
font des pièces plattes, d’une fubftanoe cornée
très-forte ; elles font courbes ou en faucille
, & finilfent par une pointe très-acérée ;
elles ont un mouvement latéral dans lequel
elles fe croifent : ces pièces font folides ; on
ne peut découvrir ni cavité à leur intérieur ,
ni fillon à leur furfacj ; il n’y a point à leur
bafe de fac où fe ra(Tenable une humeur quelconque
: il n’en découle donc aucune dans l’inf-
rant de la piquure , comme il en fuinte le
long du fillon des crochets de la vipère , ou à
travers l’aiguillon des infeâes - o c . *; ces armes ne
peuvent que - percer & taire une piquure
feche ; elle's ne fauroient rien introduire dans la
plaie : dira t on qu’elles font empoifonnées à
la manière des flèches que lancent certains
fauvages , que le poifon coule lentement de
la bafe des mâchoires fur leur furface & s’y
condenfe ; mais fur les flèches qu’on leur
comparerait, on appetçoit la couche du poifon
qui y forme une forte de vernis ; on ne
découvre rien de femblable fur les pinces des
Araignées & des Mille-pieds : je ne crois
donc pas que ce foient des armes empoifonnées
, & que ces infeâes doivent être regardés
comme vénimeux ; leur morfure peut
être dangereufe , mais fl elle l’eft , je crois
que c’éft par une autre caufe. J’examinerai
d’abord fi la piquure des Araignées eft , en
effet , dangereufe dans nos climats, enfuite
quels effets elle produit ; en comparant après
ces effets dans nos contrées & dans les pays
chauds , & les animaux qui les occafionnent,
je crois que je trouverai la véritable caufe des
fymptômes que produifent la piquure des
Araignées & celle des Mille-pieds.
On parle trop fouvent dans nos contrées
d’accidens furvenus à la fuite de la piquure
des Araignées. Les auteurs rapportent des faits
trop nombreux , trop circonftanciés , & qui
paroilfent trop avérés fur ce même objet ,
pour qu’on puilfe révoquer en doute qu’il
n’arrive quelquefois des accidens à ceux qui
ont été mordus par une Araignée.
Ces accidens, félon le rapport des auteurs,
commencent par le gonflement de la partie piquée
; le malade y reifenc une douleur vive ;
l’enflure s’étend & gagne les parties voifines ;
elle efl accompagnée de rougeur, de chaleur,
de tous les fymptômes de l’inflammation ; la
fièvre s’allume , les douleurs deviennent in-
fupportables , elles caufent des convulfions
8c même la mort.
Les' accidens que je viens de décrire font
rarement aufli graves que je les préfente
dans nos contrées ; ils approchent cependant
plus ou moins de ce degré , & ils ont toujours
le même caraâère , foit qu’ils foient
plus foibles, foit qu’ils foient plus vioiens.
Les mêmes accidens ont plus fréquemment
lieu dans les pays chauds ; ils y font plus
communément très-graves , 6e ils y ont le
même caractère.
Si l’on fait attention aux efpèces d’Arar-
gnées dont la morfure a produit des accidens
dans nos contrées, fuivant le récit qu’on en
fait, 6e ce que les auteurs en rapportent , o»
trouve qu’il n’y a jamais d’accident que quand
la piquure a été faite par une Araignée d’une
des efpèces les plus grandes de ce genre,
comme celles qui vivent dans les fouterreins,
les trous des murs des vieux bâtimens.
Si Ton remarque en même-tems quelles parties
ont été piquées toutes les fois que la
piquure a été fuivie d’aecidens graves } on
reconnoît que la chofe n’a eu lieu que quand
des parties tendineufes , aponévroriques, ont
été intéreiïées 6c bleffées dans le moment de
la piquure.
Il paraît donc qu’il n’y a à craindre dans
nos contrées de la piquure d’une Araignée,
qu’autant qu’on eft piqué en une partie ren-
dineufe ou aponévrotique, Sc qu’on eft bielle
par une Araignée de grande taille. Une pareille
Araignée a les mâchoires affez fortes,
alfez longues, affez acérées pour pénétrer à
travers la peau jufqu’aux tendons , aux apo-.
névrofes , aux capfules articulaires 6c au période
même , fuivant les parties quelle pique.
