
étoient moins des objets de luxe, que des marques
dülinaives de leur qualité. g ,
Cette fimplicité, jointe à une extreme fobriete,
donna aux Romains l’afpeft d’un peuple vertueux,
mioioue la chaleur du climat leur mfpirat des moeurs
voluptueufes, que la diftinffion des centimes leur
donnât l’amour des richeffes, & les débats du champ-
de-mars une ambition fans bornes.
Toutes les grandes places étoient annuelles ;
toutes impofoient l’obligation de les bien remplir,
afin d’en obtenir d’autres. Les états de la vie civile
n’étant pas partagés, le meme homme deve-
noit tour-à-tour militaire., magifhat, luiancier ,
pontife ; l’efprit s’exerçoit en tout genre, & s éten-
doit au lieu de fe rétrécir. . . . .
Peu d’hommes obtinrent deux fois le conlulat..
Mais ces hommes éprouvés ne paftoient point, en
fortant de ces grandes places, dans une retraite
bifive, obfcure & inutile. Us fervoient en qualité
de proconfuls, ou ils fiégeoient dans-le fenat; ils
y portoient toutes les lumières quils avoient acquîtes
dans une grande admimftration. .Us formèrent
le génie du fénat, geme a£hf, grand dan.
fes projets, fimple dans leur execution, perfé-
vèrant dans toutes fes entrepnfes, & qui ne: fe
livra jamais à de folles elperances, m a de faillies
terreurs. Aucun confeil d’état ne compta plus de
erands hommes parmi fes membres ; aucun ne ht
jamais autant de grandes chofes, & n acquit une
pareille célébrité.
Seconds. effets de cette conflitution.
Rem invincible dans les revers U réfulte fur-
tout de l’étonnant enfemble qui formoit la coni-
tution romaine, que les commotions intérieures n af-
foiblilfoient point fes forces, quelles ne 1 empêchèrent
point d’agir extérieurement; que tout ennemi
qui s’avança fur le territoire de R °me •
repoufle ; que tout ennemi que Ion attaqua iur le
fién, fut battu. . ,
l i s conquêtes de Rome furent moins 1 effet de
fes armes que de.fon régime; les dé&ites les plus
terribles ne purent l’abattre. , ,
Quand les Gaulois, cinquante ans apres h création
de la cenfure , gagnèrent la fàmeufe bataille
de l’Allia & brûlèrent la ville meme de Rome,
la république ne périt point. Les Romains nommèrent
Camille pour diftateur , dans la petite ville
d’Ardée, l’une de leurs colonies, ou Camille v e-
noit de fe réfugier, afin d’eviter le jugement du
peuple qu’il avok offenfé ,en s’oppofant a la loi
a8L ^ Gaulois furent exterminés (363). Le fénat
forma le grand projet de fermer lltahe auxbar-
bares du Nord, qui l’avoient déjà ravagée plufgirs
fois, avant la fondation de la république, &
exécuta ce projet, quoique Rome ne poffédat enc
o r e qu’une très-pedte poruon de Utalie.
JJ ne l’avoit pas encore toute coiiqnife,lorlquenvirori
160 ans après cette invafion {528) ; le fénat’
fi.it informé qu’une multitude de Gaulois avoit paffé
les Alpes , & menaçoit d’envahir l’Italie. Il confulta
les regiftres de toiles, tant ceux de Rome, que
ceux des colonies & de fes alliés. Il trouva fept
cents foixante mille hommes armés, exercés aux
mouvemens militaires ; car tout homme libre étoit
guerrier ; ilvleur commanda d’être prêts à marcher
au premier ordre; mais il ne les employa pas tous.
On ignoroit fi les Gaulois arriveroient par
l’orient ou par l’occident de l’Apennin, en côtoyant
la mer Adriatique ou la mer d’Etrurie. Le
fénat envoie le Conful Emilius Papus avec une
armée, pour garder la route qui borde l’Adriatique ;
& il avoit un préteur avec une armée, dans l’Etru-
rie, pour fermer les défilés de l’occident. ■
. Une troifième armée , compofée de montagnards
de l’Apennin , garde le nord de l’Italie & les dè-.
filés des montagnes.
Enfin il ordonne au conful Caïus Attilius, de
revenir de la Sardaigne avec fes trônpes. Ces
quatre armées étoient compofées de cent foixante
mille hommes. Une cinquième armée de cinquante-
trois mille-hommes, attendoit fous les murs de Rome«J
& fe tenoit prête à tout événement.
