
Alexandre, l’an 333 avant notre ère , un habitant
eut un Congé,dans lequel il s’imagina voir Apollon
quitter la ville, & fe rendre au.camp des ennemis;
efirayés de ce récit, les crédules1 Tyriens attachèrent
cette' ftatue avec une chaîne d’or à l’autel
d’Hercule : on fait le peu d’effet de. cette précaution
puérile.
Alexandre, qui vouloir foumettre la Phénicie,
avoit pris pour prétexte, à l’égard des Tyriens,
que fon deffein étoit d’entrer-dans leur v ille , & d’y
offrir un facrifiee à Herctllè. Pour fe garantir des
fuites funeftes ; qui pouvoient accompagner cet
a&e religieux, ils avoient répondu que ce prince
poiivoit facrifier fur le continent dans l’ancienne
T y r -, où il y avoit un temple beaucoup plus
ancien ( 1 ). Alexandre, irrité de ce refus, jura
de ruiner leur ville. Peut-être eût-il cependant
renoncé à cette entreprife , s’il fi’eût été offenfé
enfùite bien plus grièvement dans la 'perfônne de
Tes -hérauts y qui furent jetés à la mer.
Les détails de ce fiège fameux ne font pas de
mon objet. On fait que ce prince parvint à- faire
-exécuter une chauffée qui joignoit l’île au- continent,
& que cette chauffée lui donna le moyen
d’affiéger T y r par mer & par terre. Avant la
prife de la ville, les Tyriens avoient envoyé
leurs femmes & leurs enfans à Carthage. Le
courage d’Alexandre furmontà les obftacles de la
réfiftance la plus opiniâtre ,. & fa valeur décida
la prife de la ville. Parvenu à monter fur une
des murailles , il y combattit feul à la vue de fes
troupes, qui l’y accompagnèrent bientôt, tandis
que d’un autre côte on entroit par des intervalles
que laifToient des pans de murailles abattues. Ainfi
T y r fut prife après fept mois de fiège l’an 332.
avant J. C. Le château nommé Agenorium tint
encore -quelque temps , auffi-bien que les temples
dans lefquels un grand nombre de Tyriens s’é-
loient rétirés. On n’épargna que ceux-ci : on mit le
feu aux maifons ; huit -mille perfonnes périrent
dans le fac de cette ville. Toutes les femmes &
les enfans , tant Tyriens qu’étrangers j au nombre
de 30000 furent vendus comme enclaves : les
jeunes ’gens, au nombre de deux mille, furent attachés
à "des croix le long du rivage (2). Il ne fe
•fauva, de ce peuple malheureux, que ceux qui
s’étoient retirés à Carthage , & environ quinze
miÏÏe autres que les Sydoniens, de là flotte d’A lexandre
, avoient reçus & cachés dans leurs
vaiffeaux.
: (1) Je crois bien que c’étoit de ce temple que les
prêtres voùloient parler: je m’explique-, ils attribuoient,
à celui de la nouvelle T y r , l’époque de la fondation de
celui-ci. . . . . . !.. ' ; ‘ ‘
(2.) Alexandre honteux de cet excès de cruauté, prétendit
s’en juftifier 'dans la fuite , par une fubtilité digne
d’un fophifte grec. Il répondit que comme les Tyriens
n’étoient qu’une racé d’efelaves, ils n’avoient eu que le
traitement, qu’ils méritoient.
Azelmelik , roi de T y r „.fut trouvé dans le
temple d’Hcrcule avec quelques Carthaginois*
Alexandre leur laiifa la liberté, 8l le titre de roi
à Azelmelik.
Après le départ d’Alexandre , les Tyriens fe
raffemblèrent peu à peu dans leur ville, & le
prince, à fon retour d’Égypte, y fit quelque le jour,
y offrit dp magnifique« préfens' à Hercule, & y
donna des fpeétacles.
Rien ne prouve mieux les avantages du commerce
que la promptitude avec laquelle T y r fe
releva de fes ruines. Dix-neuf ans après leur ré-
tablifiement., les Tyriens fe trouvèrent e.n état de
foutenir un fiège contre Antigone pendant quinze
mois.
T y r paffa fucceffivement depuis fous la domination
des rois d’Egypte & de ceux de Syrie. Sous le
règne d’Alexandre Zébinas, l’un deS'Séleucides,
T y r obtint l’autonomie & la liberté. La Syrie ayant
été conquife par Pompée , & réduite en province
■ romaine", T y r fuivit le fort de la province.; Cependant
il lui fut permis d’avoir des rois ; mais
c’étoit un titre bien précaire, & Marion qui eut ce
titre à T y r , suffi bien que quelques autres princes
dans la Syrie, ne l’obtinrent, qu’à prix d’argent ;
de Caflius général romain, qui y vendit les couronnés
à . l’enchère. Ils furent tous- dépofés par
Marc-Antoine l’an 41 avant notre ère.
