
campa gnefe retira dans la v ille; Camille invertit
la place : ion defiéin n’étoit pas de terminer la
guerre promptement ; mais plutôt de tenir quelque
temps le peuple en campagne. C ’eft ainfi que
l’on fe jouoit de la plus nombreufe & de la plus utile
partie de la nation : 8c fi le peuple eût été moins
crédule ou moins docile , on eût traité de révolte
le refus qu’il eût fait de fe laiffer plus
long-temps abufer. Que nous favons mal l’hiftoire
romaine ! Et qu’il eft à dtfirer que quelque homme,
réunifiant les talens de Vertot à la philofophie
qui a depuis éclairé les pol tiques, écrive une hif-
toire romaine, en offrant la fuite des faits & la
caufe des révolutions dépouillées de nos anciens
préjugés !
Les mefures que prenoit Camille, pour traîner
le fiège en longueur, furent rompues par un événement
inefpéré,» q u i, malgré lu i, hâta fa victoire.
Un homme de Falères, chargé de l’éducation
de la jeuneffe, vint livrer au général romain
les enfans des plus nobles de la ville.
Cette tâche trahifon indigna Camille ; il fit dépouiller
ce traître pédagogue, & ordonna à fes
élèves de le reconduire à la v ille , en le battant de
verges. On peut croire que cet ordre fut bien
exécuté. Les Falifques-, touchés d’un procédé fi
noble, fe réunirent aux Romains. La guerre qui
fe faifoit en même temps contre les Eques, fe termina
par une bataille que perdit ce peuple : quelques
autres eurent une -fin aufli heurenfe.
On a blâmé les tribuns d’avoir inquiété Camille à fon retour à Rome , tandis qu’il s’étoit concilié
la vénération du fénat & l’amour du peuple : on
peut les juftifier par les faits même que rapportent
les hiftoriens. Le fénat qui voyoit en Qa-
mille un homme attaché à fes principes, & dont
les talens agrandiffoient la ^puiffance* de l’état,
devoit le chérir infiniment : le peuple, qui fe
laîffe volontiers entraîner par la popularité- &-
réclat de la gloire , admiroit Camille aveuglément,
je dirais prefque moutonnement; mais les
tribuns, voyant que le fiège de Vçïes 'avoit duré
dix ans, & foüpçonnant peut-être la politique de
Camille, politique dont les hiftoriens conviennent
qu’il alloit faire ufage ,au fiège de Falife ; voyant
de plus que dans le partage du butin de cette dernière
v ille, il s’étoit réfervé une part plus confi-
dérable qu’il ne l’avouoit, ils le citèrent en jugement.
La preuve même qu’il ne put fe juftifier
de cette accufation, c’eft qu’il s’exila volontairement,
& fe retira chez les Rutules. On dit, pour
exeufer fa retraite , qu’il eraignoit la puiflance
de fes ennemis. Mais s’il ne leur eût pas prêté
des armes par fa conduite, qu’eût-il eu à craindre
, après de fi grands fuccès ? Un général,
fit l’on en a eu la preuve en d’autres pays, peut
être un très-grand homme de guerre, un miniftre,
un grand homme d’état, 8c cependant, l’un comme
l ’autre ,écrafer le peuple, faifanten même temps
la gloire le malheur de 1a nation.
Maïs, pour le bien même de l’é t a t o t l eu?
bientôt occafion de regretter Camille. Les Gaulois
( 365 ) venoient de pénétrer en Italie; ils met-
toient le liège devant Clufium ; bientôt ils marchèrent
vers Rome au nombre-de foixante mille:
on alla à leur rencontre ; mais le corps d’armée
ayant p lié, les ailes le retirèrent fans combattre.
Quelques fuyards portèrent 1 ai larme St la conf-
ternation dans la ville ; ceux qui le trouvèrent
en état de faire réfiftance s’enfuirent dans le Capitole
; un grand nombre s’enfuit dans les villes
voifines. Quelques vieux .fénateurs, St quelques
prêtres, animés d’un héroïüne un peu ex ai té ,
ofèrent attendre l’ennemi au milieu de la place
publique. Les Gaulois fiirent d’abord pénétrés de
refpeét pour ces hommes âgés, qui n’étoient point
en armes ; mais un loldat Gaulois ayant touché
la longue barbe de Marcus Papirus-, celui-ci, of-
fenfé de cette familiarité, qu’il regardoit comme
un manque de relpeél, lui déchargea ùir la tête
un coup de fon bâton d’ivoire ; le loldat le frappa
aullî-tôt de fon épée, St les camarades traitèrent
de même les autres Romains : ce fut le lignai du
défordre ; toutes les mâifons furent miles au pillage
; elles devinrent bieniôt la proie des flammes.
