
chargea Curion d’une lettre pour la rendre au.
.fénat, par laquelle il promettait de défarmer , !
dès que Pompée en ferait de même ; & par
.cette adroiTe', il fe difculpoit & chargeoit Pompée
de tous les fùneftes événemens qui pourraient
arriver. : '
Cette lettre fit l’effet que Céfar fouhaitoit : elle ;
fut mal reçue ; il fut déclaré ennemi de l ’état ; fon I
“gouvernement des Gaules fut donne a Domitius. j
“Ënobarhus, Antonius & Caffius, tribuns du peuple,;
ayant voulu faire quelques remontrances, furent1
ehaffés du’ fénat, avec défenfe dly- rentrer. Ils
furent trouver Céfar, qui fe fervit fitvorablement
de ces tribuns, pour aigrir fes troupes contre les
Romains. . , .
Céfar ne confültant que fon ambition, pana le
Rubicon ; ,ce qui le rendoit criminel d’état.
706. Il eft certain que l’ambition de ces deux
grands hommes çaufa la perte de tous les deux , 8e
la ruine de la république. Pompée, qui ne voyoit
rien dans le monde de plus grand que lui, regardoit
avec une Jaloufie extrême la gloire brillante de
Céfar: Céfar voyoit avec la même peine Pompée
-au-deffus de lui.
Pompée, comme prince du fénat, avoit raifon
de dire, à ne veux peint d’égal ; Céfar paroiifoit
plus, modéré en difant, je ne veux point de fupé-
rieur ,- & il n’avoit pas raifon.
Céfar n’avoit qu’une légion de huit mille hommes ;
■ une autre lui étant arrivée des Gaules, il prit le
chemin de Rome.
La tête tourna à Pompée; il fit des fautes irréparables.
Il quitta la ville de Rome, où plus dç trois
cents mille citoyens avoient pris les armes pour fa
défenfe & celle de leur ville; 8c,au lieu d’aller en
Efpagne, où étoient fes armées , il fe retira en
Grèce, en difant, lorfqu’il fortoit de Rome, tout
ce qui n’eft pas pour moi, ejl contre moi. Céfar,
qui affeftoit fa modération ordinaire, difoit : tout
ce qui n’efl pas contre moi, eft pour moi.
Céfar furprit à Corfinium, Domitius Enobarbus,
qui lui fut livré : il fut obligé à fon médecin de
ce qu’il ne l’àvoit point empoifonné. Céfar le traita
généreufement, aufli-bien que les fénateurs qui
favoient accompagné, lui donna la liberté d’aller
O Ù il voudrait. R retourna à Rome avec ceux qui
voulurent l’accompagner , comblé des bienfaits de
Céfar, qui le fit feulement renoncer au gouvernement
des Gaules, 8c qui joignit à fes troupes l’armée
de dix-fept mille hommes qu’il commandoit.
Céfar, par la fuite de Pompée, fe vit maître de
Htalie. Après s’être emparé de la Sicile 8c de la
Sardaigne , il entra à Rome avec un air fi tranquille
, que tout le monde en fut charmé, 8c aucun
foldat ne commit la moindre violence.
Céfar fit rompre les portes du tréfor public, J k
porter chez lui 413 5 liv. pefant d’or , 8c 900000 liv.
pefant d’argent.
Céfar, avant de quitter Rome, y établit le bon
ordre Si la confiance.
Il en fit Emilius Lépidus gouvernent*
Il 'fit préteur d’Italie Marc-Antoine.
Il fit gouverneur des Gaules Licinius Craflus?
Il fit amiraux de fes deux flottes, Hortentius 8t
Dolabella.
Céfar paflant par les Gaules (on n’en fait point
le fujet), traita très-frdidement Labienus, ce grand
capitaine qui l’avoit fi bien fervi : il fe retira auprès
de Pompée.
Céfar quitte le fiège de Marfeille, paflê en?
Efpagne, y défait Afranius, Pétréjus & Varron ,
trois lieutenans de Pompée, les fit prifonniers ; il
en agit avec cette bonté qui lui étoit naturelle;
leur rendit leurs équipages, & leur permit d’aller
ou ils fouhaiteroient. Il dépouilla Yarron de l’argent
qu il avoit tyranniquement exigé, fit porter dans,
les temples les tréfors qu’il y avoit enlevés.
Céfar ayant labié gouverneur des Efpagnes Lon*
ginus, t repafia les Pyrénées.
