
« D I S C O U R S
commun, empêche qu’elles ne foient parfaitement
planes dans l’extenfion ; elles ne
font pas non plus’ articulées dans une di-
reélion parfaitement tranfverfale avec le
corps j mais: elles font un peu inclinées en-
arrière. C ’efi ce qu’on peut obfervet dans
toutes.les Sauterelles & les Criquets, & en
particulier dans le Criquet, que M. Linné a
nommé Grillas mïgratorlus, parce que c’efl
Ton efpèce qui paroît le plus fouvent en différentes
parties de l’Europe , & qui arrive
inopinément comme par nuages , fi'larges,
fi profonds, que le foleil en eft , dit-on,
obfcurci.
Ces infectes , dont l’apparition eft fubite ,
qui , confomment en peu de tems les vivres
dans les lieux fur .lefquels i's fondent , &
qui font forcés de fe porter ailleurs pour y
chercher de la pâture , ont donc la faculté
de faire de longs voyages en volant: cependant,
d’après la conformation de leurs ailes ,
ce ne font que des voiliers ; mais ces nuages
formidables de fauterèlles,-félon le témoignage
de tous ceux qui en parlent, font apportés
par certains vents, & on en eft délivré par d’autres
vents , qui les pouffent à la mer, dans des
fleuves, ou des lacs , ou les emportent au
loin dans d'autres climats : ce témoignage
confirme le jugement qu’on en pouvoit porter
d’après la conformation de leurs ailes, &
prouve que ce font des voiliers qui voyagent
à la faveur du vent, donc il fe joue , &
qu’il pouffe , malgré eux , dans des lieux où
ils trouvent la mort, quand il leur devient
contraire. La conformation de leurs ailes indique
leur manière de voler, & la caufe de
leur apparition & de leur difparition fu-
bites.
Je ne porterai pas plus loin les exemples
d’infeétes voiliers ou rameurs, ou d’infeéles
dont le vol foit mixte ; chacun, fuivant que
ce genre d’obfervation l’intéreffera, pourra
facilement multiplier ces exemples,& recon-
noîtrelei caufes des différences en comparant
les inftrumens du vol, la maffe & la forme
du corps entre les différens infeéles ; mais
obfervons,1 en terminant cet article, que le
vol , avantage accordé aux oifeaux & aux
infeéles , convient particulièrement à leur
état. Les grands quadrupèdes ont des reffour-
ces contre les différens dangers , ou dans leur
maffe & leur force , ou leurs’ armes ; les
petits dans la vîteffe de leur courfe , leur facilité
à gravir aux arbres , ou leur habitude
de fe cacher en terre ou dans des trous ; ces
dernières reffources font particulièrement
appropriées aux quadrupèdes ovipares & aux
reptiles. Les oifeaux ont peu de force corporelle
en général j. la plupart font fans armes
, ils. auraient été trop livrés à la-pour-
fuite de leurs ennemis fur la terre, leur
courfe moins rapide que celle du quadrupède
qui les aurait pourfuivis , n’auroit pas
été un moyen de lui échapper ; ils auraient été
continuellement en péril, & la confervation
des efpèces n’eût pas été allez affurée ; le
vol la fouftrait à un grand nombre de dangers
& la rend plus certaine.
Tous les corps en mouvement fur la fur-
face de la terre auroient été des caufes de
deftruétion des infeéles, trop foibles pour en
foutenir ou en repoulfer le choc ; il n’en
eût coûté aux animaux qui en font leur
proie, dont un grand nombre eft avide, fur-
tout entre les oifeaux, même parmi ceux dont
les infeéles ne font pas deftinés à faire le fond
de leur nourriture, que de les fuivre & de
les dévorer; il n’eût échapé que ceux qui fe
feraient réfugiés dans des trous, des fentes ;
la plupart euflent été foulés, écrafés , ou
enlevés en en forrant, ou pour chercher de
la nourriture, ou pour travailler à la propagation
; un très - petit nombre aurait laifle
une pollérité , & les efpèces euffent peut-être
difparu ; le vol les fouftrait à la rencontre des
corps en mouvement fur la terre , à Ja pour-
fuite d’un grand nombre de leurs ennemis,
des grands oifeaux en particulier, qui en dé-
truifent beaucoup quand il les trouvent à
terre , & qui négligent de les pourfuivre au
vol. La différence de voler ou de ne pas voler
lie ferait-elle pas parmi les oifeaux. & les
p r é l i m i n a i r e .
infeéles une des caufes, car il y en a plufieurs,
que les efpèces qui volent font plus nqmbreu-
fes en individus, que celles qui font privées de
cette faculté ? N’eft-ce pas parce que l Autruche
ne vole pas, quelle eft abandonnée à la pour-
fuite de tous fes ennemis, en particulier à celle
de l’homme , qui l’atteint à la courfe , à l’aide
du cheval, que fon efpèce , quoique très-
féconde, n’eft pas auffï nombreufe en individus
que différentes efpèces. d’oifeaux qui
habitent les mêmes climats , qui volent &
qui ne produifent pas plus , même moins
que l’Auttuche ?
