
extérieures qu’elle éprouva, & qui ne fe détruisit
que par le. frottement de fes propres rouages.,
'Ambition des tribuns* Différentes manières d>affembler
les comices.
Les tribuns, dont l’office^auroit dû, fe borner à
Servir de régulateur à cette machine & à- modérer
, les mouvemens, ne voulurent pas fe contenter d’un
emploi qui ne demandoit qu’une extrême fagefTe.:
Us voulurent être une puiSTance aéllve.
Non. contens de défendre les plébéiens., ils.citèrent
les patriciens, les fénateurs, les perfonnages
confulaires au. tribunal- du peuple. Le peuple def-
cendit du rang de législateur à celui de magidrat.
Il jugea-, il condamna,. & malheureufement il fut
Juge & partie. Ce mal ejft très-grand,. fans doute,
mais quand un peuple veut conferver le pouvoir,
législatif, il faut, quelque.fois, quil exerce le pouvoir
exécutif.
L’a&ivitê des tribuns augmenta les divifîons. On
le battit quelquefois à coups de poing dans les- comices
; car p.erlbnne n’eut jamais l’audace, ni l’îh-
iblence d’y porter une épée.
Cependant les- pallions fe faîlant entendre des
deux parts, bien plus que la raifbn , les tribuns
dirent infultés & vengés. 'Bientôt ils eurent des
viéHmes.
Coriolàn fut banni» Cæfon, fils de Cincînnatus,
s’enfiiit & s’exila de Rome , pour échapper au
Jugement du peuple ; fon père fut ruiné en payant,
pour fon fils, des cautions & une amende de trois-
snille as.
Les citoyens de Rome étoient toujours partagés,
en Six clalfes, félon l’ordre de leur fortuné.. Le
nombre des centuries fut porté de 139 à 19B-. Mais
la dernière clàfïè ne compofa jamais qu’une feule
centurie, quoique le peuple fe fût beaucoup multiplié
, & que cette dernière claSTe fût devenue , à.
elle feule, prefque aufii nombreufè que les autres.
Dans les grands comices du champ-de-mars, ©n
prenoit toujours lés voix par centuries & l’on
ceflbit toujours de compter., quand la première
moitié des centuries avoit forme un avis.
On avoir bien ainfi les voix du plus grand nombre
des centuries, celles des plus riches & des plus
diftingués. des patriciens., des chevaliers & des
plébéiens mais toutes ces voix ne formoient plus
le voeu du plus grand nombre des citoyens on
ne connoiiToit pas la volonté générale.
Cependant, par une SagefTe que l’on ne trouve
guère que dans un peuple, aflemblé, & qui n’eff
pas aufii rare que l’on le croit chez le peuple, lès.
Romains préfér rent toujours à toute autre cétte
manière de prendre les voix.
Je dis à toute autre,. car il y avoit une ancienne
manière d’affembler le peuple par curies^ où l’on
comptoît 1, s ' voix- de toute l’afïemblée indifiinéfe-
inent, & o ù , par conféquent, les pauvres, les prolétaires
, les càffite ctnji ? plus pauvres, encore lesgens
les moins instruits, les moins propres à-par^
venir aux grands emplois, pr.édominoient, & l’era*
portoient lur les plus riches & les plus Sages»
Mais on n’avoit inferit dans les trente curies ,,
ancienne dlvifi’on de R om u lu squ e les familles,
primitives de Rome. Tous ceux qui étoient in s crits
dans les tribus rurales n’affiftoient point à ces
comices : ainfi ils ne repréfentoient pas la* totalité
des citoyens.
Les tribuns imaginèrent une autre manière de
prendre les v o ix , ce_fi.it d’àflembler- le peuple par
tribus r au lieu de l’afiembler par centuries ou par
curies.. Mais ils interdirent .l’encrée de ces comices
aux fénateurs, parce que ces comices étoient. toujours
tenus pouç s’oppofer à leurs proj ets-ou à .leurs-
prétentions..
A in fi,. de quelque manière que lès comices s’af-
femblafient, par centuries, par curies „ou par tribus,.
Jamais on n’y compta les. voix de tous les citoyens..
Dans là première manière,.on rejetoit. celles des,
prolétaires ; dans.la féconde r on n’admettoit pas les*
tribus rurales ; dans la troisième,, on excluoit les.
principaux membres de l’état;.
