
5'. M é m o i r e .
Le premier fur les J b cilles.
L’auteur traite dans ce mémoire de la
forme des ruches les plus propres à faire
des obfervations’ fur les Abeilles ; de ce
qu’on doit penfer de la conftitution de leur
gouvernement ; des moyens dont il s’eft fervi
pour voir les faits qu’il rapporte.
M. de Réaumur commence l’hiûoire des
Abeilles par prévenir qu’elles ontéré célèbres
de tout rems, mais qu’on a rapporté à leur
égard dès faits fans preuve , 8c qui font fou-
vent le produit de l’imagination, jamais,
ou prefque jamais celui de l’obfervation ; il
apprend que M. Maraldi eft le premier qui
ait donné une hiftoire des Abeilles donr
l ’obfervation ait été la bafe; que cette hiftoire
eft inférée dans les volumes de l’académie
royale des fciences- pour l’année 171a;
que quelque rems après Boërhaave publia les
oeuvres de Swammerdam , dont i’hiftoire des
Abeilles fait partie. M. de Réaumur témoigne
le cas qu’il fait de ces deux traités ; mais il
ne penfe pas qu’ils duffent l’empêcher de
publier fes propres obfervations ; elles feront
donc le fujet de ce mémoire & des fui-
vans.
Les Abeilles ne méritent pas feulement
d’être obfervées à caufe des faits curieux
que leur hiftoire nous préfënte; mais auffi
à caufe des avantages qu’elles nous procurent;
ils confident, comme tout le monde
le fait , dans la récolte du miel 8c de la
cire. Ce double motif a engagé en tout tems
un grand nombre de perfonnes à s’occuper
des Abeilles & à écrire fur leur hiftoire.
L ’énumération des auteurs qui en ont traité
féroit très-longue ; les principaux parmi les anciens
font Caron, Varron , Columëllè, Virgile
j Palladiusj parmi lés modernes tous ceux
qui ont publié des livrés fur l’économie rurale
& les auteurs d’uii grand nombre de
traités particuliers. Tous ces divers ouvrages
ont un défaut qui leur eft commun, c’eft
que les auteurs racontent des faits fans dire
s’il les ont vus ou comment ils font parvenus
à les voir. Or il fuffit d’avoir je; té les
yeux fur une ruche & d’avoir remarqué à
quel point les Abeilles y fontentaffées, comment
elles fe couvrent les unes les autres &
fedérobent mutuellement à la vue, pour qu’on
fente combien il eft difficile de difcerner ce
qui fe palîè au centre de ce peuple dont on
n’aperçoit que les lignes extérieures & par
qui celles qui agiffent à l’intérieur font cachées.
Cependant il eft quelques faits faciles à
reconnoître en fe plaçant feulement auprès
d’une ruche ; tels font les fuivans.
On voit fans celTe des Abeilles regagner
la ruche chargées de récolte, d’autres Abeilles
fe préfenter à leur arrivée, recevoir des
premières leurs charges, & celles-ci regagner
la campagne ; dans d’autres momens
on voit toutes les Abeilles entrer en foule
dans la ruche & y demeurer; fi l'on regarde
alors en l’air on voit aux environs quelque
nuage & bientôt il tombe delà pluie; il eftdonc
probable que les Abeilles favent la prévoir
& qu’elles rentrent pour l’éviter. Quelquefois
on voit une Abeille fortir chargée d’un
fardeau qu’elle va dépofer à quelque diftànce,
& ce fardeau eft le corps d’une Abeille privée
de la vie. C ’eft certainement un fait
remarquable , mais dont perfonne de fenfé
ne cherchera à pénétrer l’intention j comme
trop de gens l’ont fait.
