
On créa un fécond di&ateur , pour nommer aux
places de cenî foixante-fept fénateurs.
539, Pofthumius Albinus, Tibérius Sempronius
Gracchus, confuls* Dans le temps qu Annibal fe
rendoit maître de plufieurs petites villes de la Campanie
, lefquelles étoient fans défenfe , il apprit la
défaite de fon frère Âfdrubal, par les deux Scipion ,
8c qu’il avoit perdu 35000 hommes. Cette nouvelle
lui caufa un chagrin très-fenfible, parce qu’il avoit
donné ordre à fcn frère de le venir joindre avec
foii armée, parce que la fienne étoit entièrement
affoiblie par les pertes & les1, déferions ; il fit fes efforts
pour prendre -Cumes : après beaucoup d@
peines, de temps & de perte', il fut obligé d’en lever
le fiège ; il fe retira dans Capoue. Les délices de
cette ville achevèrent la perte d’Annibal, que les
’ armes des Romains n’avoient pu vaincre.
T . Sempronius Longùs, qui commandoit un petit
corps de troupes dans la Lucanie, défit Hannon
près de Gropoli, lui tua 2000 hommes, prit 32
enfeignes, 8c les Romains, ne perdirent que 300
hommes.
Marcelius battit devant Noie, un autre capitaine
carthaginois , auquel il tua plus de 3000 -hommes.
1
540. L’armée dés cônfuls étoit de 60000 hommes
; on fit trois préteurs, auxquels on donna à
chaçun près de dix mille hommes.
Le préteur ou procônful Tibérius Gracchus, défit
aux environs de Bénevent, Hannon ,■ qui étoit à- la
tête de 17000 hommes de pied" & de 12000 chevaux,
quoiqu’il n’eût que deux légions d’efclaves ;
il promit de les affranchir : le defir de la liberté
leur fit faire des aftions au-delà du prodige. .Ils
défirent les ennemis 8c forcèrent leur camp; les
Carthaginois perdirent plus de 15000 hommes : le
prix de la viéfoire fut la liberté que le proconful
donna à ces efclaves.
Les confuls reprirent plusieurs villes 8c firent
quantité de prifonniers.
Annibal voulut afüéger Tarente; mais Valé-
rius, qui la défendoit,l’obligea de fe retirer avec
perte.
Le préteur Manlius défit Hioftus, qui commandoit
en Sardaigne pour les Carthaginois. Il lui tua
2.9000 hommes 8c fit 13000 prifonniers. Dans le
temps qu’ils alloiènt fe mettre fous l’ohéiffance
des Romains, Afdrubal le chauve , Hannon 8c
Magom, trois généraux Carthaginois, arrivèrentavec
des forces confidérables.
Hioftus raffembla les débris de fes troupes, &
s’étant joint aux troix généraux carthaginois, attaquèrent
le préteur qui les défit .-Hioftus fut tué,;
les trois généraux carthaginois furent pris ; 12000
des ennemis furent tués , 8ç 3600’ faits1 prisonniers
: on leur prit 2 5 enfeignes. Cette grande Victoire
remit la Sardaigne fous l’obéiffance, des Romains.
Afdrubal affiéga Illiturge, avec une armée dé
50000 hommes. Les deux Scipion, avec uné armée
de 16000 hommes de pied & 12000 chevaux,
allèrent , aü fecours des afliégés. . Le général
csrtiiâginois ayant laide huit mille hommes dans
les lignes,, vint s’oppofer aux Romains avec 50000
hommes ; il fut défait avec perte, de 16000 hommes
& de cinq éléphans ; on fit 3000 prifonniers; cinquante
neuf enfeignes furent prifes: les Carthaginois
vaincus, fe retirèrent dans leur camp, qui-fu t
Forcé : 011 attaqua les trois forts qu’ils avoient fait
auprès des murailles ; ils furent pris & rafés, tous
leurs travaux comblés ; on jetta des vivres & des
munitions dans la place.
Afdrubal ayant raftemblé les débris de fon armée
8c reçu quelques fecours de Carthage, com-
pofa une armée de quarante mille hommes, 8c
alla faire le fiège d’Incidihle; les Scipion le fuivi-
rent ; on en vint à un combat, dans lequel Afdrubal
perdit treize mille hommes 8c plus de trois
mille prifonniers; on prit neuf éléphans & quarante
deux enfeignes. Ces deux grandes viéioires
en fi peu de temps, mirent le parti carthaginois
fi bas , que prefque toutes les villes d’Efpagne envoyèrent
des- ambaffadeurs aux Scipion , pour les
féliciter 8c fe mettre fous leur obéiffance.
