
premier récit a-quelques autres, concernant les
Lombards, on voit cette nation s’avancer toujours
à pas lent du nord-oueft de la Germanie , vers
Vltalie. Sous Augufte on là trouve au nord, fur
là rive gauche de l'Elbe.'Il eft probable qu’elle
venoit de la Scandinavie. Sous Tibère, & les empereurs
fuivans, ils Ôtoient établis fur l’Elbe & fur
l ’Oder. Sous Marc-Aurele on les vit chercher à
s’établir au-delà, tendant toujours à fe fixer dans
les parties plus méridionales; fous l’empire de
Juftinien , elle étoit paffée dans la' Pannonie; &
fous Juftin II elle fe fixa en Italie.
Ce foible apperçu eft puifé dans les auteurs
anciens. Il s’offre une difficulté, c’eft que quelques
auteurs du moyen âge, & Paul Diacre en particulier
,repréfen tendes Lombards comme fortant
de la Scandinavie; il les fuit jufqu’i f leur paffage
en- Italie. M. Gaillard , quoiqu’avec quelque peine,
admet que ces peuples auroient pu, depuis leurs
premières courfes, retourner vers le nord, d’où
ils feroient revenus enfuite. Ne pourroit-on pas
croire auffi que cet hiftorien rapproche les temps ,
& qu’il raconte en effet ce qui eft arrivé aux
Lombards, mais l’attribue à des époques plus rapprochées
entre elles ? Quoi qu’il en fort, voyons
ce que leur hiftorien en rapporte.
Selon Paul Diacre, les Winiles, appelés depuis
Lombards, s’étoient tellement multipliés dans le
canton de la Scandinavie , qu’ils habitoient, que
c e canton ne pouvoit plus les contenir. On a vu
au mot Hdvetïi, qu’il en fut de même des Suiffes,
au temps de Céfar. Et dans ces circonftances ,
1 ufage de ces peuples , qui ne fe livroient pas à la
culture des terres, étoit de fe jeter fur les terres de
leurs v-oifins, ou d’aller chercher de grands établiffe-
mens ailleurs. Les Lombards en firent autant dans
cette circonftance.La nation fe partagea en trois parties
, une d’elles, indiquée par le fo r t, devoit aller
chercher à fe placer ailleurs ; Ibor & A y o en
furent les chefs.
J’avoue que les pays où Paul Diacre faitpaffer les
Lombards , exigeroient, pour être indiqués avec
précifion , plus de recherches que je ne puis en entreprendre
en ce moment ( i) . Selon cet hiftorien
,.les Lombards Entrèrent d’abord dans un pays
appelé Scoringa : ils y battirent les Wandales.
Mais la faim produifit fur eux l’effet que les Wan-
dales avoient efpéré dé leurs armes. Les Lombards
paffèrent dans le pays appelé Maufinga. Les Affi-
pittes, nation nombreuie, entreprirent de leur
refufer le p»ffage. Mais par un ftratagême qui ne
pouvoit réuffir qu’entre des peuples auffi igno-
rans, ils parvinrent à éviter le combat (2) : le
(?) **e favant Leibnitz conjefture que !a Tauringie
étoit fur le bord de la mer, comme les Murini, YArmo-
*rica, &c. Ce feroit donc la Poméranie.
• (a) Ils firent répandre le bruit qu’ils avoient avec eux
des monltres a tête de chiens, ou cynocéphales, qui
«evoroient leurs ennemis.
fort <les deux armées fut remis à deux champions *
celui des*lombards étoit un efclave il fut vainqueur.
Non-feulement il eut fa liberté, mais tous
les autres efclaves l’eurent de même.
De la Mauringie lès Lombards paffèrem dans
• ^ °ù ils s’arrêtèrent quelque temps,
-ibor & A y o moururent.
Angelmond, fils d’A y o , fut-le premier roi'des
Lombards ; ils régna 33 ans. Les événcmens que
raconte enfuite Paul Diacre , tiennent trop du
merveilleux pour devoir trouver place ici. Je
dirai feulement que les Lombards, arrivés au bord
d un fleuve , que l’on conjecture être le Danube,
le paffèrent & fe livrèrent à une fécurité dan-
gereufe. Ils furent furpris & taillés en pièces par
les Bulgares. Cependant, harangués , par leur
roi Lamiffio, ils remportèrent fur les Bulgares
wne grande viétoire.
