
point faire de traité ; & , malgré les pleurs de fa
famille, lés prières de fës âmis, & les regrets de
tout îe peuple, il retourna à Carthage ôù u expira
dans les fupplices ( i) .
Pendant les trois dernières àrinées de ce fîè-
ële, les Romains remportèrent encore de grandes
vi&oires fur les Carthaginois, foit en Afrique , foit
en Sicile. Us n’en -tirèrent cependant d’aüû'e avantage
que d’avoir affoibli leur ennemi. Tout le butin
dont ils s’étoient emparés fut perdu en deux
occàfions différentes. La première , dans une tempête
qui engloutit une flotte de 400 navires, dont
il n’échappa que vingt bâtiraens ; ;la fécondé, un
an après, qu’un même événement fit périr une flotte
de deux cens foixante navires. Ces malheurs alarmèrent
la fiiperffition des Romains. Us crurent que
lès dieux leur refufoient l’empire de la mer : on
réfolut en conféquènce de né plus équiper que
foixante vaiffeàux defiinés à garder les côtes dé
l'Italie, & à trànfporter des troupes en Sicile. Dans
le v rai, c’eft que moins habiles dans l’art de la
navigation y que courageux dans les combats, ils
réuflîffoient, tant qu’il ne falïoit que de la valeur,
& écHouoient, quand il falloir obtenir des • fecours
de l’art. On ne fut pas long-temps fans éprouver
les fuites de ce décrenrès-fâcheux pour un peuple
dont il contrarioit fi dire&ement les maximes politiques.
Pendant lès années 501 & 502 , il ne fe pâffa
de remarquable que la prife d’Himère en Sicile,
& de Lipure, île voifine. Les Romains, qui n’avoîént
qu’une fort petite flotte, furent obligés , après s’être
emparés de ces deux îles, de fe tènir fur la défen-
five. Ils s-’apperçurent bientôt combien cette conduite
leur devenoit préjudiciable , & fur la fin de
502 , il fut réfoin que l’on mettroit en mer une
flotte capable de réfuter à celle des Carthaginois.
Vers ce même temps le fouverain pontificat q u i,
jufqu’alors, avôit appartenu aux feiils patriciens ;
fut accordé à un plébéien d’une grande probité ,
ce fut Tib. Coruncanius.
Lès préparatifs des années précédentes ne furent
pas inütiles.; Les Romains ( 503 ) ga'gnèrènt la
bataille de Panorme , dans laquelle les Carthaginois
perdirent .vingt mille hommes , & cent quarante
éléphans. Ils affiégèrent aufli-tôt Libybée, qui ternit
pour les Carthaginois. Cçux-ci trouvèrent
(2) Je. vais ajouter ici une note à lutage, de ceux
qui exaltent avec excès ces temps reculés , & la grandeur
des Romains : combièn l’antiquité étoit féroce,
& qu’il y a loin de ces Romains infa'tiàblès , voulant
toujours battre, toujours conquérir, à ce peuple fàge,
& vraiment philosophe , q u i, devenu le plus fort de
l’Europe, annonce qu’i l . abandonne toutefpritde conquêtes.
Les Carthaginois firent fouffrir des tourmeùs horribles
à Régulas. A Rome , ïa, femme Marcia obtint
qu’on lui livrerait les prifonnxers les plus diftingués :
elle leur fit fouffrir dés tourméns fi horribles, que le
fédât Tüi-même en eût pitié, &. fît céffer ces craite-
neos barbares,
tiïoy'èfi. d’y-faire paffer dû fecours ; & la garaifon l
dans une fortie, prûla tous les hïa'gaflhs dès àifié-
geans.
L’année fui vante ( 504) fut malhèureiife. Le co'n-
ful Claudius Piilchér perdit dans une bataille cent
gàlôfe§, qui furent, ou coulées à fond, Su pfîl'es
par l’ênnemi. Une autre flotté commandée par lé
confiai, périt auffi contre les rochers. Le confiai Junius,
pour réparer cette perte, s’empara d’Eryx en Sicile ,
& fit cohfiruire un fort aù pied de la montagne .
de ce nom. Cathalon , général Carthaginois , allié—
2ea & prit ce fort: il en fit paffer la gârnifon au
ni de 1 epee. Le conful ne put furvivre à ce malheur :
il fè tuâ de défefpoir. On nomma alors à Rente
un dictateur, qui, pour la première fois , étendit*
ion autorité hors de l’Italie : il ne fit rien de remarquable.
