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qu’il commandoit, il ns s’en fauva que quatorze
cents 5 dont le proconful fut clu nombre.
La fortune fut très-contraire aüx Romains en
Efpagne ; la mort des deux Scipion! en caufa
prelque la perte. Ces généreux Romains avoient
mis dans leur alliance Syphax, roi de Numidie.
C u là , un autre roi de Nnmidie, étoit dans les
Intérêts des Carthaginois; fon fils Maflinifla, un
des plus grands princes de fon temps , ne pouvant
fupporter 1 alliance que Syphax avoit faite avec
les Romains, entra fur fes terres, remporta deux
grandes viftoires, & réfolut de pafTer en Efpagne
pour s’oppofer. aux Scipion & à Siphax qui v
étoit allé. 4 y
Les Carthaginois firent les derniers efforts pour
ne pas perdre l’Efpagne ; ils y firent paffer une
forte armee fous les ordres de trois généraux,
Afdrubal Barca, Afdrubal Gifcon & Mago.
Les deux Scipion partagèrent leur armée.
Publius Cornélius en prit les deux tiers, avec les
troupes de Syphax , pour s’oppofer à Afdrubal Gifcon
& à Magon.
Enéus Scipion prit lereflepoür faire tête à Afdrubal
Baréa & à Maffiniffa.
Cornélius Scipion fe trouva malheureufement
enveloppé , lorfqu’ayant laiffé fon camp fous la
conduite de Fontéjus, Il alla avec un détachement
de fix mille hommes, pour en empêcher la
jonéfion de fept mille qui fe rendoient à l’armée
ennemie.
Les Numides „.bien informés de fon départ, au
nombre de trente mille l’attaquèrent; il fut tué
d’un coup de lance, &~fes troupes taillées en .
pièces.
Cnéus , fon frère, fut forcé dans fon camp ; il
y mourut en combattant généreufement : ce .qui
échappa à la fureur des ennemis, fe fauva dans le
camp de Fontéjus.
Ainfi moururent ces deux grands hommes, à la
valeur defquels la république devoit la conquête
d’un grand royaume, qui retomba , par leur mort,
fous la puiflance des Carthaginois.
Martius, chevalier romain , avec quatre mille
hommes qu’il avoit raffemblés des débris de l’armée,
fe rendit au camp de Fontéjus, qui en avoit
huit mille. Les généraux carthaginois réfolurent de
forcer ce camp ; Martius anima de telle forte fes
foldats , qu’ayant ouvert les portes, ils fe jettèrent
avec tant de fureur fur les ennemis, que les Numides
ne pouvant foutenir l’effort des Romains, s’enfuirent
après avoir perdu plus de fix mille hommes :
cette viéloire, qui étoit importante pour le moment
ne leur coûta que cinquante hommes.
Les Romains vi&orieux fortirent la nuit de leur
camp, furprirent celui d’Afdrubal, le forcèrent :
tout y fut paffé au fil de l’épée ; vingt-deux mille
hommes carthaginois relièrent fur le champ de bataille
; tout le bagage fut pris avec quatre-vingt-fept
çnfeignes.
Cette grande vi&oire rétablit les affaires des
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Romains en Efpagne : toutes les villes, qui étoierfÉ
fur le point de quitter le- parti des Romains, ref-
terent dans l’obéiiTance.
543* Les deux nouveaux conliils continuèrent le
fiège de Capoue avec toute la vigueur poffible. La
cavalerie numide, qu’Annibal y avoit envoyée, les
traverfoit beaucoup ; mais les allîégés foudroient
extrêmement par la famine, qui auginentoit tous
les jours : les inflauces qu’ils firent à ce général
carthaginois, le fit réfoudre à venir à leur fecours;
ayant laiffé quelques troupes pour le blocus
de la citadelle de Tarente, il s’avança vers Ca-
poue : Claudius fe tint dans fon pofle pour s’oppofer
aux affieges, & Fulvius jae mit en état de
réfifler à Annibal.
Claudius obligea les afliégés defe retirer dans leur
ville., après une grande perte. Annibal , après avoir
perdu huit mille hommes, fut contraint d’abandonner
Capoue à fon malheureux deflin , malgré
toutes fes rüfes: il tenta encore le fiège de Rome
f pour obliger les Romains à lever celui de Capoue afin de venir défendre leur ville.
