
donius ; imprudence dont ces Ilotes ne tardèrent
pas à faire repentir les Lacédémoniens. Paufanias
accepta la dixième partie du butin fait à Platée.
Bientôt après il changea d’habillement & de manière
de v iv re , & s’avilit jufqu’au point de foire alliance
avec Xerxès : on le fit mourir. Léotychide,
fon collègue, envoyé contre les Theffaliens, fe
laifla aufli corrompre par des préfens, & on le fur-
pritdans fa tente , avec de l’argent dans les deux
mains.
Ce fut alors, félon quelques hiftoriens , que '
Thémiftocle corrompit les éphores, pour qu’il
fût permis aux Athéniens de fortifier lp Pyrée.
Les Ilotes, devenus plus courageux depuis qu’on
les âvoit armés contre les Perfes , profitèrent pour
fe révolter du trouble où un tremblement de terre
a voit jeté les Lacédémoniens. Malgré la rivalité
qui cômmençoit à régner entre les deux nations,
les Spartiates fe déterminèrent à demander du fe-
çours aux Athéniens. Cimon exhorta ce peuple
à t u pas laijfer la Grèce boiteufe & leur propre ville
Jans contre-poids : politique admirable que n’eurent
jamais les Spartiates. Les Athéniens donnèrent
quatre mille hommes à Cimon : mais quand il fut
^arrivé an pied d’Ithome, que les Lacédémoniens
amégeoient, ceux-ci le renvoyèrent par jaioufie,
en difant qu’ils n’avoient plus befoin de fes fer-
vices.
Peu de temps après, dans une incurfion que
les Spartiates firent en Aftique, Cléarque ou Cléan-
dride ,confeiller du roi Pliftomax, fe laifla corrompre
par l’argent de Périclès , & il engagea le
roi à retourner à Sparte. On fit une trê v e , &
le même Périclès envoyoit fecrètement de l’argent
à Sparte tous les ans, pour empêcher que
cette trêve ne fut rompue, avant que les Athéniens
fe fpffent préparés à la guerre.
Enfin, il cefTa d’acheter la paix, & la guerre
de Péloponnèfe s’alluma, Ce fut un éphore qui y
détermina les Lacédémoniens, contre l’avis d’Ar-
chidamus, l’un de leurs rois. Ils fe mêlèrent de
nouveau avec les peuples voifins ; ils formèrent
des lièges » équipèrent des flottes , empruntèrent
des vaiffeaux-
La deuxième année de cette guerre , Lyfandre
ne rpugit pas de faire un traité avec Darius. C'eft
la première alliance des Lacédémoniens avec les
Perfes. Enfin, Lyfandre brûla la flotte des Athéniens
, fe rendit maître d’Athènes, 8ç établit trente
tyrans dans cette même ville, que les Lacédémoniens
avoient autrefois délivrée du joug des
Pififtratides.
Jufqu’à cette époque, les faits que j’ai cités
prouvent que plufieurs loix deLyêurgue avoient été
violées. Ceux qui éroient chargés des affaires publiques
, & qui avoient plus de commerce avec
les étrangers, fe laiffoient déjà corrompre : mais
cette contagion n’avoit pas encore gagné le peuple.
Ce fut Lyfandre qui la répand dans le fein
même de la v ille , avec les richeffes d’Athènes,
Il renferma dans des focs cachetés, t’or & l'argent
qui fe rrouvoient dans le butin ,& remit ces focs
à Gylippe, fils de ce Cléandride , qui avoit été
corrompu par l’argent de Périclès. Le fils fe laiffa
féduire comme le père, & il fe condamna lui-même
à l’exil.
On agita beaucoup à Lacédémone fi l’on y
recevroit ces richeffes. Un éphore nommé Scira-
phidas, ou Phlogidas, dreffa un décret pour les
renvoyer ; mais les amis de Lyfandre infiftèrent
fi vivement pour qu’on les retînt, qu’elles furent
remifes aux éphores. 11 fut arrêté qu’on en for- '
meroit un tréfor public, qu’on ne s’en ferViroit
que pour les affaires de l’état, 8c que les particuliers
feroient obligés, fous peine de mort , de s’en
tenir à l’ancienne monnaie de fer ; précautions
inutiles. Dès que cet or eut été une fois admis,
fon ufage ne tarda pas à paffer aux particuliers.
