
Céfar époufa Livie , femme de Tibère-Néron ,
enceinte de fix mois : quand elle fut accouchée , elle
envoya, l’enfant à ion père, qui lui donna le nom
de Drufus.
717. Antoine , qui étoit paffé en Italie pôurfe-
courir Céfar , qui avoit perdu deux batailles , après
lui avoir donné cent galères^ retourna en Âfie.
Cléopâtre vint trouver Antoine en Syrie,
avec deux enfans dont elle l’avoit fait père en un
même jour; ils étoient fi beaux, qu’il donna au
mâle le nom de Soleil, & à la fille celui de Lune.
Pour récompenfer Cléopâtre d’un fi beau p'réfent,
il lui donna la Phénicie , la baffe Syrie, une grande
partie de la, Judée & l’île de Cypre.
Antoine renvoie Cléopâtre en Egypte, pour
aller contre les Parthes, avec uue armée de -c'ent
mille hommes : tout le favorifoit dans fon entre-
prife ; Phraate, fils d’Orode, s’étoit rendu odieux
par fes crûautés ; il avoit fait mourir tous fes frères ;
il avoit tué de fa propre main fon père , qui lui
avoit reproché fa barbarie. Tout étoit en com-
buftion chez les Parthes : Marc-Antoine, que fon
amour aveugloit, ne fut pas profiter d’une conjoncture
fi favorable.
Antoine, ayant laiffé trois cènts chariots chargés
de fés. plus belles machines de guerre à moitié
chemin, alla affiéger Praafpa , capitale de la Mé-
die. Phraate," avec vingt mille hommes, alla dans
l’endroit où Marc-Antoine avoit laiffé fes chariots
& fes machines , tailla en pièces les dix mille
hommes qui les gardaient, y mit le feu", fit en-
fuite lever le fiége de Praafpa, pourfuivit Antoine,
qui, dans fa retraite, fut obligé de donner dix-huit
petits combats ; il y perdit vingt-deux mille hommes
de pied & quatre mille chevaux. Cléopâtre le
vint trouver en Syrie : la paffion qu’il eut pour
cette princeffe fut la caufe de fous fes malheurs.
Pompée, juftement irrité contre Céfar, qui s’op-
pofoit à fon confulat & à fa fouveraine facrifi-
cature, reprit les armes. Agrippa , amiral de Céfar ,-
défit dans une bataille navale, Pompée. Il s’enfuit
avec dix-fept vaiffeaux, qui lui relièrent de toute
fa flotte.
Céfar n’ayant plus de concurrent dans Pompée,
ayant ôté à Lépidus l’Afrique, lui ayant laiffé la
vie & l’ayant fait fouverain pontife, retourna à
Rome, gagna l’amour du peuple en diminuant les
impôts; & l’eflime de la nobleffe, en ne permettant
qu’aux fénateurs & aux magiflrats de porter
la robe de pourpre. Ilsfe laiffoient traiter en enfans
qu’on amuie avec des hochets.
718. Ces deux confuls n’achevèrent point l’année
de leur confulat ; ils en furent dépouillés fans
qu’on en fâche la caufe.
'719. Pompée, dans fa fuite, fut pris par ceux
que Maie-Antoine avoit envoyés pouf s’en défaire
, parce qu’il avoit appris qu’il avoit deffein
de paffer chez les Parthes, pour fe liguer, avec
eux contre lui ; ils lui coupèrent la- têtêï ' ’Ainfi finit
la famille ’du grand Pompée.
Antoine, par une feule bataille, s’empafé des états
d’Artabaze, roi d’Arménie , parce qu’il avoit donne
du fecours aux Parthes, dans le temps qu’il leur
faifoit la guerre.
Antoine fe rendit odieux , « en donnant à Cléopâtre
le titre de reine des ro is, & à Céfarion,
fils de Jules Céfar , la qualité de roi des rois.
Cette averfion augmenta, lorfqu’il détacha les
plus belles provinces de l’empire pour les donner
aux enfans de Cléopâtre.
720. Le fénat déclare Antoine ennemi du
peuple Romain.
721. Antoine met dans fes intérêts, Artuafdes,'
roi des Mèdes.
Cléopâtre donna à Marc-Antoine fix cents navires
, & douze millions d’or.
722. Marc-Antoine reçoit très-mal Oéiavie,
foii époufe, qui, à fes dépens, luimenoit deux mille
hommes à fon fecours. On ne peut rien de plus
grand que ce que fit O&avie, & rien de plus ingrat
que le procédé d’Antoine.