Céfar, revenant en Provence, trouva le fiège
de Marfeille allez avancé ; il le preffa vigoureufe-
ment ; la: .place fut contrainte de fe rendre à dif-
crétion. Il en ufa avec fa générofité ordinaire
& prit enfiiite le chemin de Rome, après avoir
laide douze mille hommes à Marfeille fous la con-«
duite de Trébonius.
Céfar fut reçu à Rome avec des honneurs extraor*
dinaires & une joie universelle.
Le fénat le créa di&ateur ; mais onze jours après
il fe démit de fa di&ature.
Il rappela tous les bannis, excepté Milon.
706. Pompée établit un fénat à TelTalonique:
Claudius Marcellus & Cornélius Lentulus furent
continués confuls. Céfar fe rend à Brundufium avec
une armée de foixante-douze mille hommes de
pied, & de quatre mille chevaux; n’ayant pas
allez de vaifleaux, il fit palier quinze mille hommes
d’infanterie & cinq cents chevaux : il choifit un
polie près de Pharfale, & fortifia fon camp.
Les vaifleaux de Céfar qui retournoient à Brun«
dufium pour prendre des troupes, furent vus par,
BibuluS j qui en rencontra trente.
Céfar impatient, n’ayant aucune nouvelle ni
de fa flotte ni de fes troupes, s’embarqua feu!
dans un petit vaifleau, La tempête qui furvint fut
fi terrible, que le pilote, effrayé, vouloit relâcher;
mais Céfar, pour exciter le pilote à tout entreprendre,
lui dit ces paroles: Que crains -tu, mon,
ami? tu portes Céfar & fa bonne fortune. Mais
quelque forces de voiles que pût faire le pilote,;
il fut obligé de retourner au port, & enfuite dansj
fon camp.
Antoine fit tant de diligence pour trouver des bâti-
mens, qu’il arriva en Grèce avec vingt-quatre
mille hommes de pied & neuf cents chevaux.
Les armées étant en préfence, il fe fit quantité
d’efcarmouches où Céfar eut toujours l’avantage ;
car il ne perdit en ces petits combats que trente-
cinq hommes, ôc Pompée deux mille.
Deux frères Allobroges , qui étoient dans le
camp de Céfar, pour quelque mécontentement
fe retirèrent vers Pompée , & lui découvrirent les
défauts du camp doù ils fortoient. Pompée profitant
de cet avis, attaqua le camp d’un côté, &
Scribonius de l’autre : Céfar y fut très-maltraité ;
& fans Antoine , qui le fecourut fort à propos, le
camp auroit été entièrement forcé. Pompée,
content de ce qu’il avoit fait , fit fonner la
retraite.
Céfar voulant avoir fa revanche à la tête de
dix mille Hommes, réfolut d’enlever le quartier
de Pompée., où il étoit avec une feulé légion.
U y trouva des gens prêts à le recevoir; il y perdit,
en peu de temps , la plus grande partie de fes
troupes, le refis prit la fuite. Céfar voulant'arrêter
un officier qui fuyoit, il courut rifque de fa vie ;
mais ion écuyer le tua d’un coup de hache dans
le temps qu’il lui alloit plonger l’épée dans le corps.
Pompée voyant la fuite de fes ennemis, crut qu’il
y avoit quelques embûches ; car s’il n’eût pas empêché
fes feidats de les pourfuivre, Céfar étoit
perdu, & il avoua, que c’en étoit fait de fa fortune
& de 'fa vie.
Les _ deux généraux ayant chcifi la plaine de
Phaliale pour leur champ de bataille, cette mémorable
journée étant arrivée , chacun mit fes troupes
en ordre.
Pompée donna l’aile droite à Afranius, où Dé-
jotarus, roi des Galates , combattit. Pompée étoit
à la tête de l’aile gauche, où étoient toute fa cavalerie,
fes archers & Sadulas, roi de Thrace: Scipicn
commandoit le corps de bataille.
Céfar commandoit l'aile droite pour être oppofé
à Pompée ; Marc-Antoine l’aîïe gauche, & Domitius
Calvinus le corps de bataille.
Céfar remporta la vidoire ; de quinze mille morts
qui relièrent fur le champ de bataille, il n’y en eut
que deux cents du côté de Céfar, du nombre
defquels étoit Crafiinus.
