
Pompée voulant être juge du différend qui exîftoît
entre Hircan & Anftobule, au fujer du royaume des
Juifs, mit dans les fers Ariftobule, qui n’agiffoit pas
de bonne-foi.
Pompée alfiégeant Jérufalem , fit voir le refpeft
qu’il avoit pour la religion , dans le temps de
Pâques.
La ville de Jérufalem ayant été prife, & douze
milleliommes ayant été tués dans Penceinte du temple
, il le fît purifier & ne toucha à rien de tout
ce qui appartenoit au culte du vrai Dieu ; il ne
prit pas deux trille talens d’or monnoyé, qui êcoient
dans le temple.
Pompée réduifk-la Judée en province, & lui
impofa un tribut de dix mille talens, payables à
diîtérens termes. Ceci arriva en 691, fous le con-
fufet de Cicéron.
D é fi beaux exploitsméritoient un fuperbe triomphe
; il fit le plus magnifique de tous ceux qu’on
avoit vus jufqu’alers : on y voyoit les noms ,
portés dans un char particulier, des provinces &
des royaumes fournis par ce conquérant à l’empire
Romain ; on y lïfoit ceux des royaumes de Pont,
d’Arménie, de Capadoce, de Paphlagonie, deMédie,
de Colchide , cPIbérie , d’Albanie, de Syrie, de.
Cilicie:, de Comagène, de Méfopotamie , de Phénide,
de Paleftine, de Judée, d’Arabie., & c. On
y V03refit Tigrane, fa femme & fa fille ; Ariftobtile,
roi des Juifs , les enfàns de Mithridate & les
c-tages de tous les rois fournis.
On appréhendoit que ce grand conquérant ne.
fe fît chélateur perpétuel; le fénat fut délivré de
cette inquiétude ; car dés le lendemain de fon
triomphe, il prit fon rang dans le fénat.
Cicéron fut appelé en jugement par Métellus,
tribun du peuple ; le fénat pritle parti de Cicéron ;
le tribun féditieux s’enfuit , fortit de Rome : &
ainfi la ville fut dans le calme.
693. Comme on n’avoit rien tenu de tout ce
rue fon avcit promis aux ambafîadeurs des Gaules,
oui avaient rendu de grands fervices dans la
conjuration de Catilina, u y eut un foulévement
général dans la partie de la Gaule Tranfalpine qui
étoit foumife aux Romains: le préteur En. Ponti-
thus fe comporta avec tant de prudence & de valeur
, qu’ayant défait les rebelles, il remit fous
p obéi fiance de la république les villes qui s’étoient
révoltées.
Jules Céfar étoit le plus noble de tous les
Romains ;. il avoit toutes les qualités naturelles &
acqnïfes qui font les grands hommes, & perfonne
ne fa furpaffé en prefence cl’efprit: il a été non-
feulement le plus grand capitaine de fon fiècle,
mais de tous ceux qui ont jamais paru : les vertus
qui ont fait les grands hommes étoient toutes réu- i
nies en fa perfonne, pour en faire un héros parfait.
Il fit les premiers exercices de guerre fous
les enfeignes de Marins.
La première dignité qu’il pofféda fut celle d’édile ;
enfuite il fut cenfeur, fouverain pontife fous le confuîat
de Cicéron , & l’année fuîvante préteur dT.f-
pagne: fes créanciers s’oppofant à fon départ,
Craflus le cautionna pour la fomme de quarante
mille écus.
Il fe comporta en Efpàgne avec tant de prudence
& de courage, qu’il remit cette province, où
tout étoit en combuftion & en défordre, dans le
plus grand calme : le fénat lui décerna le triomphe
en fon abfence.
695. Céfar s’acquit l’amour du peuple en propo-
fant la loi agraire, & en diftribuant au peuple le
territoirede Capoue &C de S tel la ta; il s’acquit l’amour
de la nobleffe par la loi qu’il fit en faveur des féna-
teurs & des chevaliers : par cétre loi, les c'enfeurs ne
pouvoient noter d’infamie un fénateur, qu’il n’en eût
été premièrement convaincu par un jugement con-
tradiâoire.
