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de l’alliance des Romains, & le mettre de leur
parti, ils lui donnèrent en mariage, à l’infu
Ô’Afdrubal & de Maflîniffa , la belle Sophonisbe,
fiancée à ce dernier. Maflîniffa, outré de cette
perfidie, fe jetta dans le parti des Romains, fit
un traité avec Scipion & repaffa en Afrique. Le
roi Gala, fon p ère, étoit mort dans cet intervalle,
8c Ifalac, le plus âgé des frères de Gala,
lui avoit fuccédé félon les loix du royaume, où
le^fils ne fuccédoit pas au père, mais le frère au
frère , ou le neveu à l’oncle.
Ifalac , que Tite-Live nomme Æfalces, n’ayant
. vécu que peu de temps, Capufa, l’aîné de fes fils,
étoit monté fur le trône des Maffyliens ou Numides
orientaux, en l’abfence de Maflîniffa. Mais
Mézérul, autre prince Numide de la race royale,
avoit foulevé la nation contre lu i, avoit tué ce
nouveau roi , & fournis toute cette partie de la
Numidie qu’il gouvernoit fous le titre de tuteur
de Lacumac, jeune frère de Capufa , auquel il
avoit fait prendre le nom de roi. Une ligne étroite
avec Syphax & le& Carthaginois , lui parut le
meilleur moyen de fe maintenir dans fon ufur-
pation contre Maffiniffa & les Romains. Il envoya
des Ambaffadeurs qui conclurent le traité avec j
Syphax, 8c il époufa la veuve du vieux roi Ifalac,
fille d’ une foeur d’Annibal.
Cependant Maffiniffa apprenant la mort de fon
oncle , repaffa en Maunitanie où il fit inutilement
les dernières inftances auprès de Bocchar j roi de
c e pays, pour obtenir de lui quelques fecours
d ’armes & d’hommes. Le Maure ne lui voulut
accorder qu’une efcorte de 4000 hommes pour
le conduire à travers le pays ennemi, jufqu’aux
frontières de Maffylie , où 500 cavaliers , des
anciens ferviteurs de fon père * vinrent le trouver.
Quelque petite que fût cette troupe, fon courage
fuppléant à tout, il congédia les 4000 Maures &
marcha droit à la rencontre du jeune roi Lacumac,
qui ail oit fe joindre à Syphax. Les troupes du roi,
furprifes, fe jettèrent dans la ville de Tapfa, que
Maffiniffa prit'd’emblée. Mais le roi s’échappa
avec quelques cavaliers, 8c continua fa route vers
Syphax. Le refte de fes troupes fut tué ou prit
parti avec Maffiniffa en faveur de qui le fruit de
ce premier fuccés détermina-une partie de la
nation Maffylienne. Il raffembla donc un corps
de troupes affez nombreux, quoique fort inférieur
à celui de fon adverfaire, Mézérul, qui fe trouvoit
encore à la tête de l’armée avec laquelle il avoit
détrôné Capufa, & qui venoit d’être renforcée
par les Maffæfyles auxiliaires, que le jeune roi
lui avoit amenés à fon retour du camp de Syphax.
Mais la grande connoiffance de l’art militaire que
Maffinifîà avoit acquife au fervice de Rome &
de Carthage, compenfoit bien cette inégalité. Le
jeune roi & fon tuteur furent entièrement défaits
& contraints à fe réfugier chez, les Carthaginois.
Maffiniffa, remonté fur le trône de fes pères,
ne fongeoit plus qu’à faire une paix folide, tant
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avec les ufurpateurs qu’avec Syphax leur allié:
Il fit propofer à Lacumac, s’il vouloit revenir
en Numidie, de lui donner le même rang qu’avoit
^ a^ac auPr®s de G a la ;& àMézétul, l’am-
niftie 8c le rétabliffement dans tous fes biens.
Tous deux étoient affez portés à préférer une
fortune médiocre dans leur patrie, à un exil peut-
etre perpétuel. Syphax, de fon côté, né s’éloignoit
pas de confentir a ce traité , regardant comme
une chofe indifférente, à fon égard, que ce fût
Maffiniffa ou Lacumac qui régnât en Maffylie.
Mais Afdrubal, fe rencontrant alors au camp de
Syphax, lui repréfenta qu’il fe trompoit, & ne
connoiffoit guère les grands talens de Maffiniffa;
qu’un petit royaume tel que celui de Maffylie,
n étoit pas fait pour un fi grand homme, 8c que
tous fes voifins dévoient s’attendre d’avoir bientôt
fur les bras un ennemi redoutable, s’ils, ne fe
hatoient d’étouffer cette flamme naiffante. Syphax,
détermine par ces confédérations, reprit les armes.
