
avoit eu. des échecs en Siçile# dont elle rte pou-
voit plus fe relever, pour établir des comptoiris
fur les côtes occidentales de l’Afrique, d’où ils
tiroïent des peaux de cerfs, de lions & de panthères
; des cuirs & des dents d’éléphans ; & fur-
tout de la poudre d’or.
Pour rendre le commerce plus floriffant & moins
difpendieux, Marfeille envoya des colonies en Hif-
panie, au nord de l'Eberus& en plufieurs endroits
de la Gaule. Elles avoient les mêmes loix, les mêmes
fifages, la même religion & les mêmes fêtes que la
métropole. C’étoit elle qui env oyait le premier ma-
gifirat & le commandant des troupes en temps
de guerre.
Pompée fit don à Marfeille de beaucoup, de
terres, le long des deux bords du Rhône. Les Mar-
feillois peuplèrent prefque en entier la ville à'A-
vlnio x 6i ils bâtirent celle de Tarafco*
La puifiance maritime de Marfeille furpaffoit
celle des autres villes de la Gaule ; aufli fut-elle
admife à l’alliance des Romains,. vers l ’an 340 de
Rome. Leur commerce étoit immenfe. Ils'tiraient
des marchandifes de toutes les partiès du monde
connu. Cependant il ne devoir pas encore avoir
ce degré de fplendeur où il parvint après la définition
de Carthage.
Lorfque les Romains eurent fait la conquête de
la Provence, la république de Marfeille vit arriver
chez elle., tous les étrangers .à qui fon commerce
put donner du travail 8c un falaire ; ce furcroît
d’habitans. la mit en état de fe priver d’une partie
de fes citoyens, pour former des établiffemens
fur les côtes de la Méditerranée.
Avant le fiège de cette ville par Céfar, elle j
envoyoit déjà fes vaiffeaux au Levant, en Afrique
, en Efpagne, en Angleterre, & elle tenoit
un rang diftingué parmi les républiques.
Pendant les démêlés, de Pompée avec Céfar ,
elle fe déclara pour le premier, & refufa d’ouvrir
fes portes à Céfar , lorfqu’il fe préfenta à la tête
de trois légions. Céfar diffimula, & votiluc ramener
les efprits par la douceur. Il envoya des députés
au fénat ; «nais les Marfeillois répondirent que le
peuple romain étant divifé en deux partis, il ne
leur appartenoit pas de décider ce différend; qu’ils
vouloient demeurer neutres, pour ne défobliger
aucun des deux chefs, également protecteurs cte
Marfeille. Cependant ils avoient donné le com-
•mandement de la ville à Domitius, & fait les préparatifs
pour foutenir un fiège. Ils aboient fait
tranfporter dans les magafins publics , tous les
■ bleds des villages voifins ; ils avoient établi des
«tteliers d’armes en plufieurs endroits, & réparer
les murailles & les portes de la ville. Leur ma- ,
rine fut remife en état; mais Céfar, qui n’igno- 1
roit pas ce qui fe paffoit dans la v ille , réfolut d’en
faire le fiège.
Céfar fit abattre un bois confacré qui étoit dans ,
le voifinage de Marfeille. On en conftruifit les \
machines de guerre nécçffaires pour un fiège.
Douze galères cni'avoient les R om a in s détruis
firent celles des Marfeillois dans un combat. Pompée
leur envoya Nafidius avec un; renfort de feize
galères. Brut.us fortit avec dix-huit vaiffeaux pour
tenter le fort d’un nouveau combat. Le parti de
Céfar fut encore vainqueur. Les Marfeillois perdirent
neuf galères, dont cinq furent coulées à'
fond. Trébonius preffoit le fiège; mais les habi-
tans alarmés, craignant le pillage de la ville & la
fureur du foldatfïùpplièrent Trébonius de ne pas
pouffer le fiège plus avant, jufqu’à l’arrivée de
Céfar, de peur que les troupes ne fe livraient
à toutes fortes d’excès. Trébonius confentit à une
trêve, malgré le mécontentement des foldats, qui
fe plaignoient que l’on leur enlevoit une viâoire
certaine. Les Marfeillois profitèrent de la fécurité
des Romains pour rétablir leurs affaires. Pendant
qu’une partie des ennemis étoit répandue dans la
campagne, & que l’autre dormoit dans la tranchée
, ils firent line fortie & mirent le feu
aux ouvrages. Un vent violent augmenta le feu>j
qui confuma.tout fans^que fort pût y apporter
remède. La colère des Romains fut extrême; ils
coururent aux armes pour pimir les perfides ; mais
ils étoient rentrés dans la ville, & les repoufsèrent
à coups de traits. En peu de jours, les Romains
reconfiruirirent les ouvrages. Les Marfeillois, fatigués
de la longueur du fiège, affaiblis par plusieurs
défaites & par la perte de deux batailles
navales, en proie aux rigueurs de la faim, &
d’une maladie épidémique, abandonnés des provinces
voifines, réfolurerif de. fe rendre à discrétion
après plufieurs mois de fiège. Céfar, qui étoit
revenu d’Efpagne, les reçut avec bonté & leur
épargna les norreurs du pillage, à.caufe de l’ancienneté
de leur ville & de la célébrité qu'elle s’étoit
acquife par fon goût pour les fciences & les arts.