Céfar, fous ce confulat, prit toute l’autorité , 8c
obligea Calpurnius de fe tenir enfermé dans fa
maifon pendant huit mois ; il avoit ajouté le mépris
à cette violence, faifant rompre les faifceaux
qu’on portoit devant lui en fa préfence, ce qui
donna fujet à cette raillerie : Julio & Cce.fart con•
fulibus.
696. Céfar époufa Calpurnie, fille de Pifon, &
donna fa fille Julie à Pompée, en mariage.
Claudius fe fait tribun du peuple , pour fe venger
de Cicéron, & le fait condamner à un exil perpétuel
, pour avoir fait mourir dans la prifon quatre
citoyens romains, qui n’avoient pas été condamnés
par le peuple : les maifons de Cicéron furent
rafées: fur les fondemens de celle qu’il avoit à
Rome, on y éleva un temple auquel on donna
le nom de Liberté.
Cicéron , quelque temps après, fut rappelé par
un décret du fénat, fes maifons relevées, & rétablies
aux dépens du public : le retour de ce grand
homme fut une efpèce de triomphe.
697. Céfar ayant obtenu le gouvernement de la
Gaule , apprit en fortant de Rome, que les Hel-
vétiens ayant trouvé leur pays trop ftérile pour
les nourrir, avoient réfolu de quitter leurs habitations
, de brûler leurs villages, pour ôter le deffein
I d’y retourner jamais ; qu’ils avoient choifi la Sain-
j tonge pour y vivre plus commodément ; qu’ils
| avoient demandé aux Séquanois un paffagç fur
’ leurs terres, lefquels le leur avoient refitfé.
Céfar fit tant de diligence, qu’il arriva dans les
Gaules avant qu’ils fuffent fortis de leur pays.
Les Helvétiens ayant vu que Céfar les amu-
fo it , ils firent tant d’infiances auprès des Séquanois
, qu’ils les laiffèrent paffer : Céfar ayant appris
leur marche, s’avança en diligence, défit leur
arrière-garde au paffage de la Saône, les pour-
fuivit ; & les ayant joints, il fe donna un combat
terrible, qui dura fept heures. Les Helvétiens furent
entièrement défaits ; leurs femmes firent des prodiges
de valeur; il refta cent cinquante mille de$ ennemis
fur le champ de bataille ; à peine ên retourna
t-il fix mille dans leur pays.
Les Germains, fous la conduite d’Ariovifte, s’étoient
introduits dans la Bourgogne , que Céfar
vouloit mettre fous l’obéiffance des Romains.
Céfar entra dans le pays des Séquanois, prit
Befançon, défit Ariovifte , & lui tua vingt-deux
mille hommes : parmi les prifonniers, fe trouvèrent
les deux femmes & les deux fils d’Ariovifte, qui
avoient pris la fuite, & s’étoient fauvés en Allemagne.
La défaite des Suiffes & des Germains étonna
les Belges : jugeant que Céfar n’avoit paffé les
Alpes que pour foumettre les Gaules, ils fe liguèrent
& prirent les armes pour s’oppofer à fes
deftèins ; ils mirent une armée de deux cents quatre-
vingt mille hommes fous la conduite d’Adras. Céfar
ayant défait leur avant-garde, qui étoit de trente mille
hommes, la peur les faifit, & fe retirèrent chacun
dans leur pays : ainfi ce grand armement fe diffipa.
Céfar mit fur pied quatre corps d’armées pour
les pourfuivre, lefquels taillèrent en pièces tous
ces peuples, qui fe retiroient par brigades dans
leur pays.
Cette grande vi&oire mit une partie de la Gaule
Belgique fous la puiffance du vainqueur; toutes
les villes lui ouvrirent leurs portes ; fi on en excepte
Tournai, Cambrai & Arras.
Les Belges firent un dernier effort pour fauver
leur pays ; ils fe préfentèrent avec une armée de
foixante mille hommes, que Céfar défit entièrement
; il ne s’en fauva que cinq cents, qui fe rendirent
à diferétion.
Les Aduatiques furent punis de leur perfidie ;
leur ville fut donnée au pillage ; tous ceux qui furent
trouvés en armes, furent paffés au fil de l’épée,
& le refte des habitans fut vendu ; il y
périt, tant dans le fiége que dans le combat, plus
de trente mille hommes.
