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fcigneur > repartit Cyriéas, qui vous empêche de rire
& de vous repofer dès à préféra ?
Pyrrhus avoit envoyé confnlter l’oracle de Delphes,
dont la répônlè ambiguë en grec , peut fe
rendre ainfi en latin , Aïo te. Æacida , Romanos vin-
are pofie. On ne peut pas laifler fiibfifter cette (
équivoque en françois. Mais comme elle lignifie
également que les Romains peuvent vaincre Pyrrhus
, ou Pyrrhus les Romains, ce prince eut la
vanité de l’interpréter dans ce feus jra & . crut
marcher à une conquête afiùjée. H fortit: . de
l’Epire, & , après une navigation pénible,'aborda
en Italie , accompagné de 28 mille hommes & de
22 éléphans.
La vue de ces animaux inconnus aux Romains,
& leur odeur - infiipportabie aux chevaux qui n’y
étoienj point accoutumés , furent très-favorables au
roi d’Epire, &- lui procurèrent le gain de la première
bataille : elle prit fon nom de. la vrille d’Hé-
raclée ( 473 ) ; mais , comme les foldats Romains
s’étoient battus avec beaucoup, d’opiniâtreté, le'
vainqueur avoit acheté bien cher la victoire* Frappé
du fpeâacle de tant d’Epirotes étendus morts fur
la place, il s’écria avec douleur : hélas ! f i je gagne
encore une bataille pareille, il faudra que je retourne
en Epire. Cependant, -ayant reçu un renfort de
troupes , il s’avança jufqu’à Prenefte : là , du -haut
d’une montagne, il découvrit Rome.
■; De retour à Tarente, Pyrrhus reçut une ambai-
fade de la part des Romains, pour traiter du rachat
des prifonniers ; mais il les. renvoya fans rançon.
Il mit- en oeuvre tous, les moyens imaginables,
prières, çarefîes, menaces , préfens, pour attirer à .
ion parti Fabricius ; ce fut inutilement. Il envoya
enfuite Cynéas à Rome pour y faire des proportions
de paix. Mais la politique ' romaine n’ étoit
pas d’accorder la paix à un ennemi qui ne s’a-
vouoit pas vaincu: elles furent donc rejeitées avec
hauteur. La même année , les habitans de Rhêgé,
craignant de tomber au. pouvoir de Pyrrhus- ou
des Carthaginois , demandèrent du fecours aux
Romains. On leur envoya une légion de foldats
Campanièns ; mais ces miférafcles égorgèrent le
plus grand nombre des habitans, ck s’emparèrent
de la ville.
L’année fuivante ( 474 ) , il fe donna' une fécondé
bataille qui ne fut pas très-avantageufe à
"Pyrrhus, Il partit peu après pour aller en Sicile -,
porter du fecours aux Syracufains, attaqués par
les Carthaginois. Ses armes eurent d’abord d’heureux
fuccès ; mais s’étant rendu odieux par fön
gouvernement tyrannique, & n’ayant pas voulu
accorder la paix à des conditions très-avantageufes,
on commença à 'craindre qu’il ne cherchât à opprimer
ceux que d’abord il étoit venu fecourir.
Les Siciliens fe révoltèrent ;• & , dans le temps
que les Tàrentins lé rappellant ( ^77 ) , il vpuloit
repaffer en Italie, fa flotte fut battue par les Carthaginois:
de-deux cens galères , il n’en put échapper
que douze. Comme dans fon paffage, il avoit I '
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pillé dès tréfors eonfacrés à Proferpine, les hifto-'
riens ont' aeciifé fon impiété 'dé ce malheur , 8c
de tous ceux qùi lui arrivèrent dans la fuite. Ce
ne fut plus , pour ce prince, qu’un enchaînement
de malheurs. Enfin l’année fuivante ( 478) , il perdit
une bataille auprès de Bénévent: cette perte
acheva de ruiner fes affaires. Curtius, avec vingt
mille hommes, trouva moyen de le battre, qùoi--
qü’il en eût quatre-vingts. Perfiiâdé plus que jamais
de rinîpoifibilirê de vaincre les Romains, il fit
entendre à les alliés qu’il alloit chercher de nouveaux
fecours. Il partit en effet , mais ce fut*’pour
ne plus revenir. Sa mort fuivit d’affez près fa retraite
: il fut tué deux ou trois ans après dans
Argos.
Les deux 'confins reçurent à Rome l’honneür du
triomphe. Le cortège de Curtius étoit fur - tout
magnifique. On y voyoit des Epirotes , des Thef-
laliens , des Macédoniens, un grand nombre de
vafes d’or & , d’argent;& ce qui étoit un fpe&acle
tout à la fois nouveau & impofant, quatre de ces
éléphans dont Pafpeâ avoit d’abord caufé tant
d’effroi. '
Les Romains , après avoir triomphé d’une ennemi
qiii-paroiflbit devoir être fi redoutable , jouirent'
quelque tempb d’une efpèce de tranquillité*
De légers ( 480 ) - mouvemens s’excitèrent , il
efl vrai, de la part des Lucaniens , des Brutiens,
des Samnites ; mais enfin ces peuples furent entièrement
fournis, & -leur défaite (481 ) affûta aux
Romains la poffeffion de toute l ’Italie.