Xénophon place la confpirationde Cinadon vers
le commencement du règne d’Agéfilas , c’cft-à-
dire, peu d’années après l’introduéfion des richeffes,,
Ce Cinadon étoit un jeune homme brave 8c ambitieux
; il ne pouvoir pas fouffrir qu’il y eût à
Sparte de plus grands feigneurs que lui. Il mena
un de fes complices dans la place publique, &
lui fit compter les principaux citoyens, qui s’y
trouvoient an nombre de quarante , en y comprenant
le r o i, les éphores & les fénateurs. « T u
n vois, dit-il à fon complice, combien eft petit
» le nombre de ceux que nous avons à combat-
n tre : les Ilotes , ces nouveaux citoyens, tout le
» refte de. la république fera pour nous ». Cette
exprefiion de nouveaux citoyens eft remarquable ;
elle prouve combien il s’étoit déjà fait d'innovation^
dangereufes à Sparte. Au refte, la conjuration
fut decouverte, 8c Cinadon misa mort.
Lyfandre , qui avoit rampé à la cour deCyrus,
en Per fe , pour obtenir de quoi payer des matelots,
y avoit refpiré ce poifon qui ne fe trouve
que trop habituellement dans les cours; le venin
de l’ambition, le projet de dominer, qui ne naîtra
jamais dans une ame vraiment libre, égara la fien-
ne. Né avec les plus grands talens, & même des
vertus; mais devenu fouple & 'arrogant, fourbe
cruel, il forma des correfpondances dans les
principales villes de la Grèce, afin de fe les affer-
vir. Il voulut aufli rendre à Sparte la royauté
éle&ive, dans la vue de s’en emparer : mais la
mort le prévint 9 avant qu’il eût pü exécuter fon
entreprile.
Il paroÎÉ que la loi qui ordonnoit que lès mariages
fe feroient fans dot commençoit à n’être
plus obfervée«- Lyfandre ayant fait de grandes dif-
fipations pendant fa v ie , mourut pauvre. Deux
des principaux citoyens de Sparte qui avoient fiancé
fes filles , refufèrent de les époufer , lorfqu’ils
furent qu’elles n’auroient pas de dot. Les éphores ,
il eft v ra i, ne lâiffèrent pas cette baffefle impunie
; ils condamnèrent ces jeunes gens à l’amende.
L’égalité
L ’égalité dans le partage des terres fubfifta
encore pendant quelque temps. Mais 1 ephore
Ephitadès , homme fuperbe & opiniâtre, f it , "par
reffentiment contre fon fils, une loi qui permettoit
de difpofer de Ton héritage en faveur de qui Ion
voudroit, pendant fa vie ou apres fa mort. 1 ar~
là l’équilibre fut rompu , 8c les riches ne tardèrent
pas à tout envahir. , .
Dix-fept ans après la prife d’Athènes, Antal-
cidas , ambaffadeur de Sparte, conclut avec (e
roi de Perfe, un traité par lequel les Laceae-
moniens s’affuroient la fouveraineté de quelques
villes grecques, en abandonnant au roi ^ toutes
celles qui étoient fituées en Afie. Un Lacédémonien
dit alors à_ Agéfilas : il faut que la Grece joit
dans un bien trifle état, puifque les Spartiatesjux-
mêmes commencent à devenir M'edes. Cette paix, quoique
peu honorable, enfla l’orgueil des Spartiates,
& les rendirent injuftes 8c cruels à 1 égard des autres
Grecs : ils entreprirent plufieurs guerres fons aucun
fondement légitime. Celle des Thèbains fut la plus |
opiniâtre. Philidas s’empara de la Cadmée par une
trahifon ; les Lacédémoniens eurent la baffefle d en
profiter. Ils formèrent les Thèbains dans l’art de
la guerre, à force de les combattre. Enfin, la
bataille de L a b r e s fut une époque fatale pour
Lacédémone, qui perdit quatre mille hommes ,
le roi Cléombrote & trois généraux; le nombre
des fuyards étoit fi confidérable, qu’on_ne crut pas
devoir leur foire fubir la peine d’infamie. Age-
filas, autorifé par le peuple à décider de leur fo r t ,
ordonna qu’on la iffâtpour ce jour là , dormir les
loix de Lycurgue, mais qu’elles repnflent le lendemain
toute leur vigueur : trifte expédient qui
ne pouvoit pas rendre l’honneur à ceux qui avoient
fui, 8c qui , pour conferver de tels foldats a la
république, bleffoit la fointeté de fes lo ix , ex.
annonçoit leur chute prochaine. L’abattement ou
cette défaite plongea les Lacédémoniens , avoit
tellement changé leur cara&ère ,qu’ils envoyèrent
aux Thèbains des ambaffadeurs , qui leur firent
une harangue. Quelques hiftoriens veulent que l’on
ait alors élevé des murs autour de Sparte : mais
ce fait ne me paroît pas vraifemblable ; les détails
.que Plutarque nous a laiffés du fiège de Lacédémone
par Pyrrhus , prouvent que ces murs ne fuirent
bâtis que plus de cent ans apres.