La république de Carthage voyant avec un regret
très-feniible la perte de l’Efpagne, fit des efforts
extraordinaires pour réparer cette perte. ‘ Afdrubal
Gifcon 8c Magon, frères d’Annibal , arrivèrent
avec des forces confidérables, 8c s’étant joints avec
Afdrubal Baréa , leur armée fe trouva de foixante*-
fept mille hommes 8c de vingt-deux éléphans;
ils allèrent à Illiturge, pour "réparer la perte qu’ils
avoient faite devant cette ville. Cnéus Scipion , à
la faveur des ténèbres, y entra avec une légion;
étant à la tête de fes troupes 8c de quarante mille
habitans , il tomba fur les généraux carthaginois \
les défit , leur tua douze, mille hommes, dans
ce combat ; la perte auroit été plus grande , fi Cor-
nélius-Scipion n’eût pas eu la cuiffe caffée ; on prit
cinquante-fept enfeignes, 8c quarante-neuf éléphans
.furent tués.
Les généraux carthaginois ayant perdu en deux
autres batailles vingt-neuf mille hommes 8c fix mille
prifonniers,- furent contraints de céder l’Efpagne
aux, Romains.
On reprit Sagonte: les Turdetains furent punis
pour avoir pris le parti d’Annibal dans le fiège de
cette ville ; la Ville fut rafée, 8c les habitans furent
Vendus comme efclaves.
La bataille de Cannes avoit fait perdre aux
Romains la Sicile ; on avoit été obligé d’en retirer
les légions. Gélon, fils d’Hiéron , avoit pris le
parti de Carthaginois, 8c faifoit tous fes efforts
pour détrôner fon père, ce fidèle allié des Romains;
mais ce perfide fils fut tué. Hiéron lui
furvécut de peu de jours, 8c laiffa fa couronne à
Hiéronyme fils de Gélon«, qui fit un traité d’alliance
avec la république de Carthage, à condition
qu’ils agiraient de concert, 8c que les conquêtes
qu’ils feroient feraient partagées entre eux également.
Hiéronyme, à caufe de fa cruauté, fut affaf-
fmé par fes propres fujets.
Les Carthaginois fe fervirent de. leurs artifices
ordinaires, 8c, par des lettres fuppofées du proconful
Marcelius , engagèrent lefenat de. Syracufe à
fe déclarer en leur faveur.
Marcelius^fit le fiège de Syracufe par mér 8c par
terre ; il fut contraint dé le lever, plus par les machines
d’Archimède , que par la réfiftance des affiégés,
Le proconful ayant appris que dix mille Syra-
cufairis étoient fortis de nuit pour aller joindre Hi-
milcon , il alla au jdevant d’eux, les furprit 8c les
mit en pièces : Marcelius prit enfuite Syracufe par
efcalade : Archimède , qu’il vouloit fauver , fut tué
fans être connu : la prife de cette ville remit
la Sicile fous l’obéiffance des Romains. -
Marcelius revint à Rome ; il fit admirer dans
fon triomphe, les plus belles ftatues 8c les plus
belles peintures qui fuffent dans Syracufe.
Philippe , roi de Macédoine, ayant appris la Bataille
def Cannes, envoya des ambaffadeurs à Annibal,
pour lui demander fon amitié 8c fon alliance,
lui promit des forces confidérables pour achever
la conquête de l’Italîè, à condition qu’il pafferoit
en Macédoine pour le rendre maître de la Grèce.
Philippe arriva en Italie avec cent vingt voiles:
Marcus Valérius, amiral de la flotte romaine, lui
tua fept mille hommes ; il s’en retourna dans fon
royaume, avec la confufion d’une entreprife fi téméraire
8c fi jnal concertée.
Philippe , qui appréhendoit les Romains, leur
demanda la paix, qu’ils lui accordèrent, ne voulant
pas avoir tant d’ennemis dans cette conjoncture.
Ses ambaffadeurs , qu’on avoit pris , lui forent
renvoyés ; ils avoient été arrêtés lorfqu’ils s’en
retournoient avec le traité d’Annibal.
541. Le fort donna à Fabius, le commandement
de l’armée dans la Pouille -, 8c Gracchus alla
en Lucanie.