Claudius refia au fiège de Capoue,' & Fulvius
vint en diligence au fecours de Rome, avec la
moitié de 1 armee ; le fenat fe détermina adonner
la bataille. Les deux confuls , à la tête de leurs
troupes, ayant rangé leur armée devant les murailles
de Rome , dans le temps que le fignal étoit donné-
pour commencer le combat, une forte pluie qui
furvint fépara les deux armées.
Le lendemain la meme chofe étant arrivée, comme
ils etoient fort fuperflitieux, ils crurent que les
dieux ne vouloient pas que les chofes fe détermi-
naffent par une bataille : les Romains fe retirèrent
dans leur ville & Annibal dans fon camp:'ce fût
pour lors qu’il dit que fon jugement & la fortune
1 avoient trahi, dans le temps qu’il pouvoit prendre
Rome.
Annibal s’étant retiré dans PAbbruzze, on envoya
feize mille hommes en Efpagne, pour renforcer
la petite armée de Martius : le proconful
Fulvius ramena la fienne devant Capoue. Cetté
v ille, réduite aux dernières extrémités , capitula •
ils furent obligés de fe rendre à diferétion & d’ouvrir
leurs portes aux Romains, après deux ans de
fiège.
Après, que les proconfuls y eurent fei't entrer
cinq nulle fiintaffins & cinq cens chevaux, &
qu’ils' 1e furent rendus maîtres des portes, on dé-
farma les Capouans ; toute la garnifon fut feite
prifonnière de guerre ; on fit déchirer à coups de
verees, cinquante-trois fénateurs qui reftoient -
enfuite on leur trancha la tête.
On fe faifit de tout l’or & Fargent, qui fe mon-î
tpient à cent mille grands feflerces.
On vendit tous les habitans à l’encan ; on con-
ferva la ville, qu’on repeupla de nouvelles colonies.
Trois ceps nobles furent mis dans les fers,
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! 544' Quelques nobles Capouans , fils des
fenarcurs . auxquels Fulvius avoit fait couper la
tête, mirent le feu en plufieurs endroits de Rome,
Si y .caufèreiit un grand incendie : ils furent punis
félon qu’ils le meritoient. ■
Pour rétablir l’armée navale, les fénateurs & les
chevaliers romains zélés pour la république, y contribuèrent
de tout leur pouvoir.
Annibal, qui manquoit d’argent pour faire fubfif-
ter fes troupes, força toutes les villes avec violence,
de lui fournir les fommes dont il avoit befoin ;
il le fit avec tant de tyrannie, qu’il fe rendit odieux :
la plupart des villes , à l’exemple de Salpy, fe remirent
fous la puifiance des Romains, & taillèrent
en pièces les garnifons carthaginoifes.
Annibal ayant appris qu’Herdonnée, ville de la
Pouille, vouloit fecouer le joug, s’avança en diligence
pour l’enpmpêcher. Fulvius le défit, & lui tua
treize mille hommes , parmi lefquels fe trouvèrent
treize colonels. FFerdonnee ouvrit les portes aux
Romains.
'< H fe donna un combat, qui dura depuis le matin
jufqu’au foir , entre Métellus & Annibal, dans
la Bafilicate, auprès de Numifrone, fans qu’en
fut quel parti etoit vainqueur : cependant Annibal',
en abandonnant fon camp la nuit fuivante,
fit voir _qu’il avoit été le plus maltraité.
Les Carthaginois défirent la flotte romaine commandée
par Quintius, qui fut tué; elle portoit des
vivres aux Romains, afliégés dans la citadelle de
Tarente.
Pertius étant forti de la citadelle de Tarente à
la tête de deux mille hommes, tailla en pièces
quatre mille foldats qui étoient allés à un fourrage,
c- 6S Çart^a^ n0^s avoient quelques troupes en
bicile , fous les ordres de trois généraux, favoir
Hannon, Epicides fyraeufain ? & Mutines, colonel
de la cavalerie numidienne. La divifion s’étant mife
entre ces chefs, Hannon priva de fa charge Mu-
tmes, qui fit un traité fecret avec le conful Levi-
nius, qui pafloit en Sicile , & fe rendit maître
d Agrigente , la feule ville confidérable que les
Carthaginois poffédoient en Sicile: la garnifon carthaginois
fut paflee au fil de l’épée. Hannon &
r-picidesfe fauverent en Afrique, & abandonnèrent
toute la Sicile aux Romains.
