
Il mit fur la tête de Ilélius une couronne d’or
en prcfef.ce de toute l’armée, & lui donna cent
fcceuft pour reconnaître la valeur qu’il avoit fait
paroître dans ce liège.'
- Lélius porta cette grande nouvelle à Rome, avec
de grandes richeiTes.
Les confuls étant ahfens, on nomma un diélateur
pour préûder aux comices.
Le dictateur nomma les confuls.
545. Douze colonies romaines refufèrent lesfe-
cours d’hommes & d’argent qu’elles avoient accoutumé
de donner : le tréfor public étoit épuifé ;
le fénat eut recours à une épargne particulière,
qu’on appelloit oerarium vicefimarum, où l’on mettait
tous les ans la vingtième partie du revenu ;
on en tira quatre mille livres d’o r , ce qui faifoit
quatre cents mille écus, parce qu’il fàlloit entretenir
des armes en Sicile, en Sardaigne , en Italie,
en Efpagne, & fur mer.
Lès deux confuls ayant tiré au fort , Fabius alla
du côté de Tarente, & Fulvius mena fon armée
dans la Calabre.
Marcellus fut continué proconfùl, pour faire tête
à Annïbal ; il fe donna en fept jours trois batailles.
Dans la première, le combat fut égal ; dans la
fécondé, Marcellus, qui fut vaincu, perdit trois mille
hommes, deux tribuns de cavalerie & trois drapeaux.
Dans la troifième, Annibal perdit huit mille
hommes , cinq éiéphans & neuf enië'ignes.
Marcellus voulait donner une quatrième bataille ;
mais Annibal fe retira en diligence.
Fabius fe rendit maître de deux villes très-importantes
, Mandurie & Tarente, par l’intelligence
d’un capitaine bratien : il y eut treize mille personnes
de tuées dans cette prife, vingt-cinq mille des
habitans furent mis dans les fers , le fac en fut
donné aux fc-laats , à la réferve de l’or & de l’ar-
gètif • on y trouva quatre-vingt-trois mille pefant
d’o r , qui font huit millions trois cents mille écus
de notre monnoie , & encore plus d’argent.
546. M. Marcellus, T. Quintius Crifpinus, con-
fuls, donnèrent dans une embufcade que leur
dreiTa Annibal ; Marcellus fut tué , Crifpinus fe
fauva Ytout frleffé qu’il étoit.
Quoique Marcellus eut été le plus cruel ennemi
d’Annibal, il fit brûler fon corps avec pompe,
& envoya fes cendres à fon fils , dans un vafe
d’argent.
Crifpinus, avant que de mourir dé fes blefiures,
rendit un fervice considérable à l’état. De peur que
l’on n’abusât de fon cachet, il fit avertir les gouverneurs
des villes de la mort de Marcellus.
Annibal avoit écrit au nom de ce conful, aux
habitans de Sala p i , qu’il iroit coucher le lendemain
dans leur ville; ils y laiffèrent entrer fix
cents hommes qui furent égorgés, la herfe ayant
été abattue : ainSi la rafle tomba fur Annibal.
Jaunirai M. Valérius défit la flotte carthaginoife
de quatre-vingt galères, en coula quatorze à fond,1
en prit dix-huit, fit neuf cents prifonniers , mit les
autres en fuite, & ravagea la côte d’Afriqiie.
On créa un diéîateur pour préfider aux comices.-
Le di&ateur nomma les deux confuls.
547. Scipion, après avoir fait alliance avec Incli-
bilis & Mandonius, deux frères & deux princes très-
confidérables en Efpagne, & avoir attire à fon parti
Edefcon , qui étoit un grand capitaine, alla chercher
Afdrubal Barca, qui, craignant Scipion, n’ofa
fortir de fon camp ; le proconfùl le força, lui tua huit
mille hommes, fit neuf mille prifonniers ,& pilla
fon camp : parmi ces prifonniers, il y avoit quatre
mille Efpagnols , que Scipion renvoya fans rançon :
entre les prifonniers carthaginois , il fe trouva un
neveu de Mafliniffa, que Scipion renvoya à fon
oncle, avec fa fuite & fes équipages.
Les Efpagnols, touchés de la bonté de Scipion,'
lui voulurent donner le titre de roi ; il leur impofa
filence par un héros , & leur fit dir® que le
nom de roi étoit odieux aux Romains , qu’il étoit
gouverneur d’Efpagne, & ferviteur de la république.