Fabius le père alla voir fon fils , pour le féliciter
fur fa nouvelle ■ dignité ; il entra à cheval
dans le camp ; mais le conful commanda aux licteurs
de faire leur devoir : un liCteur s’étant approché
de Fabius le père , lui dit, mettez pied à
terre , 8c préfentez-vous devant le conful avec le
refpeét que vous lui devez: aufli-tôtFabius étant
delcendu de fon cheval, tendant fes bras à fon
fils avec une joie ; qui ètinceloit fdans fes yeux,
lui dit : je voulois voir, mon fils , fi tu connoiffois
bien, que tu étois conful.
Altinius, le plus puiffant citoyen d’A rp i, quitta
l’alliance des Romains , 8ç reçut une garnifon car-
thaginoife : il s’en repentit, 8c dit à Fabius que
s’il vouloit lui pardonner cette faute , il égor-
geroit la garnifon carthaginoife, 8c recevroit lés
Romains. Fabius ayant horreur de cette perfidie ,
fit mettre ce traître dans lès fers. Annibal n’en agît
pas de même; ayant fu ce qui s’étoit paffé, il fit
br&ler la femme 8c les enfans d’Attilius. Les Romains
prirent la ville ; la garnifon fut prÿfqiic toute
paffée au fil de l’épée : on conferva neuf cents
Efpagnols, que les Romains mirent dans leurs trou-
'pes , 8c qui y fervirent avec beaucoup de fidélité.
Le feu caufa de grands dèfordres à Rome.
L’éloignement des confuls fit qu’on créa un dictateur
pour préfider aux comices.
542. Q. Fulvius Flaccus, Appius Claudius Pul-
cher, confuls. Sous ce-, conflilat on mit fur pied des
forces, très-confidérables ,-au nombre de cent quinze
mille hommes de pied , de fept mille trois cens chevaux,
8c de foixante mille alliés ; qui compofcit
une armée de cent quàtre-vingt-aèux mille treis
cens hommes.
Comme le tréfor étoit épuifé , on fit une com-:
pagnie de publicains ; c’eft ce qu’on appelle par-
tijans : ces fangfues excitèrent de grands dèfordres
dans Rome; ils furent cités pour fe mettre à l’abri
de la fureur du- peuple ; ils le fauvèrent dans les
prifons.
Les Tarentins fe mettent fous là domination de
la république , reçoivent garnifon romaine 8c donnent
plufieurs otages pour répondre de leur fidélité.
Annibal, qui avoit des intelligences dans la ville ,
réfolut de faire fauver les otages, qui n’étoient pas
trop bien gardés : cela réuffit. Trois jours après leur
évafion, on les reprit vers Terracine ; ils furent
amenés à Rome & précipités de la roche tar-
péïenne. Cette exécution rendit les Tarentins furieux
; les Métapontins entrèrent dans leur ligue ; les
Tarentins reçurent Annibal dans leur ville; la garnifon
romaine fut égorgée, excepté ce qui fe fauva
dans la citadelle. Annibal fit faire un retranchement
entre la citadelle 8c la ville , pour les prendre
par famine.
Le fénat r#Coî,ut de faire le fiège de Capoue :
Annibal fit- tous fos efforts pour la conferver ; il
fit partir Hannon avec dix-huit mille hommes, pour
y jetter du fecours 8c des vivres dont elle avoit
befoin. Fulvius le défit, lui tua fix mille hommes ,
fit fept mille prifonniers, qui mirent bas les armes ;
toutes les provifions 8c-le bagage furent i l fruit de la
vi&oire ; Hannon s’enfuit avec deux cens cavaliers.
Annibal, qui étoit campé devant Tarente , apprit
cette perte avec un chagrin très-difficile à exprimer.
Les Capouans prièrent Annibal de venir à leur
fecours, lui repréfentant qu’à caufe de lui, ils
alloiènt être expofés au jufte reffentiment des
Romains.
Dans ce temps - là Rome eut trois échecs : le
proconful Sempronius fut tüé -par la trahifon d’un
Lucanien. '
Le proconful Centronius ayant o fé , avec huit
mille hommes, attaquer Annibal, qui étoit près
de Tarente avec cinquante mille hommes , fut défait
8c fes troupes taillées en pièces.
Prefque dans le même temps, Annibal défît le
proconful Cnéus fulvius ; de quatorze miJJc homgm