Il étoit très-aile de remédier à.cemalj cependant:
on- ne le fit point. Le fénat. & le peuple étant dans,
un état de guerre perpétuelle,. on s’occupa, dés.
deux parts, bien plus à être puiflant.qu’à être jufte..
Ces divifîons. rendoient le peuple glus.belliqueux..
Il demandoit toujours au Sénat le partage des terres,
conquifes,. des terres que le fife s’étoit refervées,.
& des terres vagues , dont lès. patriciens s’empa--
roient fôuvent fans titre, pour y faire paître quelques
beffiaux. Lefénat ne vouloit point, de partage
général., mais il envoyoit fréquemment des colonies
de prolétaires dans les pays, vaincus.
Ces prolétaires dépouilloient les habitans d’uife
partie de leur territoire ; ils, le cultivoient dû le
defrichoiènt ; ils y formoient une garnifon quL
tenoit toute la contrée dans, la dépendance. Ils/
gardoient tous lés droits des citoyens romains
trop éloignés de Rome pour affifter aux aflemblées „
ils ne faifoiènt aucun ufage de leur droit d’y, voter...
Ils n’imaginèrent jamais.d’y envoyer des députés,,
de forte que quand il y eut dès colonies romaines-,
dans, toute l’Italie, & hors de l’Italie, tous leurs-,
citoyens furent régis par, la volonté des habitans
de Rome , & des. campagnes voifihês..
Services rendus par les tribunsi.
Les tribuns réformèrent plufièurs.abus: quarante
ans après leur inflitution, ils demandèrent un corps,
de leix.
Le fénat ne nomma point un législateur ;. il ne:
rédigea pas de vieilles coutumes.. U mit dans cette
entreprife une majefié d’autant plus digne de lui,.
qu’il’ écarta tout ce qui tenoit aux préjugés de la.
naifiance & à l’orgueil national. II. envoya trois
hommes confulaires chez les peuples les plus,
éclairés, pour y chercher, les. loix qu’ils jugeroient.
les meilleures. Ce fut un Grec, Hernodore, exilé
d’Ephèfe, fa patrie , & réfugié à Rome, qui traduisît
ces loix du grec en latin, & qui en expliqua
le fens & l’efprit aux décemvirs. Les Romains lui
élevèrent une fiatiie.
Au lieu d’imiter les villes grecques, & de remettre
toute l’autorité entre les mains d’un feul
homnîè,. le peuple romain jugea qu’au moment
de faire des loi-x, il devoit fortifier la puiSTance
législative , en affoibliffant la -puiSTance exécutrice.
Il abolit le confulat, & il partagea l’autorité entre
dix fénateurs, en créant ,des décemvirs^
Lorfqu’ils eurent achevé là rédaction des loix r
les décemvirs firent graver leur code fur douze
tables, & les placèrent fous les yeux du peuple
dans la place publique , pour que chacun en prit
eonnoifiance.
Les comices par centuries lui donnèrent la Sanction
là plus facrée, celle de l'aveu de la nation
entière. Le peuple fut ainfi fon propre législateur ;
ilufaduplus beau droit de la Souveraineté, qu’il
conferva intaâe.
Quand lès décemvirs voulurent enSuite abufer
de leur autorité, ils fureht réprimés & punis. Ce fut
en ne dédaignant jamais nr les loix, ni les moeurs,
ni les coutumes étrangères ; en adoptant toujours
lès ufages qu’ils trouvèrent préférables aux leurs,
que les Romains devinrent les maîtres & les législateurs
du monde.
La loi des douze tables régloitle fort dès-particuliers
, & ne fixoif ni. là- confbtution politique,
ni les droits dès différens ordres de l’état. Elfe
làiSToit fubfîfier tous les abus qui faifoiènt des patriciens
& des plébéiens deux peuplés ennemis/
Les tribuns fe chargèrent de détruire ces abus ;.
ils attaquèrent d’abord le pliis odieux ; ils obligèrent
lès patriciens de fouffrir que lès plébéiens s’alliafîent"
x eux par dès mariages. Alors ces deux ordres ne
formèrent plus qu’im feul peuple. Les alliances four
fe lien le plus Sur le plus doux .qui puiSTê unir
tous les ordres d’ün état : l'orgueil feul peut, les
interdire; mais l'orteiljnfeft pas une raifon. Les
patriciens n’en puÆKapéguer aucune , tout accoutumés
qu’ils étoiènr feontredire fes tribuns. Ils
prétendirent que les aufpices ne pouvoient être
pris^par les plébéiens. Le peuple fe moqua de leur
piété. Les comices paSîerent une loi qui autorifôit
ces mariages.
