affaire.fi fon % d i core jeune, n’eût eu le bonheur
de fauver Ces jours*
Peu après, l'année qui croit en Sicile, fous les
ordres de Semprorùus Longus, vint joindre celle
tte Scipion. Il le donna une féconde bataille près
«es bords de la Trèbie, & les Romains la perdirent.
\ ainqneur des deux confiais, Annibal vint à
bout, malgré les rigueurs de la faifon, de paffer
l’Apennin. Le mauvais air des marais, dans lef-
quels il fallut marcher plulieurs jours, lui coûta
la perte d’un oeil, & lui enleva un grand nombre
de foidats & de bêtes de charge : enfin, il entra
en Etrane. Cétoit-là que Fattenckùt le conful Fla-
micius, homme emporté, qui croyoit n’avoir qu’à
combatte pour terminer aufii-tot la guerre. Annibal
( 53^ ) informé des difipofitions du général romain,
le pcfia avantagetifement, & lui préfenta la bataille.
Flsmtmus lbrtit pour l’accepter : il fut bientôt enveloppe
par les troupes qu’Annibal avoît poflées
derrière les montagnes. Lui-même périt dans ce
combat, & il n’échappa qu'un très-petit nombre de
loldats, qui coururent porter à Rome la douleur
& la confiernation : cette bataille, donnée auprès
du lac Trafymène , en prit le nom. Pour faire di-
verfion, les Romains portèrent la guerre en Hif-
pam^, fous la conduite des deux Scipion, Cnéius &
Publics. Us réuffirent par la valeur de leurs armes
& la douceur de leur caractère ; & , en fort peu de
temps , ils eurent battu les Carthaginois & gagné
ramifié des peuples & l’Hifpanie.
Les Romains, voyant que le mauvais état de
lems afiâires venoit autant de la mauvaife conduite
de leurs généraux que de la valeur des Carthaginois,
fentirent qu’il falloir leur oppofer un
homme d’une expérience & d’une valeur éprouvées.
L e choix tomba fur Quintus Fabius.
Des qu’il fut à la tête des troupes , il nait tous fes
foins à ne donner à'l’ennemi aucune prifie fur l’armée;
& , par cette fâge lenteur, il déconcerta Anni-
bal. Son général de la cavalerie, qui n’étoit pas , à
beaucoup près, auifi prudent, ofa l’accufer à Rome
de négligence; & il obtint, chofefans exemple,
(Têtre égal en pouvoir à fon diâateur : la fuite de
cette étrange nouveauté fut qu’il put avoir fur fes
ordre la moitié de l’armée , & qu’il chercha enfuite
l’occafion de combattre Annibal. Celui-ci ravageoit
l’Apulie, le Samnium & la Campanie. Minucius
trouva bientôt le moyen d’engager un combat ;
mais il y'auroit reçu la jufte peine de fa témérité
, fi FabhîS*fi’avoit eu la généroiité de venir à
fon fecours. Il fentit toute la grandeur de ce procédé
, pénétré de reconnoifiânce , il crut ne
pouvoir mieux le reconnaître qu’en fe démettant
auffi-tôt du pouvoir qu’on lui avoit accordé: il cefla
de vouloir commander, trop heureux de n’avoir
plus qu’à obéir. Quelque temps après, le général
romain trouva moyen de re&crrer Annibal entre
des montagnes. Les- Carthaginois y auraient in-
dubhablernent péri, fans une de ces rides de guerre
(pu reulTiffoîetlt toujours fi bien à leur général, parce
que fon génie lui fournifioit toujours l’expédient
le plus propre à la circonfiance. Annibal fit prendre
deux mille boeufs, & fit attacher à leurs cornes
de petits fagots, auxquels ont mit le feu dès que
la nuit fut venue. Agités par la frayeur & par la
douleur que le feu leur caufoit, ils* fe répandirent
dans les campagnes. Les Romains prirent aufîi-tôt
l’alarme : la prudence du général ne lui permit
pas de faire aucun mouvement ; & , pendant qu’il
attendoit le jour, Annibal lui échappa.
Cependant les ennemis de Fabius l’accufèrent à
Rome de lenteur & même de mauvaife volonté.
Le peuple, prcfque toujours féduit par les apparences,
& très-aifément entraîné vers les impref-
fions qu'on veut lui faire prendre, voyant qu’en effet
Annibal fe promenoit avec tous les dehors de la
fécurité, dans les riches plaines de la Campanie,
n’eut pas de peine à recevoir ces impreflions fàuffes
& injufles. Ainfi Fabius ne fut pas continué l’année
mivante.
