
xliv D I S C O U R S
«titre les mâchoires moins longues , moins
fortes du Hanneton, & les fubftances plus
fouples qu’il incife pour fe nourrir; il y
a de même rapport entre les mâchoires courtes,
fortes, prefquetranfverfales &peu courbes
du ver du Capricorne, fa pofition , la
fubtlance dont il fe nourrit, & les mâchoires
plus faillantes du Capricorne & fa fitua-
tion hors du trou où il eft né..
Le Cojffus eft un très-gros Papillon de
nuit dont la Chenille v it, comme le ver du
Capricorne , à l'intérieur du bois ; ,elle fuit
la même marche dans la manière de creu-
fer d’abord fon trou , -de l’agrandir enfuire
avant de fe métamorphofer, dans le choix
de l’endroit où elle fubit fon changement ;
fans ces précautions, la fortie auroicété im-
poffible ait Papillon , qui n’a point de mâchoires
& aucun moyen d’ouvrir la prifon
où il feroit demeuré enfermé.
Les infeétes du genre des Abeilles , foit
qu’ils vivent en fociété, foit qu’ils paflènt
une vie folitaire, ont dans leur premier état
la forme d’un ver mou, pulpeux, à peine
capable de mouvement & hors d’état, faute
d’inftrumens , de fatisfaire à aucun befoin ,
même à celui de prendre des alimens. Les
Mulets, dans les efpèces de ce genre, qui
vivent en fociété , nourrilTent les vers, leur
donnent la becquée à la manière des oifeaux;
les vers n’ont qu’à ouvrir la bouche & recevoir
la pulpe nourridante que les Mulets
dégorgent en la faifant remonter par leur
pompe.
Dans les efpèces du même genre qui vivent
en folitude, la mère prépare pour chaque
ver qui doit naître , un logement quelle
approvifionne ; elle le remplit d’une pâtée
liquide , pond un oeuf auprès de cette pâtée,
que le ver trouvera autour de lui en naiflant,
& qu’il n’aura qu’à fucer ; elle ferme la loge,
& fe retire pour ne plus revenir. La pâtée
que les Mulets dégorgent dans les premiers
joqrs eft prefque fluide, & proportionnée à
ia délicatelfe du ver ; elle a de jour en jour
plus de confiftance à mefure qae fe ver fe
fortifie : de même la pâtée dont la mère, qui
vit folitaire, approvifionne le trou du ver qui
doit naître , eft compofée de couches plus
epaiffes , & de couches plus liquides ; les
dernières font les plus proches de l’oeu f, ce
font celles que lé'ver trouvera près dé fa
bouche , qui lui ferviront de premier aliment,
& à mefure qu’il grandira, qu’il con-
fommera de nouvelles couches qui le trouveront
fucceflïvement à fa portée , il prendra
un aliment plus folide. J’ai rapporté ici ce
fait , que je n’aurois peut-être pas trouvé
occafion de placer ailleurs , à caufe de l’analogie
qu’il préfente entre les infeétes & les
oifeaux qui donnent la becquée à leurs petits.
En effet les oifeaux , comme les infeétes, ne
dégorgent dans les ■ premiers jours qu’une
parée fi liquide, que dans ces derniers rems
quelques anatpmiftes ont penfé , par rapport
aux oifeaux , que c’eft du lait féparé &
extrait dans leur jabot, où la nature a placé
les organes nécelfaires pour cette féçrétion ;
cependant & lès jeunes oifeaux & les jeunes
infeétes, à mefure qu’ils fe fortifient , reçoivent
où trouvent près d’eux une pâtée plus
confiftance.
Les vers dont je viens de parler fubiflent
leur métamorphofe , ou au fond d’un alvéole
dont les mulets orit fermé l’entrée , ou au
fond d’une retraite dont la mère a auflî bouché
l’ouverture. L’infeéfe qui naîc au fond
de cet afyie ,' a deux fortes mâchoires ; le
premier ufage qu’il en fait eft de rompre de de
déchirer la fubftance qui bouche l’entrée d’un
lieu qui n’elt plus pour Lui qu’une prifon ;
fuivons-le & examinons-le à fa /ortie ; polis
lui trouvons une trompe , outre les deux mâ.
choires dont j’ai déjà parlé , & n’ayant égard
qu’à fa manière dé pourvoir à fa nourriture
ou à celle de fes petits, nous le voyons bri—
fer avec fes dents les pouflïères des étamines
des fleurs , s’en fervir pour les macérer &
les pecrir , pour en extraire la cire, en com-
pofer une maffe qui fait une partie de fa
nourriture , & peut-être aufli une partie de
celle de fes petits ; il pompe d’ailleurs avec
p r é l i m i n a i r e .
fa trompe le' miel amaffé dans les neétaires ;
il en fait une autre partie de fanoutriture & de
celle de fes petits. Ce que je viens de dire
appartient à l’hiftoire des abeilles proprement
dites.