Mais il lui enleva les villes dé fa dépendance &
fes colonies, dont elle ne conferva que Nice. IL
détruifit les machines de guerre & les fortifications,
fe fit livrer les armes, les vaiffeaux & tout
l’argent de l’épargne , & mit deux légions en gar-
nifon dans la ville. Il fe contenta de défar-mer les
habitans-; il leur ïaiffa la liberté de vivre,fous*
leurs loix & de jouir des avantages du commerce. .
L’arfenal ne fut point détruit par Céfar. Il y mit
une compagnie de gens p.répofés pour l’entretien
des machines néceliaires pour la conftruétion des
vaiffeaux.
Depuis, là prife de cette ville jufqurau temps
où Auguffe demeura feul maître dé Rome, il ne
fe paffa rien de mémorable dans la province.
Quelques auteurs prétendent que ce fut à Marfeille
qu’Augufte fit élever un temple au vent
Circius. Le P. Papon dit que fi le fait eft vrai,
c’eft le feul monument que les Romains y aient
fait bâtir. Cette ville ayant continué pendant près
d’un fiècle après, à fe gouverner en forme de
république, fous la protection ou fous l’autorité
de l’empire, ils la regardèrent comme une.ville
'étrangère, & n’ÿ firent aucune dèpenfe pour
l’embellir.
Les Marfeillois avoient donné aux Provençaux,
avec l*art de s’enrichir, tout ce qui doit irriter les
pallions. De-là naquit à Marfeille, & dans le relie
de la Provence, un luxe qui détru.irit tous les anciens
principes. Marfeille , fage & laborieufe
dans fes commencemens, s’étoit enrichie par le
travâil & la frugalité; mais j comme prefque toutes
les républiques; elle fe corrompit par l’abondance.
Ce luxe fut encore animé par la pompe des fpeç-
tacles. Cette licence étoit extrême, félon la peinture
que Sàlvien , prêtre-de Marfeille , a laifié des
imitations honteufes, des difeotirs & des poftures
indécentês que l’on fouffroit fur le théâtre. Auffi
Athénée, qui vivoil fous l’empire de Commode,
peint les Marfeillois comme des efféminés.
Le P. Papôn dit qu’il y a apparence que* ce fut
au commencement du. fécond fiècle de l’églife,
que là conduite dés Marfeillois donna lieu au proverbe
Majjilïam navïges ; allez . v ivre dans la débauche
à: Marfeille. Il-ajoute que cette corruption
étoit inévitable dans les pays fournis à l’empire.
Lîirifluèncé-d’un gouvernement défpdtique fur les
peuples conquis-, les-accable fo.us le poids des
vices & de l’autorité. Le P. Papon donne les bains
chauds pour une des caufes de la décadence des
moeurs.
Ce fut vers l’art 150 de J. C. que la lumière
de l’évangile pénétra, à Marfeille. Sa-fituation, fon
commerce , r la langue grecque que l’on y parloit
facilement, le féjour qu’y faifoit le vicaire-général
des Gaulés & les autres officiers de l’empire, tout'
contribuoit à' y attirer beaucoup de Grecs y dont
la plupart venoient de Smyrne & des autres ports
de l’Orient, où la religion chrétienne étoit déjà
connue.
Dion Caffius, qui vivoit vers la fin du fécond
fiècle, dit que depuis long-temps Marfeille ne fe
gouverhoit plus par fes propres loix. Il prétend
que Céfar rie. lui Ïaiffa de la liberté que le nom.