Les Efpagnols, charmés de fa générofité,
déferlent , & abandonnent les Carthaginois pour
prendre le parti des Romains.
Les généraux carthaginois tiennent un confeil
fur l’état préfent de leurs affaires : il fut. réfolu.
qu’Afdmbal & Magon pafferoient en Afrique pour
y lever de nouvelles troupes, qu’Afdrubal Barca
pafferoit les Pyrénées, & leveroit des troupes
dans les Gaules, pour aller enfuite trouver ion
frère Annibal, en Italie,
Le fénat ordonna à Livius d’aller au-devant de
cette armée, & que Claudius Néro s’oppofât à
Annibal.
Annibal ayant appris que fort frère venoit
pour le joindre, fe mit en marche pour aller au-devant
de lui: Claudius Néro le rencontra : 011 fe
battit, & l’armée d’Annibal fritmife en déroute
il perdit quatre mille hommes: ne voulant rien ha-
farder davantage, il fe retira ; le préteur le pour-
fuivit, lui tua huit mille hommes , fit fept mille
prifonniers, prit quatre éiéphans & neuf enfeignes.
Afdmbal s’arrêta au fiège de Plaifance, qui ne
lui avoit pas voulu ouvrir fes portes ; il fut contraint
d’en lever le fiège.
Tous les couriers qu’Afdrubal envoyoit à fou'
frère , furent arrêtés : le conful Claudius , qui avoit
tout découvert par les lettres d’Afdrubal, réfolut
de le prévenir ; il prit fix mille hommes choifis
& douze-cents chevaux ; & ayant laiffé fon camp,
fous la conduite d’un de fes lieutenans, alla trouver
Livius fon collègue,. qu’il détermina à combattre
Afdrubal. Cette aétion , qui paroifioit téméraire *
réuifit par la valeur & la prudence des confuls 5
après un combat afiez rude , la vi&oire fe déclara
en faveur des Romains ; cinquante mille des ennemis
relièrent fur la place \ tout le refte fut pris
avec le bagage ; le pillage du camp fut donne a\ix
fo.\dats4
foldatsj Afdrubal fut du nombre des morts : on
délivra quatre cents prifonniers romains.
Il eft impoffible d’exprimer la joie que caufa cette
viétoire dans la ville de Rome, & le chagrin où
elle plongea les Carthaginois,-
Annibal refufa toutes fortes de conflolations. Il
voyoit par cette funefte bataille toutes fes efpé-
rances perdues; fon défefpoir alla jufqu’à le rendre
furieux. Etant revenu à lui, à la vue du trifte fpec-
tacle de la tête de fon frère, il dit: je ne doute
plus du malheur de Carthage.
Les deux confuls frirent reçus à Rome avec tous
lcs^pplaudifTemens imaginables ; Livius dans un
«har de triomphe, & Claudius à cheval, parce
qu’il avoit combattu dans la province de fon collègue.
Les Romains ne remportèrent pas feulement des
. vi&oires en Italie, mais aufli en Efpagne.
Afdrubal Gifcon & Magon étoient arrivés de
l’Afrique avec des troupes confidérables. Afdrubal
alla du côté de Cadix. Hannon, qui étoit réfté en
Efpagne, fe joignit à Magon, dans la réfolution de
ne fe point quitter : leur camp étoit éloigné d’une
lieue. Sillanus , que Scipion avoit détache avec un
corps de dix raille hommes de pied & de cinq cents
chevaux pour les obferver, entreprit d’enlever le
camp d’Hannon : l’attaquer, le forcer, le prendre,
fut la même chofe. Les Carthaginois s’enfuirent &
portèrent la terreur dans le camp de Magon. Il n’y
eut que quatre mille Celtibériens qui combattirent
en défefpérés, qui moururent tous en combattant,
Magon vint au lecours d’Hannon avec fon armée ;
mais comme elle n’étoit pas bien rangée, les Romains
la défirent, forcèrent le camp de Magon , &
en firent un carnage horrible. Il périt dans ces deux
combats quarante-un mille hommes. Il ne fe fauva
de ces deux armées que deux mille hommes.
Hannon fut pris dans le premier combat; Scipion
retournant à Rome, l’y mena avec les autres prifonniers.