Les Lombards s’établirent enfuite dans le pays
des Rugiens , défaits par Odoacre, roi d’Italie :
on croit que ce pays répondoit à la Moravie & à
l’Autriche. Après y avoir demeuré quelque temps,
ils paffèrent dans de grandes plaines, plus éloignées
du Danube , où ils relièrent trois ans , après
lefquels la guerre s’alluma entre eux & les Hé-
rules.
Ce fu t, félon Prqçope, la troifième année de^
1 empire d’Anafthafe, q,ue l’on fait être l’an 393
de J. C , ainfi, ils avoient demeuré trois ans dans
te pays des Rugiens, dont la deftruCtion eft de
l’an 487 ; & dans ce Court efpace de 497 à 493 ,
ils avoient perdu deux rois, Gedehoc & Clâffo
fon fils ; c’étoit Tato , fils de Claffo , qui étoit roi
des Lombards, lorfqu’ils firent la guerre aux
Herules.
Paul Diacre & Procope racontent diverfement
la caufe de cette guerre : ce font des difcuffîons
hors de mon objet. Ces Hérules n’étoient pas
ceux d’Italie , mais une portion de la même Nation
, demeurée en Germanie ; tes Lombards tes
battirent. Ils obtinrent de l’empereur Juftinien de
s’établir en Pannonie , avec de grandes fommes
d’argent, mais à la condition de faire la guerre
aux Gépides ; Turifmond,fils du roi des Gépides,
ayant été tué dansJe fort de la mêlée par Alboiu ,
fils du roi des Lombards , ces derniers remporté-,
rent une viâoiwe mémorable.
Alboin , devenu roi de la Nation, vainquit tes
Gépides (3)-
Alboin avoir époufé Clodefinde, fille de Clotaire
I , roi de France : il époufa enfuite Rofe-
monde , fille du roi des Gépides.
La puiffànce & la richefle des Lombards, accrues
par la ruine des Gépides, tes diftinguèrenc
alors avantageufement de toutes les nations Germaniques
: la gloire de leur roi étoit célébrée par
(3) On fait qu’Alboin fit faire une coupe avec le crâne
de Cunimond, leur roi, & fit boire dans cette coupe
Rofemonde, fille de Cunimond.
les Bordes de toutes tes hâtions : leur ambition
s’accroifleit avec leurs fuccès, menaçoit déjà l’Empire
; il falloir aux Lombards de plus grands éta-
bliffemens & de plus grands ennemis ; tout annon-
çoit de lewr part la fondation prochaine d’un grand
État. Ils fondèrent eji effet un grand royaume en
Italie.
IL L’opinion la plus généralement reçue, c’eft
que Narfès, eunuque Perfan, & général des troupes
de l’empereur G rçe , ayant été difgracié par
Juftin, appela les Lombards en Italie. Des fa-
vans ont attaqué cette opinion. Le fait importe
peu à leur hiftoire & à leur réputation. Un peuple
conquérant trouve difficilement une place aux-
yeux de la raifon, & croit n’en avoir pas befoin.
Avant d’abandonner entièrement la Pannonie
, pour la conquête, encore incertaine, de
l ’Italie , Alboin ne la- céda aux Huns qu’à
la condition d’y pouvoir rentrer s’il échouoit dans
fon entreprife. Il n’éprouva pas combien peut-
être il lui eût été difficile d’exiger l’exécution de ce
traité.
Arrivés fur les hautes montagnes qui jabornent
l’Italie au nord , il s’affermit de nouveau dans fon
deffein, & descendit dans l’Italie , dont il s’empara.
Il en donna le gouvernement à fon neveu Gi-
fulphe. Il avoit dans fon armée, non-feulement
les Lombards ,mais auffi des Gépides, des Bulgares,
des Sarmates, &c. nations féroces , prefque (ans
loix & fans religion. Auffi commirent-ils les plus
grands excès.
Tout plia devant Alboin.Quelques évêques s’enfuirent
avec leurs tréfors ; d’autres implorèrent fa
générofité, fe fournirent à lu i, & furent confirmés
dans tous les avantages de leurs fièges. La
Yenetie , Milan, la Ligurie, furent bientôt fous
fon obéiffance.
