
6 7 0 R O M
le temps de la cenfure , & réduifit à î’efpacè
d’un an & demi cette magiftrature, dont l’exercice
étoit de cinq ans. Les magiftrats qui alloient
être déplacés par cette innovation, s’en vengèrent
bientôt fur celui qui en étoit l’auteur. Dès
que ce di&ateur eut abdiqué, ils le pourfuivirent
vivement, & le réduifirent, en vertu de leur
pouvoir, au plus bas rang des citoyens. C ’étoit
une injuftice révoltante. Cependant le refpeét des
Romains pour la conftitotion étoit telle, que per-
fonne ne s’éleva contre cette conduite, parce que
les formes avoient été obfe.rvées. Mais le bel'oin
que l’on e u t , peu après, des talens d’Emilius,
le vengea glorieufement de la conduite des censeurs.
On a voit eu la guerre contre les Eques & les
Yolfques (3 2 2 ) , & ils avoient été battus. Mais
en 3 2 7 , après quelques années peu remarquables
, plusieurs ennemis puiftans fe jetèrent fur
les terres de la république : les Véïens fur-tout
y firent un grand butin. L’armée envoyée contre
eux , & commandée par des tribuns militaires
entre lefqueljs fe mit la divifion, fou fin r beaucoup
de la conduite de fes chefs, & fut battue.
C e fut alors que ce même Emilius, traité fi
jgnominieufement par les cenfeurs, fut élevé à
la dictature. Quelle vengeance eut valu un tel
triomphe ? On cite un trait qui donne une idée
avantageufe de fon fang-froid & de fon courage.
Ces ennemis , outre les moyens ordinaires de
.combattre, avoient de plus imaginé de fe jeter j
au milieu des bataillons romains , avec des torches
allumées. Les troupes en étoient effrayées.
« Quoi donc, leur dit Emilius, avez-vous peur
de la fuaiee, comme les abeilles f arrachez ces
» torches des mains de vos ennemis, & qu’elles
5> vous fervent à porter le feu dans leur ville ».
C e combat s’engagea alors avec une violence
horrible. %Jne partie des ennemis fut précipitée
dans le Tibre ÿ 1 autre pourfuivie jufqu’aux portes
de Véïes. Le diâateur rentra en triomphe à la
tête de fon armée.
330. A peine ces ennemis étoient-ils vaincus,,
que l’on eut à en combattre d’autres plus redoutables.
Les Yolfques, raffemblant leurs méilleures
troupes, fe mirent en campagne fous la conduite
d’un général habile. Le conful Sempromus
marcha à leur rencontre. C ’étoit un brave foldat,
mais un mauvais capitaine. L’infanterie étoit bat-
fne ; la cavalerie , placée défavantageufement ,
ne pouvoir rendre aucun fervice, lorfqu’un dé-
curion, nommé Tempanius, propofa à fes gens
de mettre pied à terre, pour fomente l’infanterie
qui plioit. Ils s’avancèrent en bon ordre contre
les Yolfques, q u i, feignant de les craindre, ouvrirent
leurs rangs, & y différent pénétrer Tem-
jjanins avec fa troupe. Mais bientôt fe réjoignant,
jls le réparèrent du refie de farinée romaine.
Cependant il parvint à s’emparer d’une hauteur ;
autre côté l’infanterie, s’étant ralliée, vint
P Z '
\ j IVi
a fon fecoiirf"; enforte que le combat fe foiitirlt
jufqu’à la nuit avec allez d’avantage. De peur de
que1 que furprife , les deux généraux fe retirèrent
à 1 entree de la nuit. La conduite de Tempanius
lui mérita l’honneur d’être tribun du peuple. Soup
un autre gouvernement , il eût peut-être mandié
toute la v ie , & fans l’obtenir , une modique
peufion, pendant que l’on auroit prodigué les
faveurs au général.
Tempanius fe comporta parfaitement bien dans
fa nouvelle place. Mais rien ne lui fit tant d’honneur
que l’oppofition qu’il mit aux pourvûtes de
i fon collègue Hortenfius, qui vouloit (en 331)
faire rendre compte à Sempronius de fa conduite
dans la dernière campagne. « Sempronius,
» dit-il, a été notre général & notre père ; ainfi,
» en qualité de fes enfans, nous prendrons l’ha-
» bit de criminels aulfi bien que lu i, & nous
» partagerons fa dilgrace, comme nous avons par-
» tagé fa fortune. Non, répliqua Hortenfius, les
» tribuns ne prend*ont pas le deuil : je celle toute
» accufarion contre un général qui a fi bien mé-
» rite de fes foldats ».