T y r demeura fidelle aux Romains, ce qui attira
contre elle les armes des Parthes. Augufte d’abord
mécontent des Tyriens , les priva de leur liberté,
puis laleur rendit.
Le rhéteur Paul, dans la fuite., obtint de l’etn-
reur Adrien , que T y r feroit élevée à la dignité de
métropole, titre qu’elle avoit même déjà pris
précédemment. :
Le Chrifiianifme s’établit de bonne heure à T y r ,
& elle eut. des évêques. Elle paffa au pouvoir des
Arabes fous le califat d’Omar. Les Croifés s’en
emparèrent en 1124.
N. B. T y r fe foutenoit encore avec quelque
éclat, lorfque fur la fin du treizième fiècle, effrayés
par les cruautés que les Mamelucks venoient d’exercer
fur les habitans de Ptolémaïs (S. Jean d’A c r e ) ,
les habitans placèrent toutes leurs richeffes fur des
vaiffeaux, y montèrent eux-mêmes, & fe tranfpor-
tèrent fur différens lieux des oôtes éloignées. Les
ennemis détruifirent la v ille , qui n’a été depuis ce
temps qu’un amas confus de ruines où l’on ne trouve
pas une maifon entière. Il n’y a que quelques ca-
banesde pêcheurs, & ce lieu fe nomme Sur.
X X X V . Au fud de T y r étoit une fortereffe
nommée Alex andro Schaneo.
XXXVI. Une haute montagne plus au fud étoit,
félon Jofeph, nommée Scala Tyriorum, ou l’Echelle
des Tyriens.
XXXVII. Ecdippa, appelée auffi Achtfb , &
connue.par S. Jérôme, étoit une petite ville a»
fud ’de la montagne précédente, & auffi fur le bord
de la mer.
XXXVIII. Aco, félon Pitinérarre. d’An tanin ,
étoit à 32 milles au fud de T y r . Les Grecs la
nommèrent Ace. Mais elle prit le nom dé Ptolémaïs
de quelques-uns des Ptolemées , dans le
temps que la Phénicie étoit fous leur domination.
Strabon dit que, fur la côte de Ptolémaïs , il arriva
«ne inondation inattendue, 8i caufée par les flots
de la mer, qui fit périr les troupes de Typhon ,
ufurpateur du trône de Syrie; & il ajoute que le
même phénomène arrive quelquefois fur les côtes
d’Egypte. Apparemment quequoique le,s marées
ne foient pas habituellement fenfiblés dans la Méditerranée
, il arrive qu’un cours de circonfiances
phyfiques les y rend quelquefois très-fortes.
Ptolémaïs paffa enftiite aux Parthes , puis revint
aux Romains avec le refte de la Phénicie. Le
chrifiianifme y fut établi dès le temps des apôtres ;
mais lès Arabes s’en emparèrent. Les Croifés s’en
emparèrent vers l’an 1103 , & la confervèrent juf-
qu’à ce que Saladin la prit en 1187. Les Croifés
la reprirent de nouveau.
N. B. Ptolémaïs fut enfin détruite parle huitième
Sultan des Mamelucks en 1291.On nomme le lieu
où elle étoit Saint-Jean d’Acre.
XXXIX. Un petit fleuve, connu fous le nom de
Belus, étoit au fud de Ptolémaïs : il dut probablement
fon nom à quelque temple de Baal, fitué
fur fes bords ; & fa célébrité, à la fable que l’on
débita , qu’Hercwle y avoit trouvé la plante qui !
le guérit de fes bleflùrés. Selon Pline, il avoit fa
fource au mont Cendevia. Le fable que l’on trouve
près de fon embouchure , eft plus propre qu’un
autre à faire du verre. 4
XLI. Un lieu nommé Be^ara & peu connu,
auffi-bien qu’un petit fleuve appelé Kifou, fe
trouvoient entre le Belus & la ville fuivante.