Antoine ne profita' pas de la haine univerfelle
qu’on avoit pour Céfar, à caufe de fes violences pour
tirer de l’argent, & de la dureté des impofitions : fi,,
dans ce temps-là, il fût venu en Italie, Céfar étoit
perdu.
723. Antoine vit arriver dans fon camp, les rois
de Lydie, de Cilicie, de Capadoce, de Paphlagonie
, de Comagène, de Thrace, de Galatie, de
Médie , de Judée, des troupes de Pont, d’Arabie,
& de Lacaonie. On convint qu’on décideroit de
l’empire par une. bataillé navale près du promontoire
d’Aétium. Voici la difpofition des deux armées.
Antoine commandoit Faîle droite avec Publicola,
Clélius l ’aile gauche, M. Oéfave & Juftéjus étoient
dans le milieu au corps de bataille.
" Agrippa étoit à l’aile droite, Oélave Céfar à
l’aile gauche, Anmcius au- corps du milieu : la
flotte de Céfar n’étoit que de quatre cent&voiles ;
mais il y avoit de meilleurs pilotes, fes foldàts
étoient mieux armés, & fes vaiffeaux plus légers
pour la manoeuvre.
Dès que Cléopâtre vit ,1e choc, la fureur,,
le carnage, la mer teinte de fang & couverte des
débrisj des vaiffeaux., des morts & des mourany,
comme elle n’étoit | point accutumée à ces fan-
glans fpeâacles, elle prit la fuite avec foixante
gros vaiffeaux, qu’elle avoit pris pour l’ëfcortef.
Antoine, que l’amour aveugloit, ne vit pas plutôt
fa reine fuir, qu’il quitta le combat & là fui-
vit ; il fe jeta dans un efquif, accompagné feulement
de deux domefiiques , fans fe fouvenir de fes
amis, de fes capitaines & de fes foldats, qu’il
laiffoit à la difcretion de fes ennemis.
Céfar voyant -Tôbflinatiori de fes ennemis j qui
cembattoient avec toute la valeur poffible, tout
abandonnés qu’ils étoient , commanda qu’on brûlât
les vaiffeaux : en peu de temps on vit plus de
deux cents vaiffeaux embrafés on ne peut exprimer
l’horreur de cet effroyable incendie , & les
cris perçans de plus de quarante mille perfonnes
qui brûloient tout vivans.
On fauva de cèt incendie trois cents vaifféâux,
qui mirent bas les voiles. Par cette entière viâoire,
Céfar fe vit maître de l’empire du monde.
L’armée de terre, qui étoit de plus de cent mille
hommes, dans laquelle étoit la plus grande partie
des rois dont nous avons parlé, fe rendit à Céfar ,
qui leur confirma les avantages qu’ils avoient reçus
d’Antoine.
Céfar célébra par des fêtes, qui durèrent cinq
jours , cette grande viftoire ; il fit bâtir la ville de
Nicopolis, pour en-conferver la-mémoire à la pof-
térité.
Cléopâtre, craignant qu’on ne lui ouvrît pas les
portes d’Alexandrie, fit attacher des couronnes
fur toutes les proues de fes vaiffeaiix : cet artifice
réuffit ; elle entra en triomphe dans Alexandrie,
mais qnand on eut apprisja défaite d’Antoine, chacun
murmura : pour faire ceffer les bruits, elle en
fit punir quelques-uns des plus animés.
Antoine & Cléopâtre voulurent agir par négociation
auprès de Céfar : Antoine lui envoya des
àmbaffadeurs, qu’il chargea dé préfens : on ne lui
fit point de réponfe.
Cléopâtre envoya les fiens fans en rien communiquer
à Antoine; ils préfentèrent aux vainqueurs
une couronne , un fceptre & un trône d’or.
Céfar les reçut avec joie, & lui fit dire, que puif-
qu’elle mettoit fés états fous fa protection, qu’il
l’y maintiendroit, fi elle vouloit fe défaire d’Antoine.
Antoine fit une fécondé tentative ; il envoya
fon fils Antile à Céfar, avec de riches préfens, &
le pria qu’en confidération de leur ancienne
alliance, ü ne pouffât pas les chofes à la dernière
extrémité. Céfar ne fit aucune réponfe à Antoine,
& fit dire en fecret à Cléopâtre , que l’amour qu’il
avoit conçu pour elle étoit caufe de la dureté
qu’il avoit pour Antoine.