Cés pertes àffbiblirent beaucoup les Romains,
qui furent quelque temps à s’en relever. D’ailleurs,
( 5? 5.) » Carrhage, leur avoit oppoféfon meillëur
capitaine : c’étôit Amilcar, père du fameux Anni-
Bai. Cependant, pour fortifier promptement leur marine
, ils permirent aux patriciens d’armçr dés vaîf-
fëaux en leur nom. Cés efforts leur procurèrent,
a la vérité, quelques avantagés; mais une partie de
cette flotte fut encore engloutie par les eaux.
Quelques années fè paffèrent de la même manière
; ôc les Carthaginois confervoient la même
fupérioricé. Ils venoient ( de prendre Eryx,
Lés Romains avoit abandonne le fiège de P ré pane
, pour s’attacher uniquement à celui de Lil-
lybée, qui n’en alloit pas mieux. Comme ils n’ étoient
pa^ accoutumés à des revers âuflî trilles, ils s'armèrent
d’un nouveau courage. De leur côté, les
Carthaginois, pour ne rien perdre de leurs fuccès
aéluels, .firent partir une flotte de 400 bâtimens. Il
fe donna entre eux une célèbre bataille, où les
Romains ( 5 1 1 ), fous la conduite de Lutatiüs, remportèrent
une viéfoire complète. Enfin, Amilcar
preffe de plus eh plus, reçut de la république
plein pouvoir de traiter avec lés Romains des articles
delà paix. Elle fut arretée aux conditions fuivantes :
u Que lés Carthaginois âbàndohnèrôieht aux Ro-
” mains , Lillÿbée , prépahe , E ry x , 8c tout cè
” qui pouvoit leur reflet en Sicile ; qu'ils leur cé-
» défoiént lèurs prifôhniérs fans rançon ; .paieraient
>» une fbmme convenue pour lés fiais de la guerre,
% & qu’ils s’abfliendroient de toute hoflilité contre le
b roi de Sÿracijfe & Tes alliés ».
Les deux peuplés s’engagèrent de plus, par un
ferment folemnel, à pbférver exa&ement tous cés âr-
ticles ( 502 ).-La guerre avoit duré vingt-trois ans.
Lés Falifques fe révoltèrent & furent défaits dans
'deux combats. Ils s’en remirent à la bonhe-foi
dés Romains., qui àbûfèrerit de çét â&e de confiance
, en, fajfant rafer Falère, capitale fies Fa-
Bfquès, & , félon eux ,'fituée trop avaritageufement.
On crut Savoir fait affez pdnr la juflice, en leur permettant
dten bâtir une âtitre dans la plaine. Dans
le même temps, le Tibre déborda, 6c caiïfa de grand s
lavages
f&VSgës. Ün incendie , peu après fi.it encore
plus funefle. Coecilius Métellus eut la hardieffe de
paffer au travers dù fleuve , & de fauver le Palladium
enfermé dans le temple de Vefta.
Les Romains n’eurent pas plutôt fait la paix avec
les Carthaginois ( 515) , qu’ils furent obligés de
prendre les armes Contre les Gaulois Boïens 8c
contre les Liguriens, qui, pendant la guerre précédente,
avoient fait des incurfions fur les terres de
la république. Les derniers fur-tout donnèrent beaucoup
de peine à vaincre, à caufe des cavernes &
des rochers dontle pays qu’ils habitoient efl: rempli.
On trouva cependant moyen de les en faire
fordr ; & ils furent battus en pleine campagne par
Semponius. Il y eut auffi ( 5 4 7 )'quelques mou-
vemens,en Sardaigne & en Corfe ; mais ils n’eurent
. pas de fuite..
5 (5 18 ) On ferma le temple de Janus: c’étoitla
première fois, depuis que Numa l’avoit .fait bâtir.
• L’année fuivante (5 19 ) , la guerre recommença
contre les Liguriens, qui furent vaincus par Fabius,
furnommé depuis Maximus. On établit des centum-
virs, 8c la défaite des Sardes par Pomponius & Pa-
pirius, donna quelques inftans de repos.
Cette tranquillité fut d’abord interrompue ( 523 )
par la guerre contre les Illyriens. Ce peuple, devenu
plus audacieux à la fuite de quelque fuccès
contre lesEtoliens, avoit ofé attaquer les vaiffeaux
de la république. On envoya des ambaffadeurs pour
demander les bâtimens dont ils s’étoient emparés;
mais Tenta, reins du pays, fit fecrètement maiTacrer
ces ambafTa’te’srs • le conful Q. Fulvius Centumalus
(524) partit pour tirer vengeance de cet outrage. Le
fuccès répondit à la bonté de la caufe. Teuta ( 5 2 ) )
céda la régence de l’état, qu’elle gouvernoit au nom
du jeune Pinée,fon pupille, à Démétrius de Pharos,
qui l’avoit trahie pour paffer du côté des Romains.
