Antoine le traita en jeune
Lomme , & refufa de lui donner le dépôt que ,
Calpurnie avoit mis entre fes mains.
Cicéron, qui s’étoit déclaré pour Oélave , déclama
fi fort contre Marc-Antoine, qu’il fut obligé
d’abandonner la ville de Rome.
7 1 1. Antoine fut déclaré ennemi du peuple
romain, parce qu’il ne vouloir pas exécuter le
teflament de Céfar.
- Antoine fut défait dans un combat fanglant &
meurtrier ; Hircus y fut tué ; Panfa mourut trois,
jours après des bleffures qu’il avoit reçues.
Antoine vaincu, fe retira dans les Gaules; Ventidius
prit fes intérêts , & engagea les Gaulois à
venger la mort de Céfar; Lépidus, préfet des
Gaules, fe joignit à lui.
Oélave ayant appris qu’Antoine entroit en Italie
avec une armée de foixante mille hommes, ne
voulant pas hafàrder fa fortune à la décifion d’un
combat, envoya un homme de confiance à Lépidus,
pour prendre des mefures afin de fe rendre
maître de l’empire. On convint d’une affemblée
entre Modène & Bologne , ; où ils demeurèrent
facilement d’accord de tout ce qui regardoit leurs
intérêts.
Oélave promit d’époufer Claudia, fille de Marc-
Antoine & de Fulvie.
La plus grande difficulté fut touchant les profcrits ;
car l’un vouloit conferver ce que l’autre vouloit
perdre ; enfin il fut réfoîu :
Qu’Oélave abandonneroit Cicéron à la colère de
Marc-Antoine. ’
Qu’Antoine abandonneroit L. Céfar, fon oncle,
à la- colère d’Oélave.
Que Lépidus abandonneroit fon frère Paiilus
à la difcrétion des deux autres.
L’affemblée de ces trois hommes eft ce qu’ort
appelle le fécond triumvirat.
Oélave, étant retourné, à Rome, ayant légué aux
citoyens tout ce qui leur avoit été donné par le
teflament de Céfar, difpofa tellement le peuple en
fa faveur, qu’on le fit conful, quoiqu’il n’eût que
dix-neuf ans.
Pédius fut élu conful avec Oélave, à la place
des deux confuls qui avoient été tués ; mais étant
mort quelque temps après , Oélave , à raifon des
chofes qu’il méditoit, fe démit du confulat : on en
nomma d’autres.
Les triumvirs s’étant rendus maîtres de Rome ,
on vit des tables de profcription affichées : on ne
peut entendre fans frémir les cruautés qui s’y commirent
: Oélave fut le plus-humain de tous. Le plus
illuftre des profcits fut Cicéron, dont Antoine fit
attacher la tête & les mains à la tribune des harangues:
Fulvie fit arracher la langue de ce prince
des orareurs, la perça avec fon poinçon pour la
punir , difoit-elle, d’avoir tant déclamé contre fon
époux;
I l parut deux liftes de profcrits, une de trois
cents hommes illuftres, & une autre de quatre cents
dames romaines.
712. Brutus & Cafiius, qui s’étoient retirés en
Macédoine, avoient mis fur pied une armée de
quatre-vingt mille hommes de pied, & de dix-fept
mille chevaux ; ils étoient campés près , de la
ville de Philippesr
Les triumvirs,- après avoir aflouvi leur fureur
& fatisfait leur rage, réfolürent de marcher contre
les affafïins de Céfar. Antoine & Oélave fe chargèrent
du foin de la guerre, & Lépidus de Rome
& de l’Italie. - " '
Oélave ne fe trouva pas au combat, parce qu’il
étoit indifpofé.
Antoine commandoit Faîle droite, un lieutenant
d’Oélave Faîle gauche.
Brutus fe mit à l’aîle droite, & Cafiius à la
gauche de l’armée des conjurés.
Le fort de cette bataille fut douteux ; chacun de
fon côté gagna la viéloire, chacun fut battu ; Brutus
défit l’aîle gauche des triumvirs, '& Marc-Antoine
l’aîle gauche des conjurés.
Camus craignant de tomber v if entre les mains
de fes ennemis , par trop de précipitation fe fit tuer
par Pydare, un de fes affranchis.
Il refta ving-quatre mille morts fur. le champ
de bataille ; les triumvirs en avoient perdu feize
mille. Brutus, qui fe réjouifloit de cet avantage, fut
défait le lendemain , & fe tua de la même épée
dont il avoit aflaffiné Céfar.
Ceux qui échappèrent de la bataille, fe retirèrent
vers Sextus Pompée, qui s’étoit emparé de
la Sicile.
Porcie, femme de Brutus, ne voulant pas'fur-
vivre à fon mari, fe donna la mort avec des charbons
ardens .qu’elle mit dans fa bouche.
713. Les triumvirs partagèrent l’empire,
Oélave eut dans fon département, l’Italie &
FEfpagne.
Antoine, les Gaules Tranfalpines & l’A fie, d’où
il devoit partir pour venger la mort de Crafius,
6c y éteindre les' révoltes qui s’y étoient élevées.
Lépidfis eut l’Afrique. Les trois triumvirs jurèrent
d’exterminer entièrement le parti de Pompée.
Jamais aucun Romain ne reçut tant d’honneurs
que Marc-Antoine : tous les rois 'd’Afie lui vinrent
offrir leurs refpeéls, comme s’il avoit été le fouverain
de l’univers.
Cléopâtre le vînt trouver fur les bords du fleuve
Cydnus 'dans une galère aufîi magnifique que
galante. Marc-Antoine fut fi touché de la beauté
6c de l’efprit de cette reine , qu’il oublia ce qu’il
é toit, pour quel fujet il faifoit fe voyage d’A f ie ,
& ne, s’appliqua qu’à lui plaire.