On envoya en Efpagne Claudius Néron, en
qualité, de proconful , avec douze mille fkntaflîns
& douze cents chevaux , avec ordre de fe joindre
a Martius, qui, par fa valeur & fa conduite, avoit
rétabli les aflaires d’Efpagne après la mort des
S Scipion Ce proconful fe laiffa tromper par
A l aruba], qu fi tenoit enfermé , lequel lui envoya
demander quartier ,& la liberté de fortir, à condition
d évacuer toute TEfpagne , & d’en rendre
maîtres les Romains : il amufa le proconful pendant
trois ou quatre jours , feifant filer fes tîou-
pes par des routes inconnues aux Romains ; &
quand il fe vit en lieu de sûreté, il fe moqua de
Uaudius, & ne tint aucune des propofitions.
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I iufle!nent irrité contre le proconful,
le depofa & nomma en fa place Publius Cor-'
neluis Scipion-, fils de Cornélius Scipion , & neveu
de Cnéus Scipion, qui étoient morts les armes
a la main en Efpagne , pour le fervice de la république.
Ce jeune héros n’avoit que vingt-quatre
ans quand il arriva en Efpagne avec un ren-
: fort de dix mille hommes de pied & de mille d ie-
qu’il'joignit aux troupes qu’il obtint du pro-
conful Claudius, & en compofa une armée de
vingt-neuf mille hommes. Il ioua hautement la valeur
de Martius & le courage des foldats qui
l’avoient fuivi dans fes expéditions.
Apres avoir laifle Sillànus, un de fes Iieutehans ,
dans l’Efpagne citérieure, avec un corps de trois
mille hommes de-pied & de cinq cents chevaux,
il pafîa l’Ebre avec une armée de vingt-cinq mille
fantaffins & de quinze cents chevaux.
L’armée des Carthaginois étoit divifée en trois
ç.orps.
Le premier étoit fous les ordres d’Afdrubal
Barca, auprès de Sagonte.
Le fécond fur l’Océan, commandé par Afdrubal
Gifcon.
I Afdrubal Magon , frère d’Annibal, avec le troisième
corps, s’étoit jeté dans Carthagène ; Scipion
avoit réfolu d’ôter cette ville aux Carthaginois
j parce qu’elle étoit leur retraite en Efpagne ,
leur lieu d’entrepôt & de débarquement.
Scipion, malgré toutes les difficultés qui s’op-
pofoient à faire ce fiège, tant par l’affiette de la
place , qui étoit de difficile accès , que par fa nom-
breufe garnifon & fes fortifications , l’attaqua.
II donna ordre à Lélius de l’afliéger par mer,
tandis qu’il l’afliégeroit par terre.
Cardiagène fut prife d’aflaut ; la garnifon fut
paflee au fil de l’épée : Magon , qui s’étoit retiré
dans la citadelle, capitula; il fut fait prifonnier
de guerre avec ceux qui l'accompagnoient ; on
donna le pillage aux foldats ; on ne fit aucun outrage
aux Efpagnols ; mais tous les Carthaginois
qui étoient dans la ville, furent faits efclaves.
L’or & l’argent qu’on y trouva , fut réfervé
pour le tréfor public ; on emporta à Rome deux
cents foixante-feizecoupes d’or, qui furent trouvées
dans les maifons des particuliers. On trouva dans les
magafins des vivres en abondante , & dans le port
cent quatorze galères chargées de marchandifes.
Scipion renvoya à.leurs parens, les fept cents
vingt-cinq otages qu’on y trouva , après les avoir
bien traités ; mais ce qui fit la gloire de ce jeune
guerrier, & dont l’hifloire parlera toujours avec
eloge , c’efl la générofité avec laquelle il rendit à
Alkicius, prince Celtibérien, fa fiancée fans rançon
, laquelle lui avoit été amenée lors du fac
de la ville. Les foldats la lui préfentèrent comme
un tribut qui lui appartenoit.