Les Guêpes , qui , comme les.abeilles vivent
en fociété ou folitaites , ont aufli deux
mâchoires & une trompe ; elles entament
les fruits, elles en pompent les fucs , elles
en dévorent le parenchime ; elles déchirent
la chair morte des grands animaux & elles
s’en nourrilTent ; elles pourfuivent les autres
infeétes.& elles les dévorent ; elles alimentent
auflî leurs petits , comme les Abeilles ,
mais ce n’eft pas en dégorgeant, ce qui n arrive
aux Mulets des Guêpes que faute d alimens
folides , ni en plaçant les vers au milieu
d’une pâtée liquide ; ils ont des mâchoires
; ils font nourris de fragmens de chair ,
de portions d’infectes , de la pulpe des fru'ts
que les'Mulets leur apportent & leur diftri-
buent à la becquée , comme certains oifeaux
apportent à leurs petits des grains, des fragmens
de fruits , des infeétes ou entiers ou la
partie la plus fucculente de ces animaux ;
les petits des efpèces qui vivent en folitude,
trouvent dans leur cellule , en naiflant, des
alimens folides dont la mère Ta remplie, des
parties de chair, des infeétes même vivans
& -hors d’état, par la polition gênante à laquelle
la mère , qui les a entraînés dans la
cellule des petits, lésa reftraitus, de blefler res
jeunes vers qui les dévorent les uns après les
autres, fans qu’ils puiffenc même fe défendre.
Parmi les infeétes à deux ailes nues , un
grand nombre, comme la plupart des mouches
, vivent pendant leur premier état, de
fubftances animales ou végétales en putréfaction
, & ils fe nourriffent, dans le dernier
état, des fucs dépofés dans les. neétaires ou
d’autres liquides qu’ils rencontrent, comme
les fucs des fruits entâmes ou gâtés. Us ont
pour mâchoires , dans l’état de ver , un crochet
qui fuffit à détacher les molécules à demi ■
défunies d’une fubftance putride; ils fe nourrilTent,
dans le dernier état, par le moyeu
xW
d’une trompe. D’autres infeétes, aufti à deux
ailes, font leur pâture du fang de l’homme màt-
! meou de celui des animaux ;ceux-la ont, comme
le coujîn.une trompe quieftcompofee,qtii
contient des dards propres! à pefeer, & qui
fait à la fois les fonétions d’inftrument pénétrant
& de trompe ou de pompe ; ou ils ont
en même terns, comme le Taor2, deux fortes
mâchoires & une trompe , mais Ample ,
qui n’eft propre qu’à fucer ; ils déchirent les
chairs & pompent le fluide qui s’extravafe
des vaiffeaux ouverts : les premiers attaquent
les fujets dont la peau eft moins difficile à
pénétrer, comme celle de l’homme , & les
féconds aftaillent même les animaux donc
Ta- peau eft la (fins épaiffe , & dont les po.îs
qui la couvrent devraient les garantir. Je ne
multiplierai pas davawage les exemples ; le
leéleur en pourra aifément compléter le nombre
en parcourant, en détail, l’hiftoire des
différéns genres d’infeétes, & en remarquant
les rapports encre la nature des alimens , les
inftrnmens qui fervent à les prendre & à en
faire la digeftion. Je demande à finir par
un dernier trait bien frappant : les petits
de certains infeétes ne trouvent à vivre qu’à
l’intérieur du corps d’autres infeétes qui ne
font pas de leur efpèce ; ces infeétes font
deftiués à les recevoir à leur intérieur , & à
les nourrir de leur propre fubftance qu’ils
dévorent : tels font les Ichneumons , les
Cynips. Les femelles de ces efpèces ont à
l’extrémité du Corps un long aiguillon crenx ,
fin , quelles inrroduifent dans les chairs des
infeétes dévoués à devenir les viétimes de
leurs petits , & à l’aide duquel elles dépofenc
leurs oeufs fous les cégumens de ces mêmes
infeétes.
Indépendamment des objets qui viennent
de nous occuper , il fe pafte , tandis que les
alimens font dans la bouche , un fau tres-re-
marquabie au moins dans les grandsanimaux;
la bouche, pendant la mafticacion , eft abondamment
abreuvée d’un fluide qui pénètre
les alimens , les amollit, rend d’abord la di-
vifion de leurs parties, & enfuice leur réunion
en un bolus, plus facile; ce fluide eft la falive.