Les Gaulois n’avoient pas encore mis le pied
fur le territoire de Rome, que, par ces fages dilpo-
fitions, leur défaite étoit infaillible.
Le conful Emilius apprend qu’ils ont pris leur
route au travers de l’Etruriè ; il quitte les rives de
la mer Adriatique pour fe joindre au préteur. Il
trouve fon armée vaincue, mais non difperfee ;
il la réunit à la fienne. Les Gaulois reculent devant
lui ; ils rencontrèrent l’autre conful qui avoit débarqué
à Pife , & qui les cherchoit fur la route de
Rome. Les Gaulois, enfermés entre deux armées
confulaires, furent entièrement défaits ; leurs rois
périrent ; l’Italie fut entièrement délivrée.
Mais fi, par quelqu’événement impofîiblè prévoir,
les Gaulois euflent défait fuccefîiveraent ces
cinq armées, & maffacré les deux cents vingt mille
combattans dont elles étoient formées, le fenat
avoit encore plus de cinq cents mille hommes a
leur oppofer. Avec un tel ordre, on eft invincible«
La prife même de la capitale] n’eft qu’un accident
facile à réparer.
Depuis cette défaite, dans le cours de fept ©u(.
huit cents ans, toutes les fois que les Barbares fe
préfentèrent pour entrer en Italie , les Romains
leur en fermèrent exa&ement les pafiagés. Tite-
Live nous apprend que le fénat fit détendre aux
chefs des Gaulois de fouffrir que leurs ordes. entraient
en Italie, &que cès chefs refpeaèrent ces
ordres,
Pyrrhus, appelé par les Tarentins ( 473 ) »
gagna vainement deux grandes batailles fur les
Romains, & les effraya par fes éléphans, animaux
inconnus en Italie ; tout ce qu’il put faire avec fa
valeur & tout l’art de la Grèce, ce fut de fe
maintenir contre eux pendant deux années. Rome
apprit
Ifcgprit de lui à drefier un camp ; elle en devînt
plus habile & plus redoutable.
Annibal, qui fouieva contre elle les peuples du
midi, du couchant & du nord ; qui forma un
projet fi audacieux, qu’à Rome on refufa de le
croire ; Annibal, qui gagna fi rapidement les batailles
du Teflin, de la Trébie & de Trafimene ; qui eut
le génie de fiibfiffer pendant quinze années en
Italie, au milieu de toutes les forces de Rome,.
ne parvint pas à mettre la république dans un
danger réel. Il eût pris Rome, qu’il ne l’eut pas
plus détruite que les Gaulois. '
La perte de la bataille de Cannes effraya beaucoup
le peuple de Rome. ; mais on v o it , par la
conduite du f é n a t q u ’il n’eut aucune véritable
crainte , qu’il connoiffoit toutes fes refiources, qu’il
n’ignoroit pas que fi Annibal fe vantoit de lui
'avoir tué deux cents mille foldats, & de lui en
avoir pris cinquante mille, Rome , fes colonies .&
fes alliés , en avoient encore cinq cents mille,
puifque , dix ans auparavant, ils en avoient compté
fept cents mille tout prêts à combattre les Gaulois.
Le fénat avoit fept ou huit armées en a&ivité ;
une qui fermoir le nord de l’Italie aux Barbares ;
une qui fuivoit par-tout Annibal ; une en Sicile,
qui prenoit Syracufe & enlevôjt cette île aux
Carthaginois ; une autre qui fo'umettôit la Sardaigne ;
une cinquième en Efpagne, qui, après avoir éprouvé
les plus grandes défaites, & perdu fes généraux, les
■ deux Scipion, triompha de tous les rois efpagnols
fous un troifième Scipion ; une fixième en Afrique,
qui forçoit les rois alliés dè Carthage à fépârer leurs
intérêts des fiens ; une feptième fur fes flottes,
qui demeuroient maîtrefles de la mer : & non-feulement
le fénat ne rappelle jamais en Italie une
feule de fes armées, mais encore il en envoya
une huitième en Etolie, attaquer Philippe , roi de
Macédoine, qui avoit tenté de donner quelques
fecours à Annibal.