- Le conful. Génutius' ( 482 ) marcha vers la ville
de Rhege, afin de punir les traîtres qui s’en étoient
emparés. Comme ces miférables fe défendoierit avec
un courage qui tencit du défefp'oir , leur. défaité
donna quelque peine au conful. Enfin, aidé par
Hiéron , roi de Syracufe, il s’empara de. là v ille,
prit 300 hommes qui v"reffoient de ces coupables
légionnaires , & les condiiifit à Rome : ils y reçurent
la j ufte peine de leur trahifoii : après, les avoir
battus de verges,-on les fit expirer fous la hache.
L’ufage de la monnoie d’argent commença ,cette
année ( 484) à Rome. On trouve , dans les années'qui
fuivirent, quelques guerres moins confi-
dérables ; une pefte qui fit un grand ravagé , &
la mort de la véftale. Capparonia , convaincue'
d’avoir violé fon voeu : elle s’étrangla pour échapper
au fupplice.
L’Italie fubjugüée, n’offrôit plus rien à. la valeur
8c à l’ambition des Romains. Les Latins , les Etruf-
ques, les Samnites, les Tàrentins, tous enfin étoient
fournis & recevoient des loix de Rome vièfcrieiife.
Ce peuple belliqueux, auquel même La paix étoit
fi funefte , ne pouvoir refter long-temps dans l’inaction.
On fentoit qu’il falloit porter la guerre hors
de l’Italie, & chercher, dans un champ plus vafté,
de nouveaux ennemis à combattre , & de nouveaux
lauriers, à moi (Tonner. Uii fecours donné par les
Carthaginois ( 489 ) aux Mefféniens , fut le pré-
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texte de cette guerre ; le defir de conquérir la Sicile
, en fut le véritable fujet.
Les Carthaginois étoient maîtres d’une grande
partie des cesses de l’Afrique , de plufieurs de l’Hif-
panie, & de prefque toute la Sicile, Une ville cependant,
nommée Zancle, depuis Meffane, leur
réfiftoit encore. Sous prétexte de fecourir Hiéron
qui l’afliégeoit, ils firent paffer des troupes en
Sicile. Les Romains, de leur cô té , auxquels les
habitans avoient demandé du fecours, envoyèrent
le conful Appius, qui battit Hiéron & les .Carthaginois.
Quoique ce conful reçût enfuite quelque
echec,. l’avantage fut toujours de fon coté ; farinée
fuivante, les deux confins pafferent en Sicile; ils -
y furent auffi heureux , & , en peu de temps, foi-
xante-/ept places fe fournirent aux Romains, Hiéron
( 490 ) fit avec eux une paix qui dura autant
que fa vie. Pendant cinquante ans Rome n’eut point
d’ami -plus zélé , ni d’allié plus fidèle.
L’année fuivante ( 491 ) , lés Romains envoyèrent
deux légions en Sicile. Les Carthaginois furent
battus, & la ville d’Agrigente fut prife, après
fix mois de liège. Hannon fut condamné par fon
gouvernement à ufte groTe amende , pour n’avoir
pas été vainqueur. Encore dut-il s’eftimer heureux,
puifque c’étoit affez la coutume à Carthage de
condamner à mort le général qui s’étoit laiffé
battre. Cette coutume nous paraît bien barbare ;
niais l’hjfioire moderne nous offre des traits pareils
: Voltaire a dit très gaiement, que c’eftpour
èncourager les autres. -
Maîtres de prefque toutes les villes dans l’in—
teneur-de la Sicile , les Romains auroiént' bien
voulu l’être auffi des côtes demeurées au pouvoir
dés Carthaginois. Mais,pour s’en emparer, il leur
manquoit une flotte & des hommes propres à conduire
des vaiiTeaux. Leur intelligence leur courage
fiippléa à tout. En deux mois, ils vinrent à
bout de fe faire eux-mêmes un grand nombre dé
galères, pefantes à la vérité , mais qif ils trouvèrent
moyen d’accrocher aux bâtimens ennemis avec des
inftruinêns de fer crochus, que l’on appella corbeaux
; enforte que l’on fe batteit d’homme à
homme , comme fi l’on eût été à terre. Cette nouvelle
façon de fe battre, effraya tant le général
Carthaginois , qu’il s’enfiüt, dès qu’il apperçut
que l’on accrochoit fes vaiiTeaux. Duilius, dont le
nom eft à jamais célèbre pour avoir commandé
cette première flotte des Romains, s’empara dè
trente galères , 8c en coùla quatorze à fond : lé
reffe fut dilfipé. Il faut remarquer pour l’exaétitude
des connoiffances géographiques, que cette bataille
fe_ donna fur la côte feptentrionale de Sicile , dans
un petit golfe que forme la côte de. Milce, peu
éloignée à Teft de Mefjana , ou Meffine. Trois mille
Cai'thaginois périrent, Ô^fept mille furent faits pri-
fonriiers. Des conlmencemeffs fi heureux, augmentèrent
encore le courage des foldats romains; &
tout alors réufîit au gré de leurs defirs. En très-peu
de temps, ils virent la Sicile, la Sardaigne , l’île
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de Corfe prefque entièrement ajoutées à leurs oof-
feffions ( 494 t? fiiiv. ) ; mais leur ambition croiflbjt
: avec leurs fuccès.