XL. Porphynon .ou Porphyreon, étoit au fud-
oueft de Ptolémaïs , la côte formant, par le fud-
efi , une efpècè de croiffant, dont la .pointe fe
termine au rpromontoire du Canne!. Le nom de
Porphynon qui eft celui de la couleur pourpre,
lui avoit été donné parce que c’étoit fur cette
côte fur-tout, que fe faifoit la pèche du coquillage
qui fervoit à cette belle teinture(i). M. d’Anville
penfe que la v ille , appelée Porphynon , par les
Grecs, eft la même que celle qui eft nommée
Gaha par Jofeph : c’eft auffi l’avis de Reland.
XLII. A cent vingt ftades de Ptolémaïs en
nnvant la côte, étoit le mont Carmel, que
!n°A r *ait avo'r été dans le partage de la tribu
aAler. Lorfque les dix tribus eurent été em-
menees en captivité , ce pays retourna aux Phéniciens,
fes anciens maîtres. Le Carmel étoit
xeitile ol couvert d’arbres fruitiers, d’oiiviers, Si. -
r ; ^ T ; L V 1 tu“8e ,fy ant ües raies pourpres dans
mLSrt a»/e*Ia- C°q,Ul e ’ , on a manière den retirer la couleur, abfolum€nt rperdu la
fur-tout de vigfies. C ’eft; fur-tout de cette dernière
' produ&ion qu’il avoit pris fon nom, puifque
Carmel CigniÛQ plant de vignes.
Sur cette même montagne étoit une ville de
même nom, mais appelée antérieurement Ecbatana
ou Ecbatane. Les hiftoriens rapportent que Cam-
byfe , trompé par un oracle qui lui annonçoit qu’il
mourroit à Ecbatane, ce qu’il entendoit de l’Ec-
batane de la Médie, fe propofoit bien de ne pas retourner
danseette ville. Mais fe-trouvant, après
fes bleflùrés,.malade à Cartnelus, & apprenant"fon
ancien nom , il fe' détermina à la mort.
XLIII. Calatnon, autre petite ville, étoit au fud
de Carmel. C’é toit, félon la notice de l’empire ,
la dation d’une cohorte d’archers à cheval.
XLIV. Sycaminos, un peu plus au fud, paroîc
avoir pris fon nom , qui fignifie fycomore & mûrier,
de la quantité d’arbres de ces deux efpèces
qui fe trouvoient dans fes environs. Au temps
d’Eufèbe, ce n’étoit plus qu’un bourg.
XLW. Magdriel i eft indiqué, par M. d’Anville,
peu loin au fud de Sycaminos.
XLVI. Dora , étoit à onze milles au fud d e 5ÿ .
caminos. Les Grecs, mauvais critiques en fait d’éty*
mologie, avoient fait venir ce nom du pr.éréndu
Dorus, fils de Neptune. Mais c’étoit une ville
d’origine phénicienne, & qui portoit le nom de
Dor, dès le temps que les Ifraélites entrèrent dans
le pays de Canaan. Des Phéniciens s’y étoienc
d’abord établis, à caufe de la quantité de poiflbns
qui fe pêchoit fur la côte , & que l’on employoit
pour la teinture. D ’abord il n’y eut que des huttes
entourées, de foffés , enfùite les pêcheurs s’entourèrent
de murailles ; on y fit un port commode :
& , comme le mot Dor fignifie habitation , j l eft
très-raifonnable de croire que ce fut là l’origine
du nom.
Au temps de Jofué , cette ville avoit un roi. Par
le’ partage qui fut fait alors, elle tomba à la tribu
de Manaffé, qui pourtant ne put s’en mettre en
poffeffion.
-Dora paffa, avec la Phénicie, au pouvoir des
Perfes , puis au pouvoir d’Alexandre & de fes fuc-
ceffeurs rois d’Egypte. Les rois de Syrie la leur
enlevèrent': mais, à ’a faveur des troubles , un particulier
nommé Zoïle s’en empara. Alexandre
Jannès, roi des Juifs , qui avoit pris la: tour de
Straton , fe rendit auffi’maître de Dora. Elle fut
dépeuplée & ruinéè par les Juifs, dont on conçoit
l’intolérance , & qui traitoient ainfi les viiles
où l’on n’embraffoir pas leur religion.
Lorfque les Romains, fous Pompée , fe trouvèrent
maîtres de la Syrie, iis accordèrent à Dora9
d’an '94 avant l’ère vulgaire, l’autonomie, dont
l’établiffertient fervit d’époque à Père.adoptée par
cette ville. Huit ans après, Gabinius , proconful de
Syrie, ordonna que toutes les villes, détruites
ou endommagées par les Juifs , feroient rétablies
& mifes en bon état: Dorafut de ce nombre.
Il y eut une églife a Dora ,• mais on n’y trouve