Quoique Cléopâtre fût l’unique fourcè des
malheurs de fon amant, fa vanité lui faifant croire
qu’elle poffédoit le coeur du maître de l’univers ,
par une perfidie digne du coeur d’une courtifane,
elle réfolut de fe défaire d’Antoine.
Céfar vint en Egypte ,prit Pélufium d’affaut,
défit Marc-Antoine , qui étoit venu au fecours de
la plâce : il gagna fes vaiffeaux pour fe retirer en
Efpagne ; mais l’amour qu’il avoit pour Cléopâtre
aie lui permit pas de fortir d’Egypte ; il apprit que
cette reine s’étoit retirée dans un bâtiment deftiné
à être fon tombeau, & qu’elle s’y étoit tuée. Cette
femme perfide avoit fait courir ce bruit, pour fe
défaire d’Antoine , bien perfuadée qu’il ne lui fur-
yivroit pas.
Cette nouvelle fut la plus fenfible qu’il eût reçue
de fa vie ; il pria Eros, fon écuyer, de le tuer. Ce
fidèle domeftique en fe tuant, lui dit : u je ne fais
» point, feigneur, mettre la main fur mon maître ,
» mais je fais lui én donner l’exemple quand il man-
” que de courage pour le faire ». Antoine, confus de
ce reproche , fe donna de fon épée dans le corps.
Cléopâtre, qui le faifoit fuivre, apprit bientôt ce
qui s’étoit paffé : Antoine de fon côté, apprit que la
reine vivoit ; , il fe fit tranfporter où elle étoit, & il
expira fur les genoux de cette princeffe elle ne put
s’empêcher de donner des larmes à ce malheureux
amant, qui s’eftima heureux d’avoir fait connoître
à Cléopâtre qu’il avoit préféré la mort à la vie ,
privé de fa préfence.
Telle fut la fin d’un des plus grands hommes de
fon fiècle, & qui auroit été fans doute le premier,
s’il eût fu profiter dé fes avantages, & fi fon coeur
eût eu la force de réfifter aux charmes de Cléopâtre
, qui fut récueil où fa vie , fa fortune & fon
honneur firent naufrage.
Cléopâtre fit avertir Céfar de la mort d’Antoine:
dans la vifite qu’il lui rendit, elle vit bien
que l’efprit avoit plus de part à fes complimens
que le coeur, & qu’il la vouloit garder pour fon
triomphe; elle feignit à fon tour, & ayant réfolu
de mourir , elle s’habilla de fes, orneniens royaux ;
on la trouva morte fur fon trône , appuyant de
fa main droite fa couronne pour montrer qu’elle
mouroit reine, tenant dans la gauche une lettre
par laquelle elle prioit Céfar qu’on mît fon tombeau
auprès de celui de Marc-Antoine.
Céfar, pour étouffer toutes les fomences de
guerres, fit couper la tête à l’aîné des enfans d’Antoine
& de Fulvie, fît étrangler Antile, l’aîné
de ceux qu’il avoit eus de Cléopâtre : Céfarion ,
fils de Jules-Çéfàr & de Cléopâtre, eut le même
fort; il réferva trois enfans d’Antoine & de Cléopâtre
pour fon triomphe, Lavoir, la jeune Cléopâtre,
Alexandre & Ptolomée.
La jeûne Cléopâtre époufa Juba Coriolan; elle
étoit plus belle que fa mère : les hifroriens enjjpar-
lent comme d?un prodige de beauté.
Alexandre & Ptolomée furent mariés aux deux
filles d’Oâàvie & d’Antoine.
L’Egypte fut réduite en province ; Céfar y établit
Cornélius Gallus, en qualité de préteur.
Le fénat décerna des honneurs extraordinaires
à Céfar, & des fêtes folemnelles ; fon triomphe
dura trois jours r ce furent trois triomphes.
Celui de Pannonie , oùCurius, fon lieutenant,
avoit fait de très-belles chofes.
Celui de la bataille d’Aéfruin ,& celui de la conquête
d’Egypte.
Le temple de Janus fut fermé; Céfar .voulut fe
démettre de l’empire ; Mêcènès s’y oppofa , & le
fénat en fit de même.
On donne à Céfar le titre drempereur.
Céfar partage les provinces de l’empire entre
l’empereur & lé fénat.
Le fénat, en reconnoiffance, lui donne le nom
d'Augufle.
Ç’eft à cet événement, que fe termine la république
romaine. Avant de paffer à l’hifioire rapide de