
ce général, dans la guerre des Gaules, fe rendit
maître de plus de huit cents, villes, ( i ) , fubjugua
trois cents nations ou tribus, combattit, en- difte-
rentes batailles, contre trois millions d’hommes,
«n tua un million, & en fit un million prifonniers.
O r , à fuppofer que ces trois millions, de Gaulois
fuiTent, comme cela eft tres-probable, de ceux qui
«étoient employés à la guerre , il faut donc qu il y
en ait eu doute millions de cette efpèce, auxquels,
fi l’on ajoute le triple d’efclaves, le nombre total
des habitans fera de quarante-huit millions.
Mais, à fuppofer que les trois millions contre
îefquels Céfiir eut affaire, fùffent compotes mdif-
îiiî&ement d’hommes d’armes & de petit peuple,
on ne fauroit penfer raifonnablement qu’il y eût
plus d’un tiers ou même d’iin quart d’hommes
capables de porter les armes levées a cette occafîon.
Or , s’ils en faifoient le quart, lé nombre des
eombattans de toutes fortes étoit de douze millions
& celui du peuple total de quarante-huit millions,
comme ci-defîus. Si l’on n’en compte qu’un tiers,
Te nombre des. eombattans étoit de neuf millions,
& le total de trente-fix*
Et puifque Plutarquedans les deux paffages
ci-deffi-is, fait monter à un million, le nombre
«d’hommes défaits par Céfar, on peut bien admettre
qu’il y avoit dans toutes les Gaules trente millions
d’habitans , à moins que l’on ne veuille préfumer
qu’il a tué plus, de la. trentième partie de la totalité,
de la nation...
Encore, dans tous ces calculs, faut-il' exclure les
druides 8c leurs familles entières, qui n’alloient
pas à la guerre ;; ce qui ajoute d’autant plus au.
calcul fur la population..
.Enfin, fous quelque point de vue qu’on Fen—
Yifage,. cette partie de l’Europe paroît avoir été
plus peuplée au temps de Céfar, qu’elle ne l’a été
depuis , & n’avoir jamais recouvré l’état florifiant
dans lequel nous la repréfente l’hiftoire ancienne,,
avant qu’elle, fût attaquée 8 i ravagée par ce conquérant.
Je ne pourfuis pas mes recherches plus
.loin«.
Il feroit bien fafiidieux 8c bien affligeant pour
Fhumanité, de préfenter le tableau de tous les maf-
fàcrés commis par les Romains-; mais pour-modérer
^admiration de ceux qui, jugeant les.Romains fiir
leurs grands fnccès, fans confidérer par combien
de feng leur élévation avoit- été cimentée ; je vais
ajouter un petit apperçu de ce qu’il en coûta- feulement
à l’Italie pour avoir nourri dans fon fein
ces terribles déprédateurs. Il- s’en faut bien que le
fanatique 8c farouche Mahomet, 8c la propagation
de fa do&rine 8c de & puiffance, aient été la caufé
d’une auffi grande perte d’hommes. Ce' n’eft pas
( i:) Dans: la vie de Pompée r, i l dit, même mille
jKÜleSi..
qu’il eût eu plus de difpofition à la. cortipafflon ^
mais les circonftances l’ont fervi autrement,. 8c il
a trouvé moins de réfiftance : car il faut rendre-
cette juftice aux Romains ; ce n’eft pas en matière
de religion qu’ils vouloient dominer , c’étoit en-
fait de politique. Ils vouloient par-tout des fujets ^
8c ne toléraient même .qu’avec peine les alliés.
Leur jaloufie contre Carthage, 8c la ruine totale,
de cette ville eft une tache éternelle à leur mémoire-
Le fort de la Grèce amène îe même reproche. I l
y en aurait bien, d’autres à leur faire. Mais, prenons-
quelques exemples particuliers.
Pendant la gperre qu’ils eurent contre les Sam*'
nites , 8c qui fut fi longue 8c fî opiniâtre, non-feulement
ils tuèrent une prodigieufe quantité d’hommes
en armes. 8c fur des champs de bataille, mais même
ils eurent l’horrible cruauté de faire égorger des villesr
entières, en- y feifant périr vieillards , femmes 8c
enfans au fil-de l ’épée. Il- y a plus : les Aufoniens
ces malheureux habitans-. d’Âufoae de Minturne ,,
de Yefère, de Lucerie , périrent tous, quoiqu’ils ne
fulTent que foupçonnés d’avoir favorifé les Sam-
nites. Peu s’en fallut qu’ils ne détruififfent auffi les.
