
par les allimons du Nil, une partie des habitans
defcendit vers la baffe Egypte , tandis que l’autre
relta dans fon ancienne demeure : aufli donnoit-
on autrefois le nom d’Egypte à la Thébaïde ,
flades 3 c,rconférence eft de mille cent vingt
Si donc (c. iô ) , notre fentiment fur l’Egypte
oit jutte, celui des Ioniens ne peut être fondé ;
b , au contraire , l’opinion des Ioniens eft
Traie, il m eft facile de prouver que les Grecs
« les Ioniens eux-mêmes ne raifonnent pas
confequemment lorfqu’ils difent que la terre
le divife en trois parties, l’Europe , l'Aile .& la
y.1 y e ; “ S devoîent y en ajouter une quatrième,
>Aeb j l p f e ^ S y P te a pnifqu’il n’appartient
L3 ' ^ ie » m a la Libye ( i ) ; c a r , fuivant ce
rai onnement, ce n’eft pas le Nil -qui fépare l’Ali e
de la Libye , puifqu’il fe brife à la pointe de
Jvelta,_& le renferme entre fes bras, de façon
que cette contrée fe trouve entre l’Âfie & la
-Libye,
Sans m’arrêter davantage (c . ,7 ) au fentiment
d-s Ioniens, ;e penfe qu’on doit donner le nom
“ Egypte a toute l’étendue de pays qui eft occu-
pee par les Egyptiens, de même que l’on appelle
l e f AT ■ :Yne i esPay s bab!t“ Pt»- les Ciliciens
çt les Adynens; & je ne connois que l’Egypte
que 1 on puifle, à jufte titre , regarder comme fgsm S H i la Libye; « nous SB
tomef rF»e l0plm.0n des Grecs, nous regarderons
félon 1„ 7P qm “ mmence à la Catarafle j o u ,
S b h B B h M Çatadoupes, & à la ville d’Elé-
pbantine, comme un pays divifé- en deux parties
compnfes fous lune & l’autre dénomination I
car 1 une eft de la L ib y e , & l’autre de l’Afie Le
Nil commence à la GafaraSe , partage P E g ', *
Cer 4 * 6 7f X’ ^ A rend à i a " 'er‘ -Infifu’à la ville de
cqfore, il n a qu un feul casai ; mais au-deffous
cette Vll!® > ‘ 1 fe fépare en trois branches qui
prennent trois routes différentes : l ’une s’appelle
la bouche -Pelufienne (*■ ) ( Pelufiacum OftUim)
& va a 1 eft ; 1 autre la bouche Canopique ( Ca
nopicum OJlmm) & coule à l’oueft; la troffième
va tout droit , depuis le haut de l’Egypte juS
la pointe du Delta qu’il partage pal le'milieu
en fe rendant a la-mer (.3 ). Ce canal n’eft ni lè
moins^ confiderable par la quantité de fes eaux ni
le moins célèbre : on le nomme le canal Sében-
(1) Cette manière de divifer la terre étoit „ „ „ r ■
du pea de connoiffance que les anciens àlnû.5 ful e
grandes formes de l’ancien continent. Car il eft ttè«T
de,finir-l’Afie & de commencer
(3l Je parlerai bientôt des fept branchés du Nil.
[ nytique. Du canal Sébennytique partent aufli
deux autres canaux qui vont pareillement fe ilt-
charger dans la mer par deux différèntes bouches .
la Samque & la Mendélienne. La bouche Bolbi-
tine & la Biicoliqué ne font pas l’ouvrage de la
nature, mais des habitans qui les ont creufées (4V
Le Ntl (c. ip ) , dans fes grandes crues inonde
non-feulement le Delta, mais encore des endroits
que Ion dit appartenir à la Libye , ainfi que quelques
petits cantons de l’Arabie , & fe répand de
I un de 1 autre côté l’efpace de deux journées
de chemin , tantôt plus, tantôt moins.
Aduant à la nature de ce fleuve, je n’en ai rien
pu apprendre , ni des prêtres, ni d’aucune autre
perlonne ; j avois cependant.une envie extrême
de javoir d’eux pourquoi le Nil commençoit à
groflir ( 5 ) au folftice d’é té , & continue ainft
durant cent jours; & pour quelle raifon, ayant
cru ce nombre de jours, il fe retire & baillé an
point qu il demeure petit l’hiver entier, & qu’il
reite en cet état jufqu’au retour du folftice d’été.