Dans cet arrangement, les intérêts des Romains
ne furent pas oubliés. Le jeune prince perdit une
partie de fes états, & s’engagea à payer un tribut
T^y.tel à la république. La mauvaife conduite de
Teuta avoit attiré fur lui ce premier malheur ; l’ingratitude
de Démétrius lui en attira un fécond. Ce
prince, oubliant ce qu’il devoit aux Romains, ravagea
plufieurs villes qui relevoient d’eux. On vint
auffi-tôt mettre le fiége devant fa capitale. Il trouva le
moyen de s’échapper, & Pinée paya encore une
fois pour des fautes qu’il n’avoit pas commifes ,
& qu’il n’avoit pu empêcher : on Je chargea d’un,
nouveau tribut.
Cette guerre fut fuivie d’une autre ( 527) contre
les Gaulois Infubriens, qui habitoient aux environs
de Mediolanum, appelée depuis Milan. Secourus par
les Géfates, autre peuple Gaulois, ils entrèrent
dans l’Etrurie avec une armée de foixahte-dix mille
hommes. Les commencemens leur furent affez favorables.
Ils battirent ( 528 ) le pr©confiai, 8c remportèrent
de riches dépouillés ; mais, dans le temps
qu’ils ne penfoient qu’à s’en retourner avec leur
butin, le conful Attilius les prit en tête & Emir
Qéoÿraphit ancienne^ Tome II.
fins ert queue, en forte qu’ils fe trouvèrent entourés
de tous côtés : quarante mille refièrent fur la
place. On continua encore quelque temps la guerre
contre ces peuples, & toujours avec avantage,
jufqu’à ce qu’enfin le commandement des troupes
ayant été donné à Marcellus, il tua Viridomare
(531 ) .lent: roi, dans tin combat d’homme à homme
donné au milieu du champ de bataillé, entre les
deux armées. La mort de ce prince entraîna la défaite
de fes troupes & la rédu&ion des Infubriens.-
Le pays (532 ) devint une province romaine. L’année.
fi\iva.nie, les Ifiriens furent vaincus & fournis.
Il s’éleva peu après ( 535 ) , une autre guerre bien
plus confidérable : ce fut la fécondé guerre punique
, qui défola l’Italie pendant dix-huit ans.
Depuis la paix faite avec les Romains, les Carthaginois
s’étoient bien fortifiés fur mer & dans la
, plus grande partie de l’Hifpanie. Cependant il étoit
porté dans les articles , qu’ils n’^vanceroient pas
dans- ce pays au-delà de l’Ebre. Mais leur ltaine
l’emporta fur la religion du ferment.
Ânnibâl, qui étoit. en Hifpanie à la tête d’une
forte armée, fous: un prétexte qui cachoit en apparence
fa mauvaife fo i , mit le fiège devant Sa-
gonte, ville alliée des Romains. Ils en furent
bientôt informés ; mais pour ne pas paroître
rompre le traité en recourant aux armes, ils envoyèrent
une ambaflade à Cartilage., demander raifort
de l’infraétion au traité. On peut raifoanable-
ment fuppofer une caufe politique ; car , outre que
la juftice & la bonne-foi voukfient que l’on courût
d’abord au fecours des alliés, les Romains n’étoient
pas en général fi délicats , lorfque leur intérêt
néceflitoit une infra&ion. Cependant les Sagontins^
preffés par la famine & par le fer de l’ennemi,
attendant, mais inutilement, du fecours, fe livrèrent
à leur défefpoir. Pendant qu’Annibal rorçoit
leurs portes, ils mirent le feu à leur v ille, & f©
jettèrent au milieu des flammes avec toutes leurs
richeffes.
Comme les ambaffadeurs qui étoient allés à Carthage
ne reeev.oiènt pas de réponfe qui les fatisfît,
Fabius, l’ùnd’eux, prenant un coin de fa robe:
u que de délais ! dit-il aux fénateurs ; je porte
» ici la paix ou la guerre: que choififfez-vous ? —
» La guerre. — El; bien ! foit, vous l’aurez ». Auffi-
tôt il fecoua fa «obe, & fortit du fénat.
Après la prife de Sagonte, Annibal traverfa les1
Pyrénées, remonta le long du Rhône , paffa ce
fleuve à. quelque diftance de Vienne; & , après
bien des fatigues , il arriva enfin en Italie, au-delà
des Alpes. Le conful Scipion, père de celui qui
fut furnommé l’Africain, avoit ordre d’aller s’oppofer
à Annibal en Hifpanie : prévenu par fa, diligence ,
il vint le joindre fur les bords du Ticinus ou Téfin,
Il s’y donna ( 535) un fanglant combat , qui,
à proprement parler, étoit plutôt une rencontre
qu’une bataille. Les Romains y eurent tout le dé-
favaoGige; & le confiai eût même péri dans cette