Eques. Ils ravagèrent leur pays , y^ prirent qua-
rante-ime villes, en rafèrent 8c en brûlèrent la plus -
grande partie. Puis deux arméesconfulaires - dépeuplèrent
entièrement toute la< contrée des Samnites „
8c la ravagèrent pendant cinq mois. Pendant ce
temps, un conful changea fon camp quarante-cinq;
fois* & l’autre vingt-fix, laiffant par-tout de triftes
monumens.de ruine-8c dedefiruâion. En continuant
leurs, dévaluations., ils. forcèrent enfin l’année des.
Samnites à-fe réfugier dans l’Etrurie. Alors ils.
attaquèrent leurs villes , 8c, en peu de mois, ils
pillèrent Miirgontie, où ils prirent deux mille cent
Samnites ; Romulée, où ils en tuèrent deux milles
trois cents, 8c en firent fix raille prifonniers ; . à-
Terentinum ils en tuèrent trois mille. Dans le refie:
de la guerre,. ils: fë. rendirent maîtres- dé Milionie ,..
où. ils tuèrent trois mille deux cents hommes, &
en firent quatre mille deux cents prifonniers; dans-
Âmiternum il en périt environ deux cents quatre-
vingt; quatre mille deux cents fôixante-dix furent faits :
prifonniers. Duronia-ftit à-peu^près-traitéède même.,
Cbminium en perdit quatre mille trois cents quatre-
vingt ; quinze mille quatre cents fe rendirent. Cette-
ville & celle d’Àquilonie furent pillées 8c réduites
en cendre dans un même jour. Les Romains- prirent-
dë même Volana, Palumbinum ,, 8c Hèrculanum
& dix mille hommes y périrent ou furent faits prifonniers.
A Sepinum fépt mille quatre cents périrent:■
on en fit prifonniers trois mille, Enfin-, pendant cette.-
girerre des Samnites „qui dura environ un derni-
fiëcle, les généraux Romains remportèrent vingt—1
- quatre triomphes , 8c fournirent tellement le pays
I qu’ils dêtruifirenl jufqu’aux. ruines même des;
villes.
La conduite dés Romains dans l’Epire eft aufiE
i- révoltante. Paul Emile eut ordre d’y piller &:
S’y détruire toutes les villes. En conféquence, 3.'
s’empara de tout ce qu’il y avoit de plus précieux,
l’envoya à Rome pour le tréfor public, 8c livra
le refie au pillage.. Il fit de plus cent cinquante
mille prifonniers & démentela. foixante-dix villes.
Ainfi , par-tout ces tyrans de' la terre fe jouoient du
bonheur 8c de la vie des hommes.
C ’etoit par cette conduite exécrable qu’ils avoient
fait paffer à Rome la plus grande partie des richeffes
du monde alors connu. Auffi plufieurs particuliers
y avoient-ils des revenus- excédans ceux de pl-u-
iieurs fouverains aéhiels. Comme je prends ces
calculs dans un auteur anglois, il rapporte ces
richeffes à la monnoie de fon pays ( i ). Il ferait
aifé d’en faire le calcul ; mais le temps ne me le
permet pas ki.
Apicius poffédoiî en fonds 807,291 liv, fi.
13 fch.. 4 d,
Crifpus, fimple bourgeois de Verceille , r ,6 i 4,x8 $
Iiv.fi. 6 fch. 8d.
Dèmètriusun des affranchis de Pompée, 4000
talens,
P a lla s 9.. un des affranchis de Cicéron, 2,421,875
liv. fi..
Sénèque le philofophe, ramaffa en quatre ans '
2,421,875 liv. ft-
C. Cecilius IJîodore,. quoiqu’il eût beaucoup perdu
dans la guerre civile ,.laiffa par tefiament 4116 efcla-
v e s , 3600 paires de boeufs, encore d’autre bétail
au nombre de 275,000 pièces ; 8c en argent comptant,
484,375 liv. fi.