Parmi les infeéles, à juger d’après la fécondité
des Araignées qui habitent les campagnes
, elles devraient couvrir de leurs toiles
toutes les plantes, touts les arbres , la- furface
de la terre ; cependant leurs différentes efpèces
ne font pas nombreufes en individus , à
beaucoup près autant que d’autres efpèces
d’infeéles dont chacun ne produit pas un
plus grand nombre d’oeufs. Àinfi les Papillons
brajjîcaires de M. Geoffroy, & beaucoup
d’autres infeéles , font bien plus communs
dans la campagne que les Araignées ; mais
les premiers échappent à mille dangers , à la
faveur du vo l, & les féconds fuccombent à
tous ceux auxquels ils font expofés. Enfin, la
prérogative de voler , comme tous les autres
avantages dont les animaux jouiffent, eft proportionnée
auxbefoins des différentes efpèces
d’oifeaux & d'infeéles : c’eft parmi ceux de
ces deux claffes d’animaux qui vivent de
proie, qu’on trouve les Rameurs, & les Vailiers
que la conformation de leurs ailes éloigne
moins des Rameurs. L’Abeille qui vit en
Société & l’Abeille folitaire , forcées toutes
deux à de fréquentes courfes., fouvent à des
diftances éloignées, l’une pour lapptovifion-
nement de la ruche , l’autre pour préparer
un logement à fa poftérité , & y raffembler
les alimens dont elle aura befoin , l’une
8c l’autre affervies à un travail qui comporte
peu d’intetrilption , font en mouvement, &
peuvent , par la conformation de leurs ailes,
volet par des tems qui obligent les infeéles
qui n’ont pas à remplir les mêmes befoins ,
c j
de fufpendre leur vo l, de demeurer dans l’i-
naélion , ou de ne fe tranfporter d’une place
à une autre qu’en marchant. Les papillons
qui, parvenus à leur état de perfeétion, n’ont
befoin que de fort peu de nourriture , qui
peuvent, fans fouffrir, foutenir l’abftinence,
qui ne volent de fleurs en fleurs que pour
pomper la petite quantité.de miel ou de fucs
analogues qu’ils trouvent dans les neélaires,
& pour s’unir dans leurs courfes à un in-
feéte de leur efpèce , ne fauroient fupporter
le mauvais tems, ni voler, pour peu que l’air
foit agité. Leurs grandes & magnifiques ,
mais pefantes & embarraffantes ailes font un
fardeau trop lourd , un infiniment trop gênant
à mouvoir au milieu d’un air agité;
elles offrent trop de ptife au vent , & ne
font que des voiles* fans proportion. Cependant
, parmi les papillons , ceux qui
ont une trompe , qui prennent de la nourriture
, dont la durée de la vie fous leur dernière
forme eft plus longue , qui paffenr plus
de tems depuis qu’ils font parvenus à leur
dernier état, avant qu’ils s’unifient à un
infeéle de leur efpèce , ont des ailes moins
grandes , moins pefantes , plus proportionnées,
& fur-tout mieux difpofées en tout
pour voler , pour réfifter au mouvement
de l’air qui leur eft contraire. Ainfi les
BraJJkaires , les Chevaliers de M. Linné, les
Papillons de jour en général , & en particulier
les Sphinx qui vivent fort long-tems fous
leur dernière.forme, dont le corps eft beaucoup
plus gros, qui confomment plus de mie!,
dont les aîies font plus étroites, dont elles font
taillées & difpofées plus favorablement, volent
affez bien, à des diftances fouvent très-
grandes , leur vo l, fur-tout celui des Sphinx,
eft rapide. Les Phalènes , au contraire ,
dont un grand nombre n’a point de tromoe, ne
prend point de nourriture , q u i, en général,
vivent peu de tems fous leur dernière forme ,
& qui , fort peu après l’avoir prife , s’unif-
fent à leur femelle , ont les ailes très-pefan-
tes, amples, mal proportionnées , d’une forme
peu favorable , & fur-tout, elles les portent
, même «tendues, particulièrement tes
inférieures, inclinées en arrière , & non tranf