Le fénat, malgré le nombre de batailles qu’il
perdit en Italie , en Efpagne , en Lombardie ,
manqua fi peu de refiources, qu’il recruta & qu’il
pourvut toujours abondamment fes armées & fes
flottes ; qu’il refufa de racheter les prifonniers, dont
la garde èmbarrafîoit Annibal, & dont la rançon lui
auroit été beaucoup plus néçeflaire. Il eft vrai que
le nombre des citoyens étant beaucoup diminué
par tant de pertes, le fénat arma les efclaves &
fix mille hommes détenus dans les prifons, foit
pour leurs dettes, foit pour leurs crimes. Il vainquit
, & de fes efclaves vainqueurs, il recruta le
nombre de fes citoyens.
Dans des périls auflî prefîàns, où les moindres
délais font des pertes réelles, le fénat, fans l’ordre
établi par les cenfeurs , fans la connoifiance la plus
précife des . forces de la république., eût manqué
de refiources, ou n’eût pu les trouver au moment
où elles-étoient les .plus nécefiaires ; il eût agi avec
incertitude ; fes démarches fe feroieni contredites
& contrariée ; là terreur auroit égaré les efprits ;
Giograplmmanûauit. Tome II.
les àrihées mal pourvues n’auroient pu fe maintenir ;
l’état auroit péri; on auroit fait une paix honteufe,
après fa voir mendiée long-temps.
Les comices prévinrent tous ces maux, en ne
. nommant prefque jamais aux grandes places que
de grands hommes.
Troifihncs effets de cette conflitution.
Rome fubjugué toutes les nations policées, dompte ou
contient les' Barbares. Pendant cette fécondé gueffô
punique, fi féconde en grands événemens, & fi
meurtrière qu’il y périt plus de rois, de confuls,
de généraux, de coramandans en chef, qu’il n’en a
péri, je crois , dans aucune autre guerre depuis ce
temps-la, jufqü’à nos jours ; pendant qu’Annibal,
dis - j e , glorieux de tant de viéfoires , étoit
encore en Italie, Marcellus prit Syracufe ( 540 ) ,
& fiibjugua la Sicile ; Scipion, i’Efpagne & la
'Numidie ( 5^0), dont le roi Syphax , qu’il fit
prisonnier, fut conduit en triomphe à Rome devant
1 fon char.
Bientôt après cette guerre , fon frère Scipion j
fous lequel il fer vit-en qualité de lieutenant, vainqueur.
d’Antiochus & de la Syrie ( 563 ) , traîna
en triomphé, aux yeux des Romains , trente-deux
généraux ou gouverneurs de provinces pris à ce
roi ; les Romains étonnés, le fumommèrent l'Afia-
tique, comme ils avoient furnommé fon frère,
VAfricain. Le fénat, qui avoit défendu aux Barbares
du nord d’entrer en Italie, défendit aux rois de
l’Afie de pafier en Europe, & il mit, pour àinfi
dire, tout le midi de 'cette partie du monde, fous
le bouclier de la république.
Lucius Anicius conquit l’Illyrie ( 584 ) , §C con-
duifit à Rome , en triomphe , le roi Gen.tius , avec
fa foeur, fes enfans, fon frère & toute la cour.
Paul Emile envahit l’Epire & la Macédoine
( 586 ). A fon retour à Rome, il fit marcher devant
fon char cinquante mille' prifonniers & leur roi
Perfée, & fon frère, & fes deux fils , & fa fille
& fes miniftres , & tous les grands de fon empire,
gardant entre eux , dans une cérémonie fi triffe ,
les rangs qu’ils avoient occupés à la cour de ce
monarque. .
Le fils de Paul Emile, furnommé le Macédonique,
. adopté par Scipion l’Africain, fut ce fameux Scipion
qui détruifit Carthage ( 606 ) & Numance.
Mirmmius difiipa la ligue des Achéens, détruifit
Corinthe ( 607 & acheva de fouméttre la Grèce
à l’aigle romaine,1
Un petit-fils de Paul Emile, Fabius Mâximus
adopté dans la famille de ce Fabius Cunâlator, qui
avoit fauvé la république de la fureur d’Annibal ;
Fabius Maximus combattit les Barbares au nord de
Tltalie (63 4), défit les Allob/oges, pénétra dans les
Gaules, & traîna.dans Rome 5>à fon char, des rois,
ou plutôt des chefs de l’un & de l’autre de ces
peuples.
A a a a à