J eus donc beau m’informer pourquoi ce fleuve
elt de la nature le contraire des autres fleuves (6)
je n en pus rien apprendre d’auc.un Egyptien ’
malgrq les queftions que je leur fis dansla vue
de 111 tnftruire. Ils ne purent me dire pareillement
pourquoi le Nil eft le feul fleuve qui 11e produife
pas de vent frais. 1 .
Cependant (c. ao) il s’eft trouvé des gens
chez les Grecs, qui, pour fe faire un nom par
leur-lavoir, ont entrepris d’expliquer, le débordement
de^ ce fleuve. Des trois opinions qui les
ont partages, il y en a deux que je ne juge pas
meme dignes dètre rapportées; aufli ne ferai-ié
que les indiquer. Suivant la première, ce font
les vents Etéfiens qui reponifant de leur fôuflîe
les eaux du N il, & les empêchant de fe porter ■
ir la mer, occafionnent la crue de ce fleuve ( 7 j •
W & , | S t t » a <ïl,e ces vents n’ont point
encore fouffle, & cependant le Nil n’en groffit
pas moins ; bien .plus, f, les vents Etéfiens étoiént
la caule de 1 inondation, il faudrait aufli que
tous les autres fleuves dont le cours eft oppofé
a ces Vents, eprouvaffentla même chofe que le
* ’ & cela d’autant plus qu’ils font plus petits
m° ,ns rapides: or, il y a en Syrie & en Libye
beaucoup de rivières qiii ne -font point
(4) Je ne puis trop le répéter, il faudrait fe défier
d une carte pu cette bouche Bolibitine ( BMitinum
flü w iu" feprefentee comme celle d’un grand
f i S s S : a . ° yi Z lacarte de 1U- d’Anville, «tf cela
(s) L’inondation commence affez régulièrement à la
fin de juin ; en 1638 elle commença des l e -20 : elle a
lieu trois femames après que les pluies ont commence
en ütjiiopie.
If® Hérodote le trompoit ; il y a d’autres fleuves auk
de^arn"* ^ : 11 V en 3 en Afie» 4aiis le royaume
(7) Il parpit certain que ces vents y contribuent.
fujettes à des débordemens, tels que ceux du
Nil.L
e feconü fentiment (c . 21) eft encore plus
abfurde ;mai$, à dire vrai, il a quelque chofe de
plus merveilleux : félon cette opinion , l’Océan environne
laterre, 8c le Nil opère ce débordement
parce qu’il vient de l’Océan ( 1 ).
Le troifième fentiment ( c. 22) e ft.le plus
faux , quoiqu’il ait un beaucoup plus grand degré
de vraifemblance. C ’eft ne tien dire en effet que
de prétendre que le Nil provient de la fontë des
neiges , lui qui coule de la Libye par le milieu de
l ’Ethiopie , & entre de-là en Egypte ( 2 ) ; con£
ment donc pourroit-il être formé par la fonre des
neiges, puifqu’il vient d'un pays très - chaud ,
dans un pays qui l’eft moins? Un homme capable
de raifonner fur ces matières , peut trouver
ici pU.fleurs preuves qu’il n’eft pas même vrai-
femblable que les débordemens du Nil dérivent
do cette caufe.
La première & la plus.forte vient des vents;
ceux qui fouffient de ce pays-là font chauds. La
fécondé fe tire de ce qu’on rie voit jamais en
ce pàys ni pluie ni glace. S’il y neigeoit, il fau-
droit aufli qu’il y plût ; car c’eft une néceflité
abfolue que, dans un pays où il tombe de la
neige , il pleuve dans l’efpace de cinq jours ; la
troiftème vient de ce que la chaleur y rend les
hommes noirs , de ce que les milans 8c les hirondelles
y demeurent toute l’année, & de ce que
les grues y viennent en hiver, pour éviter les
froids de la Scythie. Si donc il neigeoit même
en petite quantité, dans le pays que traverfe le
N i l , ou dans celui où il prend fa fource, il eft
certain qu’il n’arriveroit rien de toutes ces cho-
fe s , comme le prouve ce raifonnement.
Celui qui a (c. 25) attribué à l’Océan la caufe
du débordement du N il, a eu recours à une
fable obfcure , au lieu de raifons convaincantes ;
car pour moi je ne connois point de fleuve
que l’on puifle appeler Océan, & je penfe qu’Ho-
mère, ou quelqu’autre poëje plus ancien, ayant
inventé ce nom, l’a introduit dans la poéfie (3 ) .
, (1) Selon Diodore, c’étoit l’opinion des prêtres d’E-
gypte. On a eu raifon, fans doute , de vanter la fagefle
Aes Egyptiens, mais on ne nous fera pas croire à leur
fa voir.
(a) Hérodote fe trompe ici avec beaucoup d’autres
Grecs, car non-feulement il y a quelquefois de la
neige fur les hautes montagnes de l’Abyffinie -, niais il eft
reconnu ^ue ce font les pluies tombées en abondance
& régulièrement dans cette partie de l’Afrique. On
remarque qu’Homère donne au Nil l’épithète de ,
ou grofli par les pluies. Le con jeau roit-il. ou le
favoit-il?
(3) M. Larcher obferve, avec raifon, qu’il eft bien
étonnant qu’Hérodote parle ainfi: il eft confiant qu’Homère
étoit plus inftruit en géographie , puifqu’il dit.que
le foleil s’élève de l’Océan, &. qu’il s’y cou.che -, que
l’Océan environne la terre. Et Hérodote en connoît fi
peu le nom, qu’il le prend pour celui d’un fleuve.
Maïs (c< £4) f i , après avoir rejette les opinions
précédentes ; il eft néçeflaire que je déclare
moi-même ce que je penfe fur ces choies cachées,
je dirai qu’il me paroît que le Nil groflit en été ,
parce qu’en hiver le foleil chafle de fon ancienne
route par la rigueur de la faifori, parcourt alors
la région du ciel qui répond à la Libye ( 4 ) .
Voilà en peu de mots la raifon de cette crue ;
car il eft probable que plus ce dieu tend vers
un pays & s’approche, & plus il le déflecho
& en tarit les fleuves.
_ Mais (c . 2 f ) il faut expliquer cela d’une manière
plus étendue ; l’air eft toujours ferein dans
la Libye fupérieure; il y fait toujours chaud , 8c
jamais il ne fouffle de vents froids ; lorfque le foleil
parcourt ce pays , il y produit le même effet qi.* I
a coutume de produire en é té , quand il pafle
par le milieu du ciel ; il attire les vapeurs à lu i,
& les repouffe enfuite vers les lieux élevés, où
les vents lès ayant reçues , les difperfenr 8c les
fondent. C ’eft vraifemblablement par cette raifon
que les vents qui fouffient de ce pays comme le
fud & le fud-oueft, font le plus pluvieux de
tous. Je crois cependant que le foleil ne renvoie
pas toute l’eau du Nil qu’il attire annuellement,
mais qu’il s’en réferve une partie.
Lorfque l’hiver eft adouci, le foleil retourne
au milieu, du c iel, & de-là il attire également
des vapeurs de tous les fleuves. Jufqu’alors iis
augmentent confidér'ablement à caufe' des pluies
dont la terre eft arrofée, & qui forment des
torrens; mais ils deviennent foibles en été, parce
que les pluies leur manquent, & que le foleil
attire une partie de leurs eaux. 11 n’en eft pas
de même du Nil: comme en hiver il eft dépourvu
des eaux de pluies, & que le foleil en élève
des vapeurs, c’e ft, avec raifon, la feule rivière
dont les eaux foient beaucoup plus baffes en cette
faifon qu’en été. Le foleil l’attire de même que
tous les autres fleuves ; mais l’hiver il eft le feul
que cet aftre met à contribution : c!eft pourquoi
je regarde le foleil comme la caufe de ces effets.
C ’eft lui aufli qui rend, à mon av is , Pair fec
en ce pays, parce qu’il le brûle fur fon paflage ;
8c c’eft pour cela qu’un été perpétuel règne dans
la Libye fupérieure. Si l’ordre des faifons & la
pofition du ciel venoier.t à changer de manière
que le nord prît la place du fud, & le fud celle
du nord, alors le foleil, chafle du milieu du ciel
par l’hiver, prendroit fans doute Ton cours par
la partie fupérieure de l’Europe , comme il le
fait aujourd’hui par le haut de la L iby e , 8c je
penfe qu’en traverfant ainfi toute l’Europe, il
(4) Si tout ce qu’a dit Hérodote fur le Nil ne prouvoit
pas fon peu de connoiffance en hiftoire naturelle, fon
fentiment qu’il expofe ici très-gratuitement, fuffiroit
pour nous en convaincre ; il n’entendoit rien non nlus
à l’aftronornâe.
l i i s.