Brennus, chef des Gaulois , fit fommerde fe
rendre lès troupes retirées dans le capitole] :
ce fut inutilement ; il affiégea la place. Pendant
ce temps C-am lie, qui s’étoit retiré dans la ville
d’Ardea, s’étant mis à la tête des Romains , qui
de tous côtés s’étoient rendus près de lui, tomba
fur une partie des Gaulois & les tailla en pièces.
Alors les Romains accoururent de toutes parts ;
il fe forma une armée. Mais foit réellement
par un refpeft imbécille pour une loi dont les çir-
conftances urgentes dévoient fufpendre l’effet
foie plutôt ,. comme je le penfe, pour contribuer
à maintenir le peuple dans cette dépendance
fous le fénat, il ne voulut .jamais commander
l’armée, que le fénat ne l’eût nommé di&ateur.
C ’étoit rifquer de ne l’être pas 8c de perdre l’état.
Mais que ne peut le courage un jeune
homme parvint à traverfer le camp des Gau«»
lois , monta au capitole , 8c rapporta la nomination
de Camille. Les Gaulois trouvèrent auffi le
fentier qui «onduifoit au capitole. Ils y montèrent de
nuit. Mais des oies ayant éveillé les Romains, Manlius,
homme confulaire, fauta aux armes le premier
fit repouffa l’ennemi. Il fut bientôt fuivj d!un grand
nombre de foldats bien armés. Les Gaulois fiirent
précipités du rocher. On donna à Manlius le fur-
nom de Capitolinus , & l’on inftitua en l’honneur
des oies, une proceftion folemnelle. On y por«»
toit un de ces animaux en triomphe, & l’on em-
paloit un chien avec un branche de fureau, parce
que les chiens avoient gardé le filence.
Pendant que Camille cherchoit à raffembler les
reft.es de la bataille de l’Allia, comme la difette étoit
égale dans le camp de Brennus fit dans le capitale,
on eq vint à un accommodement, Les Romains
offrirent
èffrirent aux Gaulois une femme confidérabîe,
four les ëïîgâger à fe retirer. Pendant qu’ils trai-
tolent enfemble, Camille arrive; en qualité de dictateur,
rompt tout ce qui avoit été fait fans fon aveu,
bat lés Gaulois au milieu de Rome, oblige Bren-
hiis à lever le fiège, &• le défait entièrement en
fafe campagne.
. La ÉÉg ( én 364 ) n’offrait plus alors qu’un amas
de décombres , qu’il falloit .de nouveau mettre en
èeuvre pour y refaire des maifons. Lès tribuns,
pour épargner au peuple un travail fi confïdera-
ble, & pour l’éloigner d’un lieu où l’a ir, dans
l’é té , devoit être encore plus mal fain qu’aétuelle-
ment, prôpofloient d’aller s’établir à . Vêtes. Mais
Camille , dont on avoit prolongé la di&ature, s’y
Oppofà fortement. On prit donc le parti de re-
conftruife Rome : ce fin; l’ouvrage d’un an. On avoit
alors fi peu d’idées fur tout ce qui étoit architecture
8c coriffraétion, les édiles y mirent tant de négligence,
qu’au lieu de reconfmûre d’après un plan
bien entendu & régulier, comme on fit à Londres ,
$pres l’incendie de 1698, on en fit une ville très-
ipal cliftribuée 8c gâtée pour toujours.
A peineCamille (en 365) venoit-il d’abdiquer
la diftature, qu’on la lui conféra de nouveau. Les
Eques, les Volfques , les Etrufques formèrent- une
ligue, & mirent dans leur parti les Latins 8c les
Herniqiiès. Camille marche aux ennemis, les fou-
inet , rétablit là tranquillité 8c triomphe pour la
troifièine fois. Les Volfques faifoient la guerre depuis
107 ans, félon Sigonius.
Je pàffe quelques petites expéditions guerrières
(en 368), terminées heureufément par Camille, pour
parler d’un événement qui pouvoit porterie plus
grand coüpà la liberté. Manlius, celui-là même qui
portoit le fiirnom de Capitolinus, pour avoir fauve
le capitole, dévoré par une' ambition fans bornes,
chetchoit tous les moyens de fe rendre maître de
la république. Les deux moyens qu’il employa lui
tiuifireilt egalement : d’un côté , il cherchoit en toute
.occafion a rabaiffer le mérite de Camille ; de l’autre,
il flaftoit le peuple jufqu’à la baffeffe. Cette conduite
, 'juftement ïlifpeéfè, effraya le fénat, qui crai-
gnoit probabiemeht autant pour le maintien de fon
autorité que pour la tranquilité de l’état. O11 prétexta
une guérre , dont on donna la conduite à un
oiâatetir. Elle fut bientôt terminée. Le diâateur
retint, cita Manlius, pour l’obliger à prouver la
vérité dés imputations dont il ehargeoit les féna-
gLirs.. . . . N’ayant J pu répondre, il fut mis en
-prifOn, mais relâché peu après, parce que cette
détention foulevoit le peuple.