Mais S une aipui'le ,. une épingle , une
épine, une arrête, pénètre jufqu’à un tendon,
une aponévrofe , les capfules articulaires ou
le période, il furvient après la piquure , les
accidens les plus graves ; ces accidens font les
mêmes que ceux qui ont lieu après la mor-,
frire des grandes Araignées, quand leur morfure.
a été faite fur Une partie au-delfous de
laquelle font fuués' ou un tendon , ou une
aponévrofe , ou des capfules articulaires , ou
le période : on n’a jamais imaginé de regarder
la piquure d’une aiguille, d’une épingle ,
d’une épine , d’une arrête , comme véni-
meufe en fo i, 6c à moins que ces objets ne
fuflent imprégnés de quelque fubftance étrangère.
Il ne me paroît pas que les mâchoires
des Araignées foient dans un cas différent,
nuis je crois quelles ne caufent les mêmes
accidens que parce qu’elles affeâent les mêmes
parties ; ces accidens font plus fréquens
dans les pays chauds, parce qu’en général les
Araignées y font beaucoup plus grandes , 6c
quelles peuvent plus fouvent piquer les parties
que j’ai nommées. Comme les Mille-
pieds y font dans le même cas, il me paroît
que c’eft à la même caufe qu’on doit attribuer
le danger de leur morfure, tandis quelle
ne caufe aucun accident dans nos contrées ou
ces infeâes font fort petits. ,
L ’idée que les Araignées font vénimeufes,
à fait recourir de tout rems, 6c ferait encore
recourir beaucoup de perfonnes aujourd’hui
aux remèdes qui paflent, en général, pour
des antidotes & des remèdes propres à combattre
les effets d’un venin quelconque, en le
portant à la peau , en excitant la fueur , 6c
en le diflipant par la tranfpiration. Mais ces
remèdes font tons échauffans , Ôc leur ufage
n’a pas probablement peu contribué à rendre
les effets de la piquure des Araignées plus fu-
neftes ; c’eft par cette raifou que cette piquure
a quelquefois caufé la mort : ces mêmes
accidens ne feraient que légers , Sc fe
difliperoient bientôt fi on les trairait par les
antiphloeiftiqy.es , ou les remèdes qui conviennent
dans l’inflammation, comme la nature
dont ils font, l’indique 6c le requiert.
Je n’ai pas parlé de la Tarentule, parce que
les fables qu’on a débitées fur cette Araignée ,
font oubliées aujourd’hui , ouqu.’on en reconnoît
la fanfleté. Cependant un médecin très-
digne de foi m’a aifuré qu’il avoir vu deux
fois dans une de nos provinces méridionales ,
ou la Tarentule fe trouve, la piquure de cette
Araignée fuivie d’accidens graves. Mais la
Tarentule eft une des plus grandes Araignées
de nos Contrées, 6c les accidens que fa morfure
avoir caufés , ne différaient pas de ceux
que la piquure des grandes Araignées occafionnent
quelquefois ; ainfi la Tarentule
même, lorfque la piquure a des fuites fâcheu-
fes, rentre dans la claflé générale , 6c il n’y
a pas de fondement pour renouveller les fables
dont cet infeâe a été long-tems le
fujet.
J’ai décrit la manière dont les infeâes
attaquent 6c fe défendent, les armes différentes
qui font à leur ufage; je dois ajouter
encore que plufieurs emploient, pour leur
défenfe , un moyen accefloire , par lequel
ils cherchent à fe garantir, que d’autres font
protégés par une défenfe qui émane d’eux
fans leur participation. Les premiers fe fervent
de leurs mâchoires pour fe défendre;
elles font, prefqu’en tout cems, inondées
d’une férofité , qui , peut-être , tient lieu
de falive , qui remplit la bouche 8c qui en
tombe fouvent par gouttes ; tels font entr’au-
tres les Bubreftes de Geoffroy ; mais lorfque
ces infeâes veulent attaquer ou fe défendre,
leur bave ou leur falive coule en plus grande
abondance qu’en aucun autre tems ; ils en
couvrent une aflèz grande étendue de la
partie qu’ils attaquent avec leur mâchoire ;
eft-ce un poifon qu’ils verfenc dans la plaie,
ou une liqueur âcre dont le picottemenc
fur la peau rafle quitter prife ? Ce n’eft dans
l’une 6c, l’autre fuppofition qu’une défenfe
bien foible , parce que cette liqueur ne produit
prefque pas d’effet, & tout au plus
une très - légère démangeaifon ; je penfe
qu’elle ne coule eu abondance, quand Tin—
feâe attaque ou fe défend, que parce que
fes mâchoires font alors dans un mouvement
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