Les tribuns demandèrent en-fuite que les plébéiens
cufTent le droit de parvenir aux. grandes magiftra-
tures , à ces places où les talens & les vertus font
plus néceSSaires que fes aïeux. Ils l’obtinrent, mais
non pas Sans peine 8c fans dè grandes difputes.
'Mais Satisfait de poSTeder ce droit, 1e peuple ne
daigna^ pàs l’exercer. ; il eut la fageSTe de fentir.
qn’il n’y avoit encore aucun plébéien en état de
»emplir dignement ces grandes places ; & quoiqu’il
fe préfentâc toujours plpfieurs plébéiens pour
les. demander , le s com ice s , pendant long-temps, ne
nommèrent que des patriciens pour confiais, &
même pour tribuns militaires.
Cenfure, y/o.
Tontes ces querelles dans les comices , toutes ces-
guerres que Rome livroit fans ceSTe à fes voifins r
fur-tout l’inflitution des tribuns militaires fubSUtués»
aux confuls, firent négliger le cens pendant quel»
ques années.
Il importoit trop à la république , pour qn’U tombât
en défuétude.
Le Sénat créa deux magifirats particuliers, qu’il
chargea de faire le dénombrement des biens &
des perfonnes. Il leur donna aufii 1e droit dechoifir
les fénateurs, & de les prendre indifféremment
dans les trois ordres des patriciens, des cheva--
liers ou des plébéiens. Mais ; il ne voulut confier"
ces places qu’à des patriciens. Les fondions de la-,
cenfure étant bornées à ce dénombrement, parurent
d’abord aSTez peu confidérables pour que le.
peuple n’afpirât pas à les partager.
Les cenfeurs avoient fous eux des greffiers qui*
tenoient un regifire exaél du nombre des citoyens ,,
de la fortune de chacun d’eux , de la quantité des-
efclaves & des affranchis.
La révifion de toiis ces détails fe fiifoit tous-
les cinq ans: chaque citoyen apportoit aux cenfeurs-
ime déclaration dé tout ce qu’il poffédoit, fous:
peine de voir confifquer là chofe ou l’efclave qu’il;
nauroit pas déclaré,, & , dans certains cas, fous-
peine de mort.
Les« cenfeurs comparoient cette déclaration avec:
celle qu’on avoit. inferite fur les derniers regifires^
Si un homme avoit perdu le bien néceSTaire:
pour être dans une des premières dalles, ils l’inf-
crivoient dans une clafle inférieure. Si un autre!
avoit. augmenté fa • fortune, ils le pîaçoient dans:
une dafTe plus élevée ils le créoient chevalier
011 fénateur.
Enfuite ils pafioient, pour ainfi dire,..toutfe peuple ,
en revue. Afiîs dans fe champ-de-mars , fur leurs-
chaifes curules , ils appeloient d’abord fes fénateurs;
s’ils en omettoiènt un ,-ils en diSbient lè motif.
Le fénateur omis ne pouvoit plus entrer dans le
fénatg après eux, les chevaliers fe préfentoient:
chacun avec le cheval qu’ils tenoient de la république;.
fi fes les ceufeursen dégradoient un, le lie-,'
teur fdfiflbit la. bride du cheval & femmenoic.
auffi-tôt.
Le:cenfeur appel'oitenfuite lésfimples citoyens,’,
tant ceux des tribus urbaines , que ceux des tribus-
rurales. Il devoit . apporter un foin particulier à
empêcher qu’aucun étranger nefe fîtinferire parmi*
les citoyens.
On ne connoiSToitpoint l’ùfage dïi papier. Tou^
ces . détails fe traçoient fur des registres de toile».
Tite-Live & Polybe nous apprennent que danss
toutes fes provinces, il y avoit des regiRres-fénar-
blables,.