La divifion éclata bientôt entre le peuple &
le fénat. On s’étoit apperçu que le nombre des-
quefteurs n’étoit .pas allez considérable : on voulut
donc l’augmenter -, en en créant quatre au ,
lieu de deux, dont on s’étoit contentéjwfqu’alors.
Il paroiffoit important d’en avoir deux qui fui-
viffent les confuls à farinée, pour tenir .compte
des dépouilles de l’ennemi, & fur - tout pour
prendre foin des vivres & de la fubfiftance des
troupes. Le projet étoit fage ; mais l’exécution
en fut difficile. On créa un inter-roi en 333 : ce
fut L. Papirius Migillanus : on convint que l ’on
éliroit des tribuns militaires & quatre qneileurs^
& les uns comme les autres furent choifis parmi
les plébéiens.
Mais, dans le même temps, C. Sempronius
s’étant oppofé au partage des terres, on renouvela
Faccufation intentée contre lui. Il fut condamné
à une amende de 1,5,0.00 as d’airain. Et
une veftale, qui n’avoit pas un extérieur affez
mode fie , en fut reprife par le grand pontife.
L’afcendant que prenoit la nobleffe fur Fefprit du
peuple, paroiffoit aux tribuns contraire à fes vrais
intérêts ; & trop fouvent il eft arrivé que les
grands ne le flattaient que pour l’égarer. L’efprit
du gouvernement y'-étoit trop oppofé, pour
que ces belles difpofitions fuffent réellement bien
fincéres. La tranquillité a-voit été troublée (335)
par une confpiration d’efclaves , & par une
guerre contre les Laviquans & les Eq-. es. Lorf-
que l’on fut plus tranquille , Mécilius oc Mitilius,
tribuns du peuple, renouvelèrent les demandes
au fujet de la loi agraire. Mais o.n fut encore
faire tomber à faux leurs démarchés. C e fut Ap-
pius Claudius, de cette famille fi généralement
contraire aux intérêts du peuple, qui en ouvrit
le moyen. On gagna fin tribuns, qui curent U
R O M
Tacheté de fe ranger de l’avis du fénat ; les autres
furent obligés de fe défifter de leurs pour-
fuites.
Je paffe fous filence line petite guerre contre
les Eques, dont le fuccès valut aux Romains
fen 338) la ville de Voiles & fon territoire. Us
la reprirent l’année fuivante. Il fuffiroit prefque
de dire que les Romains s’en emparèrent de
nouveau , fi je ne vonlois donner encore une
preuve de la maniéré dont les riches fe condui-
foient vis-a-vis du peuple. P. Pofibumius, tribun
militaire, commandant l’armée, fachant combien
Jappât du butin avoit d’afeendant fur la partie
du peuple qui forme les foldats de l’armée, leur
avoit promis le pillage de la ville , s’ils pai ve-
noient a la prendre. Elle fut„prife en effet. Mais
au lieu d’en enrichir les foldats, H fit tout vendre
au profit du tréfor public. Cette injuftice lui avoit
attiré l’animofité des foldats, fes violences la
firent éclater. Comme il vouloit faire conduire
3/r calques mutins , coupables de fautes
allez légères , leurs camarades les arrachèrent des
mains des liéteurs, Pofthumiuf prétendit en *im-
pofer par fa préfence. Mais pour étonner une
multitude & la contenir par ce moyen , il faut
avoir obtenu cet afeendant des vertus que-n’avoit
pas mérité le général romain. Il fut accablé de
pierres, & mourut fur la place. Cer attentat
irrita beaucoup la nobleffe , & excita de grands
troubles à Rome. Cependant ( en 340), de peur
de plus, grands maux, on ne punit que les plus
coupables. Les Yolfques, & les Eques avoient
pris les armes ; ils furent promptement défaits.
Il me femble que c eft bien gratuitement- que les
- ntftoriens accufent ici- les tribuns de chercher à
commuer leurs fondions. Le peuple étoit léfé •
il s’etoit fait juftice, il eft vrai : mais enfin , l’ef-
prit.des maximes de Pofthumius. animoir les autres
patriciens ; mais enfin ils avoient été créés pour
protéger le peuple, veiller à fa défenfe , à la
confervation f de fes droits, & dans une machine
déjà fi forte , il falloit une impulfion vi-
gonreufe, pour lui imprimer un autre mouvement.