Pomponius Atticus eut de fon père, 16*14% liv..
Ï 6 f . 8 d . a . . .
Le patrimoine de Caton le jeune étoit de 17,375
Ev. fi.
Servius dit, dans la vie de Virgile, qu’il avoit
de bien 80,726 liv. 3 fch. 4 d. fi. , ce qui eft
affiirément bien Honnête pour un prêtre.
Les richeffesde Cicéron ne nous font pas connues,.
Elles dévoient être confidérables en Italie. Il avoue
qu’il poffédoit en Afie 16,762 liv. 9 fch. 4 d. fi.
Mais les richeffes de Craffus étoient bien plus
confidérables. Son père , en mourant, lui avoit
laiffé 300 talens , ou 58,125 liv. fi. Plutarque affure
qu’il augmenta cette fomme jufqu’à 7100 talens r
ou 153755625 liv. fi,, ayant fon expédition contre
les Parthes,
De-là ces grandes dépenfes, ces profitons des:
Romains r dans des circonftances qui intéreffoient
R O M ^49
f'1) C’e f t- à -d îr e , en livres fterlings. Ô r , la livre
flerting vaut un peu pl-us .cle jij, livres xo f. de notre
monnoie. :
leur gloire-ou- leur vanité. Je n'en «porterai qu<i
quelques traits. :
Apicius, ce célèbre gourmand, après avoir clé—
penfé pour fa table 807,291 liv. f l . , fans compter
des fommes immenfes en penftons & en gratifications
, forcé enfin de compter avec-lui-même, trouva
qu’il he lui rèftoit que 80,729 liv. 7 fch.i-^ fi. fl, .
ce qui fait encore plus de deux millions de notre
monnoie. Il trouva que c’étoit trop peu pour fes
dépenfes, & honteux d’être réduit à cette efpèce
de mendicité , il s’empoifonna..
Lucullus, pour chaque fouper qu’il donnoit dans
fa Aille d’Apollon , dépenfoit 1614 liv. 11 fch.
Les 'lairgeffes Élites, aux foldats étoient auffi très-
confidérables,
Paul Emile donna à chacun des Cens 7 fols Si
quatre d; fl.
. Lucullus donna à chacun 30 liv. fix & demi
d‘. fl.
Pompée , après fa viftôire fur les pirates, donna
dans fon triomphe au public & aux quefteurs 193732.
liv. f l., & à chaque foldat 48 liv. 8 fch. 9 d. fl.
Jules Céfar donna en une feulé fois à chaque
foldat des- légions des vétérans , 16 liv. 2 fch,
12 d . & aux chevaliers 193 liv. 15 fch. Dans
une autre- occafîon , à chaque homme 80 liv.
14 fch. 7 d. fl. Dans une autre encore: 161 liv.
9 fch. 2 d. fl. Au commandant d’une compagnie iî
donnoit le double , aux tribuns des foldats & aux
chevaliers 645 liv. ié fch.. 8 d. fl.
, A ces-’ largefles militaires, il fit ajouter celles qu®
l’on -faifoit auffi au peuple.
Jules Céfar,, fans compter dix mefures de blècf
& dix mefures d’huile r donna à chaque citoyen:
3 liv. 4 f. 7 d ., & légua à chaque homme du peuple
2 liv. S fch. 5 un huitième d. fi..
Augufle fit en plufieurs occafions des préfens au:
peuple. Mais en une feule fois il donne à chacun
2 liv. 1 fch. r d. fl. , fans oublier les petits
enfirns , quoique ce ne fût pas la coutume de donner
à quelqu’un au-deffous de l’âge, de onze ans.
Cette fomme devoit être bien prodigieufe ;. car
Eufebe rapporte qu’après la bataille d’Ââium, le
dénombrement des citoyens Romains en porta le
nombre à. 4-, 100,000. En fuppofant qu’il n’y en
eût que deux millions qui reçurent le bienfait
d’Augufle,. le total, fe montoit à 4,026,438 liv
6 fch. 8 d. fl.
De plus longs expofés me conduiroient trop*
loin. Je finis par obferver que ces grandes richeffes.,,,
qulfuppofent une grande, abondance dé numéraire-,,
n’avoient pas influé en mal fur le fort du petit
peuple. Les . .denrées de première néceffité , gajv