
agirent fur l’Ifter comme il agit a&ueîîemerit
lur le Nil.
J’ai dit qu’on ne fentoit jamais de vents frais
fur le fleuve , & je penfe qu’il eft contre toute
vraifemblance qu’il pniffe en venir d’un climat
chaud, parce qu’ils ont coutume de fouffler d’un
pays froid: quoiqu’il en foit, biffons les chofes
comme elles fo n t, & comme elles ont été de
tout temps. '
De tous les Egyptiens, les Libyens & les
Grecs avec qui je me fuis entretenu , aucun ne
fe flattoit de connoîrre les fources du N il, fi ce
n’eft le garde des tréfors facrés de Minerve, à Sais
en Egypte. Je crus néanmoins qu’il plaifantoit,
quand il m’affura qu’il en avoit une connoif-
fance certaine. Il me dit qu’entre Syène,. dans la
Thébaïde. & Eléphantine, il y avoit deux montagnes
dont les Commets fe terminoient en pointe ;
que l’une de ces montagnes s’appeloit Crophi,
8c l’autre Mophi. Les fources du Nil qui font
de profonds abymes, fortoient, difoit-il »du milieu
de ces montagnes : la moitié de leurs, eaux cou-
loit en Egypte, vers le nord, 8c l ’autre moitié
en Ethiopie, vers le. fud* Pour me montrer que
ces. fources étaient des abymes, il ajouta que
Pfammitichus ayant voulu en-faire l’épreuve, y
avoit fait jetter un cable de pluûeurs milliers d’or-
g y e s , mais que la fonde n’avoit pas été jufqu’au
fond.. Si le récit de ce garde eft vrai, je penfe
qu’en cet endroit les eaux venant à fe porter 8c
a fe brifor avec violence contre les montagnes,
tefluent avec rapidité& excitent des tournoiemens
qui empêchent la fonde d’aller jufqu’au fond.
Je n’ai trouvé perfonne qui ait pu m’en apprem
dre davantage; mais voici ce que j’ai recueilli en
pouvant mes recherches aufli loin qu’elles pourvoient
aller : jufqu’à Eléphantine j’ai vu les.
chofes par moi-même; quant à ce qui eft au delà
de cette v ille, je ne le fais que par les féponfes
que l’on m’a faites.
Le pays au-deffus d’Eléphantîne -eft roîcTe. &
efearpé. En remontant le fleuve, on attache de
chaque côté du bateau une corde > comme: on,en
attache 'aux boeuflr, 8c on le tire de la forte'. Si
le cable fe caffe, le bateau eu emporté par la
force du courant. Ce lieu a quatre jours dô navigation.
Le- Nil y eft tortueux comme le Méatv
dre, & il faut naviguer ainfi que nous avons dit ,
pendant douze fchênes. Vous arrivez enfuite à
une plaine fort. unie,, où il y a une île formée
par les eaux du Nil ; elle s’appelle Tachompfo.
Ati'deffus d’Eléphaatine on trouve déjà des
Ethiopiens ; ils, occupent même une moitié de
l’îre de Tachompfo , & les Egyptiens l’antre
moitié. Tout auprès de l’île efl un. grand lac ,
fur les bords duquel habitaient des Ethiopiens
Nomades. Quand' vous l’avez traver.fé , vous
rentrez dans-le Nil qui s’y jette ;• d'e-là quittant
1« bateau, vous faites quarante jours de chemin
te teng du. fleuve i car dans cet efgace. 7 le Nil
efl plein de rochers pointus & de greffes pierres
à fa fur fa c e , qui rendent la navigation impof-
fible. Après avoir fait ce chemin en quarante
jours de marche, vous vous rembarquez dans
un autre bateau, où vous naviguez douze jours;
puis vous arrivez à une grande ville appelée
Méroé. On dit qu’elle efl la capitale du refte
des Ethiopiens. Jupiter 8c Bacchus font les fouis
dieux qu’adorent fes habitans, ils leur rendent
un grand culte : ils ont aufli parmi eux un oracle
de Jupiter, fur les réponfes duquel ils portent la
guerre par-tout où ce dieu .le commande , 8c
quand il l’ordonne.