Trois leilius, redoutables à l’autorité des
nobles ( an 3 4 4 ) , occupant le triburrar, ils parvinrent
à faire élire les trois queflenrs dans l’ordre
du peuple. Ils fe flatroiem même de faire choisir
lannee fuivante, dans le même ordre, les trois
tribuns militaires. Mais le fénat rendit un arrêt,
portant qu’aucun des tribuns aflueilement en
exercice , ne pourroit être tribun militaire l’an-
11 e uiyante. Ces tribuns furent choifis parmi
les nobles. C ’étoit l’ouvrage de la politique' du
, ' ’ <1"! ' “"'ôt faifoit briguer les places par
1 ,§‘‘ns " oh/cu.s , qu’on auroit eu honte de
es leur accorder ; & tantôt par des gens d’un
nurire fi généralement reconnu , qu’on ne pou-
oit es leur refnfer fans nuire au bien de l’état.
f„,Va c'1“ 6? ,!î " erres r'«-vcnncs (346) , & dont le
es fut a 1 avantage dés Rouants, mirent les
R O M <>71
nobles à portée de fe réconcilier avec le peuple;
Fabius , d’abord, avoit abandonné à fes troupes le"
pillage d’Anxu r, ville des Volfques. Le fénat rendit
enfune (an 347) un décret; par lequel il accord
oit une folde à chaque fantaffin tant que Par-
mee demeurerok en campagne.
La trêve avec les Vtiens étoit expirée. On prérend
que les Romains ne voulurent pas uferaufli-tôt
de leur droit de recommencer la guerre , parce
que la ville ennemie étoit remplie de diffenfions
Cfrla efi beau ; mais le peuple Romain n’étoir pas
généreux, & dans mille occaftons il profita du-
malheur de fes ennemis. On peut donc croire que
dans cette occafton , les Romains voulurent attendre
que leurs ennemis fe fuffent affoiblis par leurs-
propres divifions. A quelque temps de-là, on leur
déclara la guerre. N’ofant fe mettre en cam-
pagne, ils fe renfermèrent dans leur v ille , donc
les-Romains vinrent auffi tôt former le fièae (348V
Pendant les dix ans qu’il dura, les Romains eurent
encore de temps en temps d’autres ennetnis-
lur les bras; ils reçurent même plufieurs échecs
confiderabies devant la ville afliégée. Les riches-
plebriens offrirent de fervtr à leurs frais, fi l’on
vouloir les admettre dans le fervice de la cavalerie
Les riches citoyens ne montrèrent pas moins-
ci empreffement pour s’enrôler dansTmfanterie.
,, 33®, on fit alors un changement confidérable
dans le fervice militaire : les foldats iuf--
?u.a « « in p s .n ’avoiem tenu la campagne que dans-
fa belle: fat fon ; aux approches de 1 hiver les troup
e étoient licenciées, & chacun revenoir ch e z foi
La retiftance des Véièns obligea de continuer à
camper autour de la ville pendant l’hiver, pour
les réduire par la famine, en en formant le blocus.
3.5 7-; Si* ans fe payèrent encore, pendant lcf-
quels les Romains Wayèrent en vain de faire
rendre cette place : ce ne fur que la dixième année
«u ftege que Camille parvint à la-prendre. Ce d ic tateur
voyant que tous les moyens , iùfqu’alors
connus refloient fans effet, en imagina un nouveau
, & qui a ete mis en nfage depuis ; ce fut
de creufer un chemin répondant au milieu de la
cuadelle.il fit enfune donner un affaut eén-ral*
route la garde, armée pour la défenfe, fe plaça'
fur les murailles r alors les troupes, qui avoient
pénétré par le fouterrein, fc préfentèrent au milieu
de la place & s’en emparèrent. Le fénat
par un arrêt, avoit permis aux habitans de Rome
de fe rendre au camp , & de participer au burin
avec les foldats. Le diâareur rentra en triomphe
dans Rome. Ceux qui portoient envie à la no-
bteile, trouvèrent que la pompe n’en étoit
allez modefte, ni allez rèligieufe, parce „u’il
avoit fait atteler quatre chevaux blancs à fon char •
honneur réfetvé jufqu’alors à Jupiter & au Soleil '
Le peuple étoit à peine remis Jfês fatigues d- ce
ftege , qu .1 fallut ( en 35S ) marcher dt nougat,
fous la conduite de Camille : on eue la guerre
contre les Fahfques, Ce peuple, battu en raie