Fulvie, femme de [Marc-Antoine, par fon ambition
troubloit la ville de Rome ; elle prenoit
le calque & la cuiraffe quand elle vouloit faire
la fonâion des généraux , & qu’elle donnoit le mot
du guet.
Elle prenoit la pourpre & la robe confulaire,
quand elle vouloit exercer les fon étions de cette
magiftrature : on avoit de la peine à lui réfifter ,
parce qu’elle étoit femme d’Antoine triumvir, belle-
mère d’Oélave , & Lucius Antonius, l’un des confuls,
étok fon beau-frère.
Oélave s’oppofa à l’ambition de Fulvie ; on ea
vint aux armes; elle fut chaffée de Rome avec
le confid Antonins réelle alla trouver Marc-Antoine
en Afie, tant pour le détacher de l’amour de Cléopâtre
, que pour fe plaindre de l’outrage qu’Oétave
lui avoit fait. -
Marc-Antoine, qui avoit fait l’admiration des
peuples d’Afie , fe rendit odieux par fes tyrannies
6c fes exaétions, qui caufoient une mifère générale;
il en avoit tiré dans une feule année, plus'de
cent vingt millions ; il avoit dépenfé cette fomme
exorbitante dans des prohibons qui n’avôient point
de bornes, en bonne chère, comédies , bals ,
fefiins, &c. & fans fe foucier de payer fes
troupes.
Hérode, voulant profiter des défordres de l’empire
Romain, mit fon fils Pacorus à la tête d’une
puiffante armée ; il fe jeta dans la Syrie , défit les
troupes que Marc-Antoine y avoit laiffées fous la
conduite d’un préteur ou commandant, & fe rendit
maître de la Syrie, à la réferve de T y r , qui lûi
réfifta.
Pacorus entra enfuite dans laPaleftine, où il fit
de grands ravages. Hérode fe fauva en Arabie ;
Phafelusfon frère, fut pris , & pour éviter une
longue .captivité, il s’éçrafa la têtè. Hircan, fouverain
pontife , fut pris & mis entre les mains
'd’Antigone, qui lui fit couper lejs oreilles.
î. Marc-Antoine envoya Ventidius, un de fes
lieutenans, lequel défit les Parthes près de la montagne
de Taur ; il remit la Syrie & la Cilicie
fous l’obciffance des Romains,
Ventidius entra dans la Paleftine, prit Jérufalem :
Antigone , qui y régnoit en qualité de ro i, fut pris
& envoyé à Antoine, qui étok alors à Antioche.'
Marcus , roi des Nabatéens, étonné de fes victoires
, demanda la paix, qu’il obtint au moyen
d’une groffe fomme d’argent , parce qu’il avoit
aflifte les Parthes , & qu’il s’engageait à dépendre
de l’empire Romain.
Ventidius entra dans le royaume de Comagène,
& défit Aiitiochus qui en étoit roi, parce qu’il
avoit pris le parti des Parthes.
Pacorus , outré des viéloires & des conquêtes de
Ventidius, ayant reçu un grand renfort de troupes
, lui préfenta la bataille qu’il perdit ; plus de .
cinquante mille Parthes furent tués, dont Pacorus
ait du nombre : ainfi ce grand capitaine répara
l’honneur des Romains , 6c vengea la mort de
Craffiis.
714. Oélave, ayant fait tous fes efforts pour. '
rompre la ligue qui étoit entre Pompée 8c Marc-
Antoine, pafià dans les Gaules pour les faire entrer
dans fes intérêts.
Marc-Antoine fe prépara à paffer en Italie,"
pour faire la guerre à Oélave.
715. Dans le temps qu’on étok fur le point
de voir une guerre civile plus cruelle que toutes les
autres, Fulvie mourut; elle étok le premier mobile
de cette guerre, en voulant fe venger des outrages
qu’elle prétendoit avoir reçus d’Ôélave.
Cette mort fut caùfe^qu’ii fe fit un accommodement
entre ces quatre ambitieux, Oélave b Marc-
Antoine, Lépidus,*& Sextus Pompée.
Pour cimenter cet accommodement, Marc-Antoine
époufa Oélavie, foeur d’Oélave, veuve de
Marcellus, & on lui accorda le gouvernement des
provinces d’A fie, avec un pouvoir abfolu..
1 Oélave, qui avoit pris le nom de Céfar, fon
père adoptif, eut le gouvernement de l’Europe.
Lépidus eut celui dlAfrique. On donna à Pom-
pée le gouvernement de Sicile & de Sardaigne ;
on lui promit le pontificat & le confulat l’année
Suivante.
Sextus Pompée, maître des forces de mer, régala
les triumvirs dans fa galère: le pilote lui dit en fecret :
“ fi vous fouhaitez, je vous rends maître de l’empire,
» en faifant jeter les triumvirs dans la mer ». Pompée
lui dit: « fi tu l’eufte fait fans me le dire, j’aurois reçu
” CÇ bon office fans regret ; mais dès que tu me fais
” dit, je te défends de le faire ; je ne veux point
” me reprocher une perfidie qui me rendroit le
» plus criminel de tous les hommes ».
716. L’accommodement de Céfar & de Pompée
fut rompu peu de temps après. Céfar s’oppofa à
l’élévation de Pompée au confulat & au pontificat
; on en vint aux armes. Pompée remporta
deux batailles navales: une tempête ayant fait pétrir
le refte des galères de Céfar, Pompée en devint
fi orgueilleux, qu’il fe donna le nom de fiU
de Neptune,
Y y y y a