La guerre fut très-malheureufe pour Maffiniffa,
qui fe vit réduit à ne plus pofféder qu’une feule
montagne vers l’orient, pendant que fon ennemi
régnoit feul dans la Numidie entière. Quelques
familles de Maffyliens, réfugiées avec leur prince
fur la montagne , v avdient tranfporté leurs
huttes, leurs charriots & leurs troupeaux ; c’étoit
prefque tout le bien de cètte nation fauvage. Le
terrein ne manquoit ni de pâturages, ni de fontaines
: c en. etoit affez pour vivre à des gens qui ■
ne fe nourriffent que de chair & de laitage. De
plus ils faifoient des incurfions noâurnes fur leurs
voifins, s’adreflant plus volontiers à ceux de
Carthage, dont le pays étoit bien cultivé. Le
produit de ce brigandage leur fervoit à fe pourvoir,
de ce qui leur manquoit d’ailleurs vers les
marchands de la côte qui venoient exprès faire
ce commerce. Les Carthaginois, défolés de cette
petite guerre continuelle où ils perdoient plus de
monde a la longue qu ils n’euffent fait dans une
aâion d’éclat, preffoient vainement Syphax d’y
mettre ordre. Ce roi barbare regardoit comme
au-deffous de lu i , d’aller attaquer un voleur dans
fa caverne. A la fin , preffé par leurs inffances ,
il y envoya Bocchar, fon lieutenant, homme
entendu dans l’art militaire, avec 4000 hommes
de pied & 2000 de cavalerie. Il lui promit une
groffe récompenfe s’il tuoit Maffiniffa, & qne
plus forte'encore s’il pouvoit le prendre vivant.
Les Maffyliens, furpris, perdirent tout ce qu’ils
avoient, & furent chaffés jufqu’au fommet des
rochers, d’où Maffiniffa fut bientôt obligé de
defcendre, & fe vit invefti avec le peu de gens
qui lui reftoit, dans une gorge étroite. Cependant,
comme il connoiffoit parfaitement tous les détours
des montagnes, il fut affez heureux pour
échapper, fuivi de 50 cavaliers, toujours pour-
fuivi par Bocchar qui l’atteignit dans la plaine de
la ville de Luplea avec 700 chevaux. Maffiniffa
j' fut ferme ; mais voyant fes gens tués autour de
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lui à l’exception de quatre, il s’enfuit avec eux
d e ’la mêlée à toute bride, quoique dangereusement
bleffè. Arrivés au bord d’une rivière, ils
s’y jettèrent fans héfiter. Le courant étoit fort
rapide , deux d’entre eux s’y noyèrent. Les ennemis
les crurent tous péris de la même manière.
Le bruit de la mort de Maffiniffa fe répandit, 8c
l’on en fit des réjouiffances publiques à Carthage.
Cependant Maffiniffa, à demi-mort, avoir gagne
un petit bois de l’autre côté du rivage avec fes
compagnons. Il fe cacha dans une caverne ou on
lui apporta des herbes pour panfer fa plaie. Les
deux autres alioient à l’entree du bois detrouffer
lespaffans pour fe nourrir, en attendant que le prince
fut en état de fortir de la caverne. Dès qu’il put
{importer le cheval, il rentra droit en Numidie
où la joie inefpérée de le revoir, après l’avoir
cru mort, raffembla , en fort peu de temps, autour
de lu i, 6000 hommes de pied & 4000 cavaliers.-
Il reconquit une partie de fes états, 8c vint camper
fur un terrein fort avantageux, entre Cyrtha &
Hyppone. Syphax marcha contre lui, & donna
ordre à fon fils Vernina, de tourner la montagne.
Maffiniffa ne refufa pas la bataille que Syphax
vint lui préfenter. Le combat fut fort opiniâtre,
8c l’on croit que l’événement eût été favorable à-
Maffiniffa , f i , dans le fort de l’aftion , Vernina
ne l’eût chargé en queue; alors la viftoire ne fut
plus douteufe. Maffiniffa, enveloppé de toute
pa*rtt fit trois pelotons du refte de fes gens , &
leur dit de percer comme ils pourroient à travers
l ’armée ennemie, leur indiquant un lieu de
ralliement. Deux de ces pelotons ne purent percer
; l’un fut maffacré en voulant fe défendre,
l’ autre mit bas* les armes: le troifième, commandé
par le ro i, s’échappa , n’étant compofé que de
60 hommes qui, à force de courfes & de détours ,
rebutèrent Vernina, attaché à les pourfuivre. Ces
60 hommes pillèrent eh- paffant les villages de
la côte de Carthage , & fe retirèrent chez les
Garamantes, jufqu a ce qu’enfin Maffiniffa, apprenant
que Loelius, commandant de la flotte romaine,
avoit pris terre en Afrique, il alla le joindre avec
fa petite flotte.