De cette ville vous arrivez au pays- des Ait-
tonnoîes en autant de jours de navigation que
yous en avez mis à venir d’Elépbantine à la
métropole des Ethiopiens. Les Automoles s’appellent
Afmach. Ce nom traduit en grec , figni-
fie ceux qui fe tiennent à la gauche du roi ; ils
defeendent de deux cens quarante mille Egyptiens,
tous gens de guerre , qui paffèrent du côté
des Ethiopiens » pour le fujet 'que je vais rapporter,
fouS le règne des Pfammitichus-. Ou les
avoit mis en garnifon à Eléphantine pour défendre
le pays contre les Ethiopiens ; à Daphnes
de Pélufe, pour empêcher les incurfions des Ara?
hes&des Syriens à Amarée pdur tenir la Libye:
en refpeâ. Les Perfes ont encore aujourd’hui des
troupes dans les., mêmes places, où il y en avoit
fous Pfammitichus,. car il y a garnifon Perfe à
Eléphantine 8c à Daphnes : les Egyptiens font
donc reftes trois ans dans leurs garnifons, fans
qu’on vînt les relever, réfolurent d’un commun«,
accord, d’abandonner Pfaranitichus > & ctepaffer
chez les Ethiopiens. Sur. cette nouvelle , le, prince
les pourfuïvit : lorsqu’il- les eut atteint , il employa
les prières 8c tons, les motifs, les plus propres
à les difTuader d’abandonner- les. dieux, de.
leurs pères, leurs enfans & leurs femmes. Là-
deffus l’un d’entre e u x c om m e on, Le raconte >
lui montrant le figne dé fa virilité'-,. lui dit ;• par-
tou t où nous le porterons , nous y trouverons
des femmes,. & nous y aurons des enfans.. Les
Automoles, étant arrivés en Ethiopie, fe donnèrent
au roi-. Ce prince les ert- réeompenfa , en
leur accordant le pays de quelques Ethiopiens
qui étoient fes ennemis,,, & qu’il, leur ordonna
de -chaffer-..
Ces Egyptiens s’étant établis d'ans ce pays
l'es Ethiopiens fecivilifèrqnt en adoptant les moeurs-,
égyptiennes^
Le cours du- Nilefl donc:connu pendant-quatre
mois de chemin , qu’on fait en partie par eau ,
& en partie par terre, fans y comprendre le
cours de ce fl'éuve en Egyptè ; car , fl l’o n
compte exactement, on trouve qu’il- faut préci-
fément quatre mois pour fe rendre d’Eléphantine
au- pays de- ces Automoles. I l eff certain que la
Nil vient de l’ouefl ; mais on ne peut rien affurer.
fur ce, qu’il, efl au-delà des Autojnoles, les. cliar
N I L
«urs exceflives tendant ce pays dèfert & inha-
1)1Voici néanmoins ce que j’ai appris de quelques
Cyrénèens, qui, ayant été.confulter , à ce
q u ’ i ls me dirent , l’oracle de Jupiter Ammon,
eurent un entretien avec Etéarque , roi du pays;
infenfiblement la converfation tomba fur les fources
du N i l, & l’on prétendit qu’elles étoient inconnues.
Etéarque leur raconta qu’un jour des
Nafamons arrivèrent dans fa cour. Les N a î trions
font un peuple de Libye qui habite la
Sy r ie , & un pays de peu d’étendue a 1 orient
' de la Syrte. Leur ayant demandé s’ils avoient
quelque chofe de nouveau à lui apprendre fur
les déferts de L ib y e , ils lui répondirent q ue ,
parmi les familles les plus puiffantes du pays ,
des jeunes gens , parvenus à l’âge viril , &
pleins d’emportement, imaginèrent, entre autres
extravagances, de tirer au fort cinq d’entre eux ,
pour reconnoître les déforts de.la Libye , & tacher
d’y pénétrer plus avant qu on ne 1 avoit
fait.jufqu’àlors.
Tome la côte de la Libye qui borde la mer
feptentrionale, depuis l’Egypte jufqu’au promontoire
Solocis, où fe termine cette troifième parue
du inonde, efl occupée par les Libyens 8c par
diverfes nations libyennes, à la réferve de ce
que poffèdent les Grecs & les Phéniciens ; mate,
dans l’intérieur des terres, au-deffus de la cote
maritime 8c des peuples qui la bordent, efl une
contrée remplie de bêtes féroces. Au-delà de cette
contrée, on ne trouve plus que du fable, qu’un
pays prodigieufement aride 8c abfolument défort.