Domitius Enobarbus fut le plus confidérabîe de
ceux qui furent tués du parti de Pompée.
Pompée, après avoir fait tout ce qu’on pouvoit
.attendre d’un grand capitaine , fe fauya à Larifle,
fuivi feulement de trente chevaux.
La clémence de Céfar fe fît remarquer dans le
combat par ces mots : Miles parce civi. Il défendit qu’on
pourfuivîtles fuyards , pour épargner le fang romain.
Il reçut, avec toute l’humanité poflible, vingt-
quatre mille Romains qui s^toient fauves fur une
montagne.
Il félicita Marcus Bmtus , qui étoit. du nombre
des prifonniers, de fa fidélité envers Pompée.
IL pardonna généreufement aux Athéniens qui
s’étoient ouvertement déclarés contre lui, en confi-
dératiqn des grands hommes que leur ville avoit
produits.
Il dit à Pharnace, roi de Bofphore , qui lui
venoit faire des complimens fur fa viâoire : Souvenez
vous que vous tenez de Pompée votre couronne.
J ! ^ m 719
Quoique Cicéron fe fût toujours oppofé à fon
ambition, dès qu’il le v it, il defeendit de cheval
pour le recevoir avec plus de refpeél, & s’entretint
avec lui plus d’une heure avec autant de marques
d’eftime & d’amour, que s’il avoit toujours été
dans .fes intérêts. Il en agit de meme à l’égard de
tous les autres fénateurs & de toutes les perfonnes
de qualité qui payèrent dans fon camp après que
la bataillé eut" été'dôfînée.
Caton , Pétréjus, Afrâmùs, Scipjon, Labiemiÿ
CafliüS, O&avius & quelques autres fe retirèrent
en Afrique, 8c mirent Juba, roi de Mauritanie',
dans. léufs intérêts.
Le fort de Pompée fut très - malheureux ; de
Larifle il fe retira à Lesbos; enfuite à Meteliri, où
il alla trouver fa femme Çornéliè & fes enfàns V
de-là il fè rendit à Pelufium , croyant trouvèr Un
afyle affufe chez Ptolomée Denis, roi d’Egypte
ayant rétabli fon père AulèteS fur le trône’; Cé
perfide prince, craignant d’avoir la guerre à fou-
teriir contre Céfar en accordant fa protection à fon
bienfaiteur, envoya au-devant de Pompée Septi-
mius, Flavius & Achillas, qui l’affurèrent de là
bonne volonté de Ptolomée ; quelque temps après
ils le maffaçrèrent, & lui coupèrent la tête.
Cornélie, fpeélatrice de cette atrocité, fe retira
à Rome; Sextus Pompée alla joindre fon frère
en Afrique. Ainfi mourut le grand Pompée ,
qui avoit triomphé de vingt-trois rois, qui avoit
rempli à jufte titre les grandes charges de la république,
& qui n’avoit rien vu dans le monde de
plus grand que lui.
707., Céfar, élu conful, arriva à Alexandrie le
même jour que Pompée avoit été maflacré; on lui
fit préfent de la tête de ce grand homme : Céfar
frémit à cette vu e , & ne put voir Ptolomée qu’avec
horreur.
Ptolomée, ayant vu que Céfar étoit entièrement
dans les intérêts de fa foeur Cléopâtre réfolut
de faire un préfent au fénat de la tête de Céfar
puifque celle de Pompée n’avoit pas plu à ce
vainqueur.
Céfar fe' précautionne contre la perfidie de ce
prince, qui fe noya, s’étant jeté dans une barque
avec plufieurs perfonnes ; comme elle étoit trop
chargée, elle s’enfonça dans l’eau.
Cefar étant maître d’Alexandrie par la défaite
dé Ptolomée , donna le royaume à Cléppâtre,
après lui avoir fait époufer le jeune Ptolomée.
Pharnace, profitant de la güerre civile, s’empara
des royaumes de Pont & de Capadoce,
chafla . de l’Âfie mineure Déjotarns, qui implora
le fecours des Romains.
Domitius vint à fon fecours avec une armée
de vingt - fix mille hommes , afliégea Nicopolis :
Pharnace, avec une armée de foixante mille hommes,
fe préfentâ pour lui faire lever le fiège: Domitius
fut défait, & perdit quatorze mille hommes. Céfar
vint en diligence contre Pharnace, & le défit. Ce
prince eut un fort malheureux ; car, fe retirant