Cependant, quelque affoiblis que fuffent les Lacédémoniens
, ils confervèrent toujours le fouve-
nir de leur fupériorité. Dans une affemblee tenue
à Corinthe , lorfque Philippe demanda d être nommé
général de la Grèce, ils le refufèrent hautement.
Ils refufèrent aufli ce titre à Alexandre ;
& c’eft pour cela que ce prince faifoit écrire
fur fes trophées, Alexandre & les Grecs, à l exception
des Lacédémoniens• Apres la bataille d Ar-
belles , leur roi Agis entreprit de foulever la
Grèce contre lui : mais fes troupes furent défaites
par Antipater, 8c il fut tue. Les Lacédémoniens
firent à cet Antipater une réponfe qui prouve com-
Géographie ancienne. Tome 11,
bien ils étoient encore attachés à leurs inftitutions.
Ce général leur demanda cent jeunes gens pour
ôtages , ils répondirent : quils aimeroient mieux
donner cent hommes faits, que de priver des jeunes
gens. des avantages de l'éducation publique.
Cent ans après la bataille de L e u r re s Pyrrhus
vint afliéger Lacédémone : les Spartiates firent des
prodiges de valeur, & l’ennemi fut repoulie. Le
roi A réus tranfgreffa maiheureufement, dans cette
occafion, la loi de Lycurgue, qui défendoit de
pourfuivre les fuyards : il en- fut puni ; Pyrrhus
revint fur fes pas, 8c maffacra un grand nombre
de Lacédémoniens. }
Ce fut quelques années après qu’Aréus 8c fon
fils Acrotate abolirent les repas publics. Le dere-
glement augmenta de plus en_plus> Les riches trem-
bloient aü feul nom de Lycurgue, comme des
efclaves fugitifs au nom de leur maître. Leonidas ,
qui fuccéda à Aréus, fils d’Acrotate, avoit paffé
plufieurs années dans les palais des fatrapes & à
I la cour de Séleucus : il foula aux pieds toutes les
loix. A g is , fon collègue, entreprit de réformer
les moeurs ; il propofo de partager de. nouveau les
ter-res; mais les éphores le firent étrangler.
La femme du malheureux Agis fut obligée
d’époufer Cléomène, fils de Leonidas. Ce jeunes
prince, enflammé par les éloges du roi A g is , dont
fon époufe lui parloit fons ceffe , entreprit de
marcher fur fes traces. Après la mort de Leonidas,
il fit maffacrer les éphores & leurs parafons : en-
fuite il convoqua l’affemblée des citoyens, abolit
le fénat, & y fubftitua des'magiftrats qu’il appela
patronomes, partagea tous les biens, rétablit l’éducation
, 8c renouvela les repas publics.
Sous les aufpices de ce prince, il fembloit que
les anciennes ordonnances-de Lycurgue alloient
reprendre leur première vigueur ; mais fon courage
8c fa préemption le perdirent. Il fit aux
Achéens une guerre opiniâtre; 8 c, ayant été
vaincu dans un combat , près de Sellafie, il fut
obligé de s’enfuir ea Egypte, où il mourut.
: Ceft-Ià qu’à proprement parler finit l’hiftoire
. de Sparte. Cétte malheureufe ville fut agitée, après
le départ de Cléomène, de féditions 8c de troubles
continuels ; 8c elle paffa fous la domination de
plufieurs tyrans. On y confervoit cependant, en
apparence , les anciennes inftitutions ; mais • ce
jj’gjoit qu’un vain, fimulacre, 8c 1 on fent affez
que l’efprit de Lycurgue ne fubfiftoit plus chez
un peuple d’efclaves. L’éphore Adimas fut poignardé
par fes collègues, parce qu’il s’oppofoit à
la guerre contre les Macédoniens. Des ambaffadeurs
d’Etolie engagèrent le peuple à maffacrer
les autres éphores. On en créa de nouveaux , qui
choifirent des rois 8c vendirent leur Suffrage à un
Spartiate nommé Lycurgue, qui n étoit pas du fang
roy al, mais qui donna un talent à chacun d’eux;
Chilon trama une confpiration contre lui, 8c commença
par égorger les éphores. Quelque temps
après, les éphores eux-mêmes formèrent le projet