X àUtiée fiiivante ( 370 ) , il fe permit de donner
au peuple des confeils qui le perdirent. Après avoir
dit far-'tout qu’il falloit fupprimer les grandes char-
î l '5 ^ propofti lui-même pour chef.
Détix tribuns l’àccuferent : on tint l’afîeniblée loiçi
] a. Jt; ^ p hole , pour éloigner le fouvenir
■ 'événement qui pouvoit émouvoir en fa fà-
Vevir, & il fut condamné à être précipité dç la
Çéogrtfhit mienne,, fymç &
roche Târpéïenne. On abattit fa maifon qui étoit
dans l’enceinte du capitole, & l’on défendit à tout
patricien d’habiter dans cette citadelle.
La peftequifuivit depuis (en 371 ), fut regardée
par les fuperftitieux comme une fuite de ce jugement.
Jè^ trouve*encore des guerres en .373 , 374 &
ftuvantes. Elles fe terminèrent toutes héureufement.
Le confulat étoit depuis long-temps l’objet des
voeux d’un certain nombre de plébéiens diftiiigués
dans leur ordre; & cette fuprême dignité, toujours
enviée par le peuple, & toujours refufée par le
fénat, etoit unfiijet continuel de difputes & de di~
vifions. Enfin les larmes d’une femme emportèrent
ce que l’éloquence, les brigues, les cabales n’a voient
pu obtenir, u Tant il en vrai, dit M. l’abbé de
” Vertot, que ce fexe artificieux n’eft jamais plus
” f° rt que quand il fait fervir fa propre foibleftqf
” au fiiccès de fes defirs » !
Eabûrs^ Ambuffus (en 377) , avoit deux filles ,
1 une etoit mariée a un plébéien , & l’autre à un patricien.
La femme du premier fe trouvant un jour
chez fa foeur , lorfque le mari de celle-ci, alors
tribun militaire, rentrait à la maifon, fut effrayée du
bruit que faifoient les li&eurs en frappant à la porte*
Sa foeiir affeâa, pour la raffiirer un fourire de pitié
fur fou ignorance à l’égard des droits de la place d»
fou fiari. Celle-ci, piquée de dépit d’avoir été humiliée
par fa foeur, fem m e de qualité, en conçue
un dépit amer, qu’elle ne manifeffa que par les
apparences du plus fombre chagrin.
Son père , qui l’aimoit tendrement, chercha à en
approfondir la caufe, 8c dès qu’il l’eût apprife, il
mit tout en oeuvre pour égaler l’état de fa fille cadette
de celui de fa fille aînée.
La première démarche de Fabius fut de faire
nommer Licinius Stolon, fon gendre, tribun militaire.
Celui-ci, arrjvé en place, propofa trois loix ,
qui deVoient fouveràinement déplaire au fénat. Les
patriciens s’y oppofèrent de tout leur pouvoir..
Quelques guerres furvenues pendant ces différends
reculèrent l’exécution des projets de Fabius.
En 378 8c fuivantes, on repouffa les habitans de Vé-
litres qui-s’étoient avancés vers Ttifculum, 8c l’on
mit le fiège devant leur ville. Cette guerre ne fut.
terminée que quelques années après.
Cependant (en 38 6 ), les Gaulois étant entrés
dans ce que l’on appeloit alors l’Italie, 8c s’étant
approchés jufques fur les bords de l’Anio, Camille,
âgé de quatre-vingts ans, fut nommé di&ateur pour
aller les combattre. Il ne fut pas moins heureux
dans cette guerre que dans les précédentes. Les ennemis
fiirent défaits. A fon retour il chercha à établir
la paix entre les-deux ordres. Mais les plébéiens
ne fe défiftoient d’aucune , de leurs, prétentions 6c
les patriciens ne voulaient abandonner aucun de
leurs .droits. Enfin, Camille crut avoir trouvé un
fage tempérament, en fàifant agréer que l’un des
deux confuls ferait choifi d’entre le peuple, mais
que 1 on fépâreroit du confulat les fonctions prétoriennes
, qui feraient rç&iT.êçs aux feuls patriciens*
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