Ils prirent la réfolution d’aller attaquer l’ennemi
jufques fur fes foyers. Le fuccès. furpalïà. pour ainfî
dire, leur efpérance. Régulus & Manlius gagnèrent
fur mer une bataille confidérable, contre Amil-
: car & Hannon , & débarquèrent en Afrique (497 ).
Manlius fut rappelé par le fénat, & RéguluVrefta
pour faire la conquête du pays. Rien ne réfifta à
les armes viâorieufes ; une bataille qu’il gagna fur
ferre fut fume de la reddition de plus de deux
cens places, entre-lefqueiles étoit Tunes (Tu n is) ,
à trois ou quatre lieues de Càrthage : fon armée '
il eft vrai, eut un peu àfouftrir du voifinage d’un
ferpent monftrueux, contre lequel il fallut employer
des machines de guerre pour s’en délivrer. Quelques
auteurs penfent, avec beaucoup de vraSeni- >
blance, que l’animal appelé ferpent par les Romains,
qui n’entendoient guère Miftoire naturelle, étoit
un crocodile monftrueux*
Les Carthaginois effrayés de voir l’ennemi à leur»
portes, demandèrent la paix. Rien n’étoit plus fags
que. de la leur accorda-. Mais Régulus trop enflé
de fes fuccès , y mit des conditions fi dures, qu’ils
aimeront mieux courir les rifques d’une féconds
bataille (1). Vers le même temps, il leur' arriva
de Grèce un officier îaeédémonbn , nommé Xan-'
tippe:, avec un renfort des-troupes. Ce Grec , bien
plus, favant dans l’art des combats que les’ Carthaginois,
eut, le commandement de l’armée, & la
rangea fi habillement, que fes éléphans & la ’cavalerie
mirent en défordre les troupes romaines. Xan-
tippe perdit 800 hommes ; les Romains 13000.
Régulus lui-mème fin pris & conduit à Carthage
On le renvoya, fur fa parole, quelques années apres’
pour traiter à Rome de l’échange des prifonniers!
On fait pue la maxime confiante du gouvernement
romain étoit de les abandonner à l’ennemi qui les
avoit pris. Mais les : Carthaginois, vouloiènt ravoir
les laits. Cependant le' voyage de Régulus n’eût
pas le fuccès qu’ils s’en étoient promis. Ce*général
fi dur dans fes propofitioiis du paix , ne fut pas
plus traitable , lorfqu’il fut queftion de fes propres
intérêts. Car après avoir expofé-au fénat la pro-
pofition des Carthaginois, il confeiüa de 11’y avoir
aucun égard, d’abandonner les prifonniers, de ne:
■ M U d em a n d o i t „ q u e l e s C a r t h a g in o i s c é d u T e n c
». la S a r d a 'g n e & la S i c i l e , q u ’i l s r e n d t f f t tn r l e s p r i -
„ f o n n i e r s t a n s r a n ç o n , q u e s ’ i l s v o u l o i è n t r a c h e v r
l e s l e u r s , il s l e s p a y a j l e n r p a r t è t e ; q u ’ i l s p a y a i t , tr
” l e t f r a i s d e l à g u e r r e , & u n t r ib u : à p e r p é t u i t é ; q ; i s
" n e u lT c iu q u u n f e u l v a i iT e . tn .à l e u r l i f a g e , & q u ' a
” l ’o r d r e d e s c o n f u l , , d a n s la f u i t e , i l s c o n f l r u n è e n r
” c i n q u a n t e tarîmes à l e u r s f r a i s , p o u r l e s À b t tû s r o -
» n a i n e s » . C o m m e l e f e n a c d e C a r t h a g e r e î e t t e i i -
f e s p r o p o r t i o n s , l e s d é p u t é s r é p o n d i r e n t qu'il falloir
vamert les Romains, ou leur obéir. I l s n e l e u r o b é i r e n t
pas alors ; ils les vainquirent.