
parmi ces efpèces ; mais fi cette durée eft
longue , comme dans l’efpèce de la Frigane,
par exemple, dont la larve vit dans l’eau ,
& y paffe à l’état de chryfalide ,,la matière
de la foie eft plus abondante dans la larve ,
elle file une coque plus achevée à l’intérieur,
elle la fortifie au-dehors~ par des matières
plus folides, plus rapprochées, en plus grand
nombre , mieux jointes, plus folidement
agglutinées; elle prend en outre la précaution
d’attacher fa coque à quelque corps folide,
Sc de la mettre fous fon abri. Cependant il
y a des larves qui ne paroîtroicnt pas avoir
befoin de faire des coques', ni même de
rien changer à la retraite dans laquelle elles
fe trouvent en palfant à l’état de chryfalide,
dont les unes font cependant des coques,
dont les autres tendent des brins de foie
autour de leur afyle. Telles font parmi les
premières les larves des Ichneumons. des
Cynips, qui fubiffent leurs métamorphofes
fous les tégumens des infectes dont elles ont
dévoré la fubftance à l’intérieur ; telles font
encore parmi les premières, les larves des fourmis,
& parmi les fécondés, celles des Abeilles,
clés Guy es , &c. Mais les larves des Ichneu-
mons& des Cynips, qui fubiffent leur méta-
morphofe fous les tégumens de l’infeéie dont
elles ont dévoré la fubftance , n’auroient pour
enveloppe ou que la peau flafque de la larve
qui auroit lervi à les nourrir, ou l’enveloppe
grêle, sèche & fragile de la chryfalide,
dont elles auroient confommé la fubftance.
L’enveloppe de la première efpèce, fans
confiftance, fans foutien , fe feroir collé fur
les chryfalides des Ichneumons , ou des Cynips
, elle les auroit opprimé par fon poids
& les eût blelfé par fes plis, fes .rides,
au moment où ces chryfalides ne font qu’une
pulpe organifée, dont les parties, fans réfif-
tance , peuvent être bleffées , altérées dans
leur arrangement par le plus léger contact:
elles avoient donc befoin d’être protégées
par une coque , quoiqu’en apparence ce fe-
cours femble leur être inutile. Les larves