P. Craffus, un des lieutenans de Céfar, fournit
la Bretagne; ils fe révoltèrent. Decius Brutus
défit leur flotte , & ils furent remis fous l’obéif-
fance des Romains.
Fabius, un autre lieutenant de Céfar, fournit la
Neuftrie.
Céfar envoya Craffus en Aquitaine ; il la fournit.
Les peuples de la Gafcogne, voyant que Crafiîis
s’avançoit vers leur pays , mirent fur pied une armée
de cinquante mille hommes ; ils avoient fait
une ligue avec les Aquitains: quoique Craffus n’eut
que vingt mille hommes , il les défit ; ils perdirent
trente mille hommes , & par cette grande vi&oire
tout ce pays fut fournis.
Pendant ce temps-là, Céfar fournit le relie de
la Gaule Belgique.
Les Germains voyant que Céfar fe rendoit maître
des Gaules, réfolurent d’en avoir leur part ; ils
{»afférent le Rhin avec une armée de trente mille
tommes : Céfar les défit, força leur camp , poursuivit
vivement les fuyards, qui fe noyèrent dans
1 le Rhin 8c dans la Menfer cette grande armée
pérît entièrement.
Céfar paffa la mer & aborda en Angleterre.
La rapidité des conquêtes de Céfàr parut quelque
chofe de fi merveilleux; on fut fi étonné
qu’il eût, en fi peu de temps, conquis tant de
de pays ,& dompté tant de nations fi fières, qu’on
ordonna à Rome vingt jours de prières publiques
pour rendre grâce aux dieux.
Pendant que ces chofes fe paffoient dans les
Gaules, Caton rédnifit l’île de Cypre fous la puiffance
des Romains. Ptolomée, qui en étoit roi, fe
fit mourir par le poifon.
Ptolomée Aulètes, prince vicieux, ayant été
chaffé du trône de l’Egypte, fis mit fous la protection
des Romains.
698. Ariftobule, roi des Juifs ,.que Pompée avoit
mené en triomphe à Rome , s’enfuit en Judée :
Gabinius, qui en étoit préteur, le défit ; il fut bleffé
dans le combat, pris, renvoyé à Rome & remis
dans les fers.
Hircan fut rétabli dans la fouveraine facrifi-
cature, dont il avoit été dépouillé par Alexandre
Jannée, & la Judée fut divifée en cinq gouver—
nemens particuliers.
Alexandre , fils d’Ariftobule, fait un maffacre
général des Romains qui étoient en Judée, tandis
que Gabinius étoit paffé en Egypte pour rétablir
Ptolemée Aulètes.
Gabinius revint en diligence en Judée, défit
Alexandre : de trente mille hommes il en refta dix
mille fur la place , & tout le refie mt pris. And-
pater, qui fut père d’Hérode, obtint leur grâce.
Pompée & Craffus ne purent voir fans jaioufie
les honneurs qu’on rendit à Céfar à fon retour
des Gaules.
Les deux confuls, plus de deux cents fénateurs ,
du nombre defquels étoient Pompée & Craftus,
avec plus de quatre cents chevaliers , le vinrent
féliciter à Luques fur les grandes chofes qu’il
avoit faites pour la gloire de l’empire.
699. Les confuls Pompée & Craffus, quoiqu’en-
nemis, fe réconcilièrent pour ôter le confulat à Céfar
, dont la brigue étoit très - forte ; ce qui caufà
quelques défordres : mais Céfar , dont l'ambition
étoit le premier mobile, crut que pour parvenir à ce
qu’il fouhaitoit, il falloit fe rendre amis ; en effet,
il fe fit entre ces trois grands hommes une coalition :
c’eft ce qu’on appelle le premier triumvirat.
Céfar étoit le plus noble des trois. Pompée
étoit le plus eftimé.
Craffus étoit le plus riche. Ces triumvirs partagèrent
entre eux l’empire.
Pompée eut l’Efpagne & l’Afrique pour cinq ans.
Craffus, la Syrie pour cinq ans. Le gouvernement
des Gaules fut donné à Céfar, aufii pour cinq
ans, & il laiffa le confulat à Pompée & à Craffus.
Ces triumvirs eurent la pcnnifiion de faire telles
levées d’hommes & d’argent , dans leur départe»
ment, qu’il leur plairoit, félon la néceffité,
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