Strabon affure le contraire. Le P. Papon dit que
l’on peut s’en rapporter à lu i, puifque cette ville1
étoit encore autonome quand il écrivoit. Mais le
témoignage du premier prouve que l’ancienne admi-
niffration de cette ville étoit abolie de fon temps.
On fait d’ailleurs que les empereurs avoient établi
à Marfeille fin-droit d’èntréè & de fortie fur-toutes
fortes de marchandifes.•_
Néron voulut fe défairè de Cornélius Sylia. Il le
relégua à' Marfeille & -l’y fit maffacrer.
D ’un autre côté, dit le P. Papon , l’on ne trouve
aucun a&e de fouveraineté de la part de Marfeille,
aucun traité paffé eri fon nom, aucune monnoie
frappée à fon coin,, parce qu’elle y auroit fait
mettre le titre d’antonome, fi elle Tavoit gardé..
On fait auffi qu’elle n’eut pas le droit de fe garder,
pïiifque Céfar y mit. une forte garnifon , •& que
fes fucceffeurs en firent alitant. I l ‘ajoute que fous
le règne de Tibère, & encore plus fous celui de
fes fucceffeurs, les loix de cette ville furent ref-
treintes à .de fimples franchifes jufqu’à la fin du
premier fiècle de l ’êre chrétienne, qu’elles furent
entièrement détruites. Ce fut alors qu’il y eut des
duumvirs, comme dans les colonies romaines. Les
villes autonomes devinrent romaines, lorfque Car a«
calla donna le droit de bourgeoifie romaine à
toutes les villes de la Gaule comme au reffe de
l’empire, vers l’an-212. Caracalla n’auroit pas laiffé
lubrifier l’autonomie de Marfeille. Cette v ille, à
caufe de fes richeffes & de fon commerce, n’auroit
pas été la dernière à fubir le joug que l’avarice
de l’empereur impofoit aux villes, ri elle ne
l’avoit pas reçu auparavant.
Marfeille a produit de grands hommes. Tels font
Pythéas, qui y naquit vers l’àn 350 avant l’ère
chrétienne. Ç ’étoir le plus fa va rit géographe & le
plus habile aftronome de l’Occident. .
Euthymène, contemporain & compatriote de
Pythéas, confacra, comme lui, fes talens à la
gloire & au fervice de fa patrie.
Téron & Gyarée naquirent à Marfeille, environ
75 ans avant notre ère. Ils étoient jumeaux & fe
reffembloiènî parfaitement. C ’étoient, au rapport
de Lucain, deux habiles aftronomes & mathématiciens.
Ces deux frères ayant eù le commande-,
ment des galères-pendant le 1 fiège de Marfeille,
fe difiinguèrent contre les Romains par leur courage
& l’habileté de leur manoeuvre. Ils méritèrent
que Céfar & Lucain tranfnliffënt leur nom à la
pofiêrité.
Ofçus ou Ofcius étoit de Marfeille, où il naquit
environ 20 ans avant J. C. Il fe diftingu'a à Rome
•parmi les orateurs qui brilloient fur la fin de l’empire'
d’Afigufte. Sénèque le père lui reprochoit
d’avoir un mauvais fty le , dénué .de figures, & de
remplir fes difeotirs de pointes & d’allufions malignes.
' '
Agrotas naquit à Marfeille 18 ans avant J. C.
Compatriote d’Ofcus , il courut la même carrière à
Rome, & ne plaidoit qu’en grec.
Paccatus naquit 16 ans avant la même époque.
Il étoit de la Provence ; mais ilprotefla l’éloquence
dans l’académie de Marfeille. Il alla en fuite à Rome,
où il tint un rang parmi les plus habiles profeffeurs.
Pétrone, né l’an 10 de J. C. aux environs de
Marfeille. Poète, courtifan, homme d’état', il
eut tous les talens néceffaires. pour plaire à fon
prince & le fervir utilement. Il mourut tranquiL
lement au milieu de fes amis, après' s’être fait
ouvrir les veines pour prévenir' ie jugement de
Néron', dont on lui avoit fait'perdre les bonnes
grâces , l’an 66 de J. C. .
Démofihène, Marfeillois, né l’an 12 de. J. C .
étoit un des plus célèbres médecins de fon’ temps.
Il fe rendit fur-tout fameux par des remèdes fpé-
cifiques fur la maladie des yeux contrele charbon.
Gallien parle de lui avec éloge.
Crirtas, autre médecin*, ne à Marfeille l’an 12 de
J. C. Ilamaffa des richeffes immenfes; & T o n dit