Le fénat nomma M. Livius di&ateur, pour préfider
aux comices.
548. Afdrubal & Magon repayèrent en Afrique
pour y lever de nouvelles troupes, & revinrent
en Hifpanie avec vingt-deux mille hommes ; Maf-
finifla les joignit avec douze mille hommes , & les
alliés leur en fournirent fix mille.
Toutes ces troupes, jointes à celles qui leur
feftoient, fit que leur armée fe trouva compofée
de cinquante mille hommes de pied & de quatre
mille cinq cents chevaux.
Scipion étoit retourné en Efpagne; fon armée i
n’étoit compofée que de quarante-cinq mille combattons
: quoiqu’elle fût inférieure à celle des Carthaginois
, il ne refufa pas la bataille qu’ils lui pré- ;
fentèrent.
Le.combat ne dura que deux heures, une pluie :
furieufe fépara les deux armées; ce futlefalut des 1
Carthaginois, qui avoient déjà laiffé quatorze mille ;
morts fur le champ de bataille.
Géographie ancienne. Tome IL
Cette vi&oire fut caufe gu’Atanes, prince des
Turdétins, prit le parti des Romains.
Afdrubal & Magon voyant que tous les alliés les
abandonnoient, dans la crainte d’être livrés par eux
aux Romains, prirent la route de Cadix, s’embarquèrent
, abandonnèrent l’Efpagne, & s’en retournèrent
en Afrique.
Scipion ne fe contenta pas d’avoirjmis l ’Hifpanie
fous la puiflànce de la république , il crut qu’il
falloit faire fortir Annibal d’Italie pour donner la
tranquillité & la paix aux Romains ; ce qui ne fe
pouvoit faire qu’en portant la guerre en Afrique.
Pour y réufiir, il envoya Lelius avec de beaux
préfens à Syphax , roi de Numidie , afin de tâcher
de mettre ce prince dans l’alliance des Romains
comme il l’avoit promis aux deux Scipion.
Lelius revint afiez content de fa négociation r'
& dit à Scipion qu’il fàlloit qu’il y pafTât lui-même
pour terminer les chofes.
Scipion, après avoir laiffé Sillanus à Carthage la
neuve, Martius à Tarragone, entre lefquels il
avoit partagé fon armée, efeorté de deux galères
& accompagné de Lelius, fe rendit à la cour de
Syphax.
Scipion y trouva Afdrubal ; ils ne doutoient point
qu’ils n’y fùffent venus pour le même fujet. Us
dînèrent enfemble ; on s’entretint ; mais Syphax
ayant remarqué qu’il y avoit beaucoup plus d’honnêteté
& de politeffe dans le romain que dans le carthaginois,
fe déclara en faveur de Scipion.
Scipion étant revenu d’Afrique, affrégea Hiiturge,
qui avoit pris le parti des Carthaginois après la
mort des deux Scipion, & avoit égorgé la gar-
nifon ronfaine ; elle fut prife après avoir fouffert
cinq afîkuts , & fut réduite en cendres.
Caftulon évita fa mine en remettant Himilcon
& la garnifbn carthaginoife au pouvoir de Scipion.
Aftapa, ville de la B étique, frit afiîégée par les
Romains; fes habitans les haïffoient mortellement -
après avoir réfifié & combattu en lions, ils firent
un coup de défefpoir; ils élevèrent un grand bûcher
dans la principale placide leur ville, y mirent leurs
femmes & leurs enfàns; cinquante hommes, tenant
chacun un flambeau , qui s’y étoient engagés avec
ferment, mirent le feu dans la ville ; tout le refie
des habitans, après avoir ouvert les portes de la
place, fe jettèrent en défefpérés fur les Romains
& fe firent tous mer. Les Romains étant entrés
dans la ville, ce fpe&acle affreux les en fit fortir
aufli-tôt.
La maladie de Scipion caufa deux révoltes.
La première fut de huit mille Romains , qui
étoient au-delà de l’Ebre, fous la-conduite de deux
foldats, Calénus & Umbert. Ils firent des courfes
fur les alliés des Romains. Les deux capitaines de
ces fafrieux avoient eu la harclieffe de prendre le
titre de confuls, & de faire porter les fàifce-aux devant
eux.
Dès que Scipion frit rétabli, il alla contre ces
révoltés, qui d’abord mirent bas les armes; ik
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