Pavie, l’ancienne Ticinum, entreprit de Taire
réfiftance ; Alboin en fit 1e fiège avec une partie
de fon armée , pendant que l’autre, difperfée en
différens pelotons , parcouroit les campagnes &
foumettoit des Places. Pavie ne fut prife qu’aprês
trois ans de fiège. Le vainqueur y donna des
^ preuves de clémence & de bonté. Il y fixa 1e
liège de fa puiffànce ; il eftl reconnu pour 1e
premier roi des Lombards. Mais peu après, fa
Femme Rofemonde outragée de la barbarie d’A lboin
, qui l’avoit forcée de boire dans le crâne
de fon père, trama contre lui une conjuration,
& l e fit poignarder. Les détails de cet événement
& de ceux qui fuivirent, ne font pas de mon
objet.
Alboin ne laiffoit pas d’enfans mâles ; les Lombards
affemblés à Pavie,élurent Cleph pour roi.Son
règne fut violent & injufte.il mourut affaffiné.
Il y eut un interrègne. de dix ans, pendant
lequel trente ou trente-cinq ducs divifèrent l’Etat
entr’eux : chacun fe rendit fouverain du pays
dont il étoit gouverneur. Mais leurs troupes exercèrent
par-tout des ades de cruauté & de vio-.
Jence atroces. Les Lombards firent des excur-
fions en France, dans les états de Contran, duc
de Bourgogne. Heureux dans la première entreprife,
ils furent battus & défaits dans les fui-
vantes.
Il y avoir dix ans que duroient ces guerres
ces 'aivifions, lorfque les Lombards prirent le«
parti de fe renfermer en un reut royaume. C ’étoit
affùrer leur puiffànce en refferrant leurs forces J
mais les prétentions des ducs, amena le gouvernement
féodal.
Sans craindre de commettre une grande erreue
en chronologie, on peut fixer le commencement
du règne d’Alboin à l’an 569, & fa mort à l’an 573*,
La puiffànce des Lomhards s’accrut confîdéra-
blèment en Italie. Ils continuèrent d’avoir , ait
moins par intervalle , guerre avec les rois de
France. On les vit même fous Clotaire I I , racheter
une redevance annuelle , à laquelle ils avoient
été affujettis.
J’abrégerai le récit des faits. Il fuffit, je crois ,
de favoir que vers l’an 730, la ville de Rome
& l’Exarchat s’étant foulevés contré l’empereur
& fon fils , qui voûtaient introduire l’héréfie
des Ichonôclaftes, formèrent une république, donç
le pape devoit être le chef : Luitprandr dix-neu*
vième roi des Lombards, fongeant à profiter d’une
conjon&ure fi favorable , pour étendre fes Etars f
fe rendit maître de quatre'villes, fituées dans le
duché de Rome. Le pape alors implora 1e fecours
de Charles Martel, dont l’afcendant fut tel en
cétte occafion, qu’il détermina Luitprand à rendre
ce qu’il avoit pris.
Mais fes fucceffeurs ravagèrent les terres du S.
Siège. Aftolphe , vingt-deuxième roi Lombard ,
fubjugua & ufurpa tous les états qui compofoient
cette petite république : il eût même pris Rome
qu’il tenoit affiégée, fi le pape Zacharie n’eût eu
recours à Pépin, devenu roi de France. Ce prince
employa d’abord la négociation pour engager
Aftolphe à rendre ce qu’il avoit ufurpé. Etienne,
fucceffeur de Zacharie, renouvela fes prières auprès
de Pépin, qui paffa en Italie avec une forte
armée, en 754. Il contraignit tes Lombards à
rendre à la république romaine ce qu’ils avoient
pris.
Pépin revint en France, & Aftolphe ne tint
pas (es promeffes. Le pape fe plaignit de nouveau
, &. de nouveau auffi Pépin repafljiles Alpes.
11 battit Aftolphe, & conquit fur lui l’Exarchat,
dont il fit donation au S? Siège.
Didier, duc de Tofcane, foutenu du crédîtdu
pape Etienne, s’empara du royaume de Lombardie
; & en fut 1e vingt-troifième & dernier roi. Il
voulut recouvrer tes biens enlevés à fon prédécef^
fenr. Ce n’étoit plus Pépin, c’étoit Charlemagne qui
régnoit en France. Il fut appelé par le pape. Il
vola à fon fecours, affiégea Didier dans Pavie 9
1e fit prifonnier, & mit fin à l’tmpire des Lom*
bards.
O p i