On voit de même , en certains tems, les
Abeilles tranfporter des nymphes & de jeunes
Abeilles à peine formées hors de la ruche
; dans d’autres momens les mouches fe
livrer autour de la ruche des combats tantôt
plus, tantôt moins acharnés & dans lesquels
ou il né périt pas d’Abeilles, ou il en
périt un plus ou moins grand nombre. Il eft
facile d’obferver ces faits dont les eaufes nous
font encore inconnues malgré les vains efforts
qu’on a faits pour en rendre raifon. Mais
l’intérieur d’une ruche offre un fpeâacle bien
plus intéreffant encore ; les principaux objets
de ce fpeétacle font les rayons que la ruche
contient, la cire dont ils font formés, le miel
qui y efti dépofé, les grouppes d’Abeilles qui
rempliffent la ruche, dont, les unes font en
aflion & diverfement difpofées, formant des
fortes de guirlandes en fe tenant acrochées
les unes aux autres par les deux pattes de
derrière, & les autres font dans un état d’inaction
& de repos. La vue de ces objets excite
une curiofité difficileà fatisfaite &qui ne peut
guère l’être en n’obfervant que les Abeilles
qui vivent dans les ruches ordinaires ,
quoiqu’il y air de ces ruches de beaucoup de
formes différentes. L’invention des ruches vitrées
allez récente , qui n’eft guère que de
ce fiècle, a facilité les obfervations fur les
Abeilles, fans avoir diffipé toutes les difficultés.
Une ruche eft un alfemblage de gâteaux
pofés du haut en bas, à peu près parallèlement
au-deffus les uns des autres & remplis
de cellules; entre ces gâteaux il-y a un
efpace vide pour le paflage d’au moins deux
Abeilles & quelques trous ou ouvertures
qui pénètrent d’un gâteau à l’autre perpendiculairement
de haut en bas. Ces efpaces,
ces ouvertures font des chemins & des communications
d’un gâteau à l’autre.
Cependant la polition des gâteaux 8c le
nombre des communications des uns aux autres
ne font jamais parfaitement femblables ;
il y a à ce double égard des variétés entre
les différentes ruches & même dans une
feule.
Digreffion fur la forme qu’on a donnée
aux ruches de verre ; la plus favorable a
paru à notre auteur celle d’une boîte plate
dans laquelle on renferme un miroir pour
l’obferver pofé de champ fur un de fes
côtés': celle dont il s’eft fervi étoit haute de
vingt-deux pouces, large de vingt-quatre ,
épaiflfe de quatre 8c demi.
Defcription d’autres ruches vitrées que l’auteur
a auffi employées. Ces différens objets
ne font pas fufceptibles d’extrait, & demandent
des détails qu’il faut chercher dans la
leélure du mémoire même.
Quand on regarde â travers une ruche
vitrée les Abeilles qu’elle renferme, on n’y en
voit pendant la plus grande partie de l’année
que de celles qu’on connoît ordinairement
8c qui font toutes femblables; mais il
y a une faifon où parmi celles-ci on en découvre
de fenfiblement plus grandes; ce font
les mâles, qu’on a nommés Bourdons à caufe
du bruit qu’ils font en volant & que M. de
Réaumur aime mieux appeller faux-Bourdon*
pour les diftinguer des vrais qui font d’une
autre efpèce. On ne voit ces faux-Bourdons
dans les ruches que depuis le mois de mai
jufqu’àlafin du mois de juillet; on n’y en voit
jamais autant que le jour qui précède celui
ou l’on ceffie d’y en voir. Leur nombre au
refte eft toujours très-inférieur à celui des
Abeilles ordinaires. Auffi ne font ils pas defti-
nés à s’unir à celles-ci qui n’ont point de
fexe & dont la charge eft de vaquer aux
travaux de la ruche : mais les mâles doivent
féconder une feule femelle qui peuple la ruche
& dont toutes les mouches qui y naif-
fent tirent leur origine. C ’eft cette mouche
qu’on avoit appelle roi, & dont le nom de
reine qu’on lui donne, depuis qu’on a connu
fon emploi, indique au moins le fexe. Cette
unique femelle eft deftinée à cent mâles qui
eft le plus petit nombre qu’on compte de
ceux-ci dans une ruche, & quelquefois à mille.
Elle eft plus grofte que les mouches ordinaires,
moins que les mâles , mais elle eft
beaucoup plus alongée & fes ailes ne s’étendent
qu’à la moitié de la longueur de fon
corps.
M. de Réaumur ayant partagé un eflàitn
en deux grouppes qu’il obligea d’entrer
chacun dans Une ruche vitrée |, l’un de ces
grouppes étant beaucoup moins nombreux
eu individus que l’autre, fe trouva cepeu