Ces jeunes gens, envoyés par leurs compagnons
avec 'de bonnes provisions d’eau 8c de
v ivre s , parcoururent d’abord de pays habités ;
enfuite. ils arrivèrent dans un pays rempli de
bêtes féroces ; clé-là continuant leur route à l’oueft,
à travers les déferts , ils apperçurent, après avoir
long-temps marché dans un pays très-fablonneux,
une plaine où il y avoit des arbres ; s’en étant
approchés , ils mangèrent des fruits que les arbres
portoient. Tandis qu’ils en mangeoient, de petits
hommes, d’une taille au-deffous de la moyenne,
fondirent fur eux & les emmenèrent par force.
Les Nafamons n’entendoient point leur langue,
& les petits hommes ne comprenoient rien à celle
des Nafamons. On les mena par des lieux marécageux
qui pafloît le long de cette v ille , Etéarque con-
jè&uroit que c’étoit le Nil , 8c la railon le veut
ainfi , car le Nil vient de la L iby e, 8c la coupe
par le milieu ; 8c s’il efl permis de tirer , des che-
fos connues, des conjeéhires fur les inconnues,
je penfe qu’il part des mêmes points que l’Ifler.
Ce dernier fleuve commence en effet dans le pays
des Celtes, auprès de la ville de Pyrène, & tfaverfe
l’Europe par le milieu. Les Celtes font au-delà
des colonnes d’Herculè , 8c touchent aux Ciné-
fiens, qui font les derniers peuples de l’Europe,
du côté du couchant.
; après les avoir traverfés, ils arrivèrent
à une ville dont tous, les habitans étoient noirs,
8c de la même taille que ceux qui les y avoient
conduits* Une grande rivière; dans laquelle il y
avoit des crocodiles, couloit le long de cette
v ille , de l’ouefl à l’efl*
Je me fuis contenté de rapporter jufqu’à prè-
fent le difeours d’Etéarque ; ce prince ajoutoit
cependant, comme m’ en affurèrent les Cyré-
néens, que les Nafamons-'.étoient retournés dans
leur patrie, 8c que les hommes chez qui ils avoient
éfo.ji étoient tous des enchanteurs. Quant an fleuve
L’Ifter fe jette dans le Pont Eus in , à l’endroit
où font les Iftriens, colonie de Miler.
L’Ifter efl connu.de beaucoup de monde, parce
qu’il arrofe des pays habités ; mais on ne peut
rien affurer des ffources du N il, à caufe que la
partie de la Libye qu’il traverfe, efl déferte 8c
inhabitée. Quant à fon cours , j’ai dit tout ce que
j’ai pu en apprendre par les recherches les plus
étendues. Il fe jette dans l’Egypte. ; l’Egypte efl
prefque vis-à-vis de la Cilicie montueufe ; cle-là
à Sinope, fur le Pont-Euxin, il y a en droite
ligne cinq jours de chemin pour un bon voyageur
: Qr, Sinope efl fituée vis-à-vis de l’embouchure
de l’Ifler. Il me femble par conféquent que
le Nil , qui traverfe...toute la Libye, peut entrer
en comparaifon avec l’Ifler: mais en voilà allez
fur ce fleuve.
Selon d’autres auteurs.
Mon deffein étoit d’abord de faire fuccéder an
récit d’Hérodote , celui de Diodore, puis celui
de Strabon. On retrouve dans le premier plu-
fieurs des rai forme me ns d’Hérodote, 8c.pas plus
de faits authentiques fur les fources du Nil; quant
aux embouchures 8c aux dèbordemens, il y a
quelque différence entre ces écrivains , aufli bien
qu’entre eux 8c Pline. Mais comme j’alongerois
prodigieufement cet article , 8c que ce feroit un peu
gratuitement, je vais feulement rapprocher les
principaux fentimens fur les trois objets fuivans :
i°. Les fources du Nil..... a°. Ses embouchures..«
3°. Le temps 8c la hauteur de fa crue, lors des
inondations.
Sources du Nil. M. d’Anville, que Ton recon-
noît pour un des hommes les plus favans 8c les
plus exercés aux difcuTflons géographiques , a
compofè exprès un mémoire lur les fources d»
N il, ( Mém. de Ut. t. 26, pag. 46 ). Il le termine
ainfi : « Au refte, mon objet dans cè mé-
n moire a été démontrer que les fources du Nil
u ne font pas connues, nonobftant l’opinion éta-
» blie fur ce fujet, 8c non pas de les faire con>-
noître »..« C ’eftque dans ce mémoire» il attaque
l’opinion de quelques voyageurs 8c de quelques
géographes; mais çn même temps, il découvre:
les caufes de leur erreur, 8c nous met fur la
v o ie , pour parvenir à étendre nos connoiffances
par rapport au Nil. O u peut voir fon mémoires