Ce fut alors que Maffiniffa recouvra tous les
avantages qu’il avoit perdus : il réduifit même les
Carthaginois à appeler Annibal d’Italie pour leur
propre défenfe. Il cbaffa fucceffivement tous les
petits rois de Numidie : il vainquit Afdrubal &
Syphax dans une aéfion décifive. Ce dernier y
fut fait prifonnier, 8c envoyé à Scipion qui le
conduifit en triomphe à Rome, où on lui donna
la ville d’Albe pour prifori. Maffiniffa prît enfuite
la ville de Cirtha, où il retrouva Sophonisbe. Les
généraux romains lui reprêfentèrent qu’elle étoit
trop ennemie des Romains pour être l’époufe d’un
de leurs alliés. Ils la redemandoient : ce foible
prince lui envoya du poifon avec lequel elle fe
donna la mort.
Cependant les Romains le comblèrent d’hon-
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neur, lui donnèrent la Numidie qui fut ainfi
réunie fous un même fouverain. Ce prince fut
toujours depuis le plus fidele allié de la république,
& le plus grand ami des Scipiôns: à l’âge
de près de cent ans il commandoit encore les
armées en perfonne ; alloit tout nud , & montoit
à cheval fans étriers. Il donna tous fes foins pour
introduire les arts dans fon royaume ,pour adoucir
les moeurs barbares de fa nation, & lui infpirer
le goût pour l’agriculture , le commerce & pour
un genre de vie moins fauvage. Maffiniffa, en
mourant, ne fit pas de teftament, mais il laiffa
Scipion Emilien maître de difpofer de fon royaume
entre fes trois fils. Par les difpofitions que fit
Scipion, les trois princes eurent le titre de roi;
mais Micipfa , l’aîné , eut le palais des rois à
Cirtha ; Guluffa, le commandement des troupes,
& Manaftabal, l’adminiftration de la juftice & le
miniftère intérieur du royaume. Micipfa perdit fes
deux frères, & refta feul maître de tout le
royaume. Il eut deux fils, Adherbal & Hiempiâl î
il fit élever avec eux un fils de Manafiabal, appelé
Jugurtha, né cependant d’une concubine. Les
talens de ce dernier prince lui méritèrent l’eftime
des Romains & de fon oncle. Enfin Micipfa
l’adopta & l’inftitua fon héritier conjointement
avec fes deux fils.
Peu après Jugurtha fit tuer Hiempfal, & battit
Adherbal qui avoit pris les armes contre lui. Les
détails de ces guerres ne font pas de mon objet.
On fait qu’enfin Jugurtha, trahi par Bochus, fut
remis à jy l la , qui le conduifit à Matins, général
de l’armée romaine.
Devenus maîtres du pays par cette trahifon ;
les Romains ne réunirent pas en entier la Numidie
à leur empire. La partie limitrophe des Maures
fut donnée au roi Bochus , en récompenfe du
fervice qu’il avoit rendu, & nommée la nouvelle
Mauritanie. On en laiffa une autre portion a
Hiempfal I I , nommé par Appien Mandrcflal, fils
de Guluffa. Hiarbas, fils de Gauda, frère de
Jugurtha, y poffèdoit auffi cjuelque chofe. Juba I ,
fils d’HiemplalIl, fuccéda a fon père. Il prit parti
dans les guerres civiles contre Jules-Céfar qui,
l’ayant défait à la bataille de Thapfa , réunit toute
la Numidie à l’empire. Augufte rendit à fon fils
Juba I I , le royaume de fon père. Ptolemèe, fou
fils, fut fon fucceffeur. Après la mort de celui-ci,
la Numidie n’eut plus de rois & demeura réduite
en province romaine. Un Numide, nommé par
les Latins Tac-Farinas, s’en empara fous le règne
de Tibère; mais fon invafion n’eut pas de fuite.
N UM ID IA , vafte contrée d’Afrique, fur la côte
feptentrionale. Elle s’étendoir depuis l’Afrique
propre à l’eft ', jufqu’à la Mauritanie à l’oueft:
Il faut obferver, il eft v ra i, que la Mauritanie
étant moins étendue d’abord , comme pays , la
Numidie alloit jufqu’au fleuve Malua ou Motochalh.
Comme province romaine elle n’alla pas fi loin»
Ce pays répond an royaume d’Alger aéluel.