538. On nomma pour confuis Terentius Varro ,
plébéien, & Emilius Paulus. Cette création fut plus
funefte & plus mal affortie que celle du.confulat
de Flaminius. Emilius étoit illuftre par fa naiflance ;
il avoit toutes les qualités qui font les héros.
Terentius étoit un petit génie ,qui n’avoitpour
mérite qu’une préemption téméraire, un orgueil
infupportable qui alloit jufqu’à l’infolence, & qui
fe vantoit de défaire les Carthaginois , auffi facilement
que s’il n’avoit eu que des enfans à combattre.
Les Romains avoient fait des efforts extraordinaires,
pour mettrefur pied la plus belle armée qu’ils euffent
jufqu’alors oppofée à Annibal ; elle étoit de quatre-
vingt mille hommes de pied & de fix mille chevaux.
Celle d’Annibal étoit de quarante mille hommes
de pied & de dix mille chevaux. Il étoit féduit au
défefpoir :• il manquoit de vivres; fes foidats fe muti-
noient ; Il n’en pouvoit recevoir, parce que les Romains
occupoient tous les poftes: les Gaülois & les
Efpagnols vouloient. le quittter : il fe fervit de plu-
fieurs ftratagémes ; il abandonna fon camp ; il fit
plufieurs tentatives, le tout inutilement; il étoit fur
le point d’abandonner fon infanterie & de fe retirer
avec fa cavalerie dans les Gaules : mais la mauvaife
fortune de la république romaine le tira de ce mauvais
pas.
Terentius l’emporta dans le confeil de guerre,
malgré les avis lalutaires d’Emilius, qui faifoit
voir évidemment la perte d’Annibal, fans combattre;
il fut réfolu qu’on l’attaqueroit. On ne peut exprimer
la joie d’Annibal, lorfqu’il apprit cette résolution.
Mettant tout en oeuvre dans cette occafion ,
il envoya d’abord quantité de foidats , qui, fous le
nom de déferteurs, furent mis dans l’armée romaine.
Il avoit remarqué qu’il fouffloit un vent, lorf-
auc le foleil avoit fait la moitié de fa courle, qui
elevoit une poufiière infupportable ; que le foleil
donneroit dans ce temps-la dans les yeux des Romains
, 8c les aveugleroit.
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Annibal fe retrancha dans le bourg de Cannes \
laifia traverfer L'Aufidus qui féparoit les deux camps,
fans en défendre le paffage , parce qu’Annibal ne
refpirojt que le combat, oc avoit réfolu de vaincre
ou de mourir.
Tout ce qu’il avoit projetté réuffit; il défendit
le bourg do Cannes, jufqu’à ce que le foleil eût
achevé la moitié de fa carrière , oc fe retira enfuite
dans la plaine , où il rangea fon armée en bataille:
l’infanterie romaine fit d’abord des merveilles
, fit plier celle des Carthaginois ; mais la cavalerie
numide la mit en défordre, parce que la poudre
& le foleil aveugloient tellement les Romains,
que ce ne fut plus un combat, mais un maffacre :
ce fut pour la première fois qu’Annibal, voyant une
fi grande boucherie, la fit cefi'er : 50000 Romains
relièrent morts fur le champ de bataille, entre lesquels
fe trouvèrent le conful Emilius, Servilius qui
l’avoit été l’année précédente, & 80 fenateurs : on
remplit trois boiffeaux d’anneaux d’o r , qui furent
envoyés à Carthage, pour indiquer quelle quantité
de noblefîe romaine étoit périe dans ce combat.
Terentius fe fauva à Canufium, avec 50 chevaliers;
8c, après avoir raffemblé avec foin les
fuyards, il retourna à Rome avec 14000 hommes.
Le fénat le reçut avec autant d’honneur que s’il
eût remporté la viâoire , parce que ce petit nombre
de troupes étoit regardé comme autant de victimes
qu’il avoit fauvées de la fureur des ennemis.
Il témoigna, le refie de fa vie , un fi fenfible regret
de fa faute, que jamais il ne voulut faire
•faire fa barbe , ni fes cheveux ; il ne prit fes repas
que debout , n’affifla à aucun fpeâacle , & ne
Voulut jamais exercer aucune charge publique.
On remarque que Lentulus, chevalier, ayant
offert fon cheval & fon fecours au conful Emilius
, qui étoit bleffé : non , lui répondit ce grand
homme; je me fens, & ne fuis plus en état de
fervir la république ; fauvez-vous vous-même : je
vous prie de dire à Fabius, que fi Terentius avoit
voulu fuivre mon confeil, Rome ne feroit pas
aujourd'hui foumife à Carthage. Comme ce chevalier
faifoit des inflances auprès de ce conful, il lui
dit : fauvez-vous ; ne perdez pas votre temps auprès
d’un homme qui n’a plus qu’un htoment à vivre ,
qui meurt avec regret de voir périr fa patrie.
SemproniusTuditanus arrêta fix cens chevaliers
oui fuyoient devant la cavalerie carthaginoife.
Àl\ ! dit il, mes compagnons ; vous fuyez à vous
êtes romains I Ils s’ouvrirent un pafi'age l’épée à la
main, 8c fe fauvèrent à Canufium.
l e Jeune Publius Cornélius Scipion fit changer J
Gc deflein à trente chevaliers romains, qui croyoient
Rome perdue, & qui avoient réfolu de s’exiler
pour aller chercher de l’emploi dans les troupes
étrangères; il mit l’épée à la main, & les menaça
de les faire tailler en pièces , s’ils ne renon-
çoient a un h lâche îleflein, & s'ils ne s’enga-
geoieuf pat un ferment foienuiel à répandre leur
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f fang pour le fàîut de la patrie, qui n’étoit pas fi
prête de fa perte qu ils fe l’ùnaginoient.
La bataille de Cannes ne coûta que huit mille
j hommes à Annibal ; il en pleura la perte, parce que
c’étoit l’élite de fes troupes.
Maherbül, fils d’Imiléon, général delà cavalerie
carthaginoife, confeilia à Annibal d’aller à Rome,
& lui promit, dans cinq jours, de le faire fouper
dans le Capitole ; mais lorfqu’il lui dit qu’il y avoit
du temps pour y penfer, Ma'nerbal lui répondit
que les dieux n’accordoient jamais à un feul homme
toutes leurs faveurs ; qu’il favoit bien vaincre,
mais qu’il ne favoit pas fe fervir de fa viâoire.
Annibal pafiâ fiept jours à faire enterrer fes
foxaats qui avoient été tués , à partager les dépouilles
à fes troupes, à les rafraîchir, a faire pan-
fer les Méfiés, à difpofer des prifonniers, & à recevoir
les ambaflàdeurs , qui le venaient congratuler
fur fa viâoire.
Nous avons vu jufqu’à préfent , Annibal victorieux
; nous allons le voir dans la fuite toujours
battu. La faute qu’il fit , de ne pas fuivre les confiais
de Maherbal, fut irréparable.
Le fénat ordonna des prières publiques, de
grands facrifices, un deuil de 30 jours; & par un
décret, fit défenfes après ce temps-là , à qui que
ce fu t, de témoigner la moindre démonflration de
‘ triffefiè.
Après que la république crut avoir fléchi la
colère des dieux, elle créa un diâateur pour réparer
les malheurs de la bataille de Cannes.
On mit en moins de fix jours, trente mîllf» hommes
fur pied.
Huit mille efclaves furent affranchis aux dépens
du tréfor public.
On donna la liberté à fix mille prifonniers
pour dettes.
Marcellus amena du port d’Offie, quinze cens
hommes.
Toutes ces troupes jointes , avec le fecours des
Latins, compofa une année de vingt-huit mille
hommes, & une autre de dix-huit mille, qu’on
lailïa dans la ville.
Annibal, après avoir perdu du temps & beaucoup
de foidats devant Naples, en leva le liège.
Il fe retira à Capoue, qui lui ouvrit fes portes ,
& rompit rallianee des Romains, malgré Décius
Mafgius, un des principaux de la v ille , & la fit
avec Annibal.
Annibal fie préfenta devant Noie, où étoit M.
Claudius Marcellus, avec une toute garnifon, qui
l’obligea de lever le fiège, après avoir perdu fiept
mille hommes en trois afiàuts.
Il prit Àcerre, qui ne fie défendit pas.
Il attaqua enfuite Cafilm : après cinq mois de
fiège, & y avoir perdu plus de douze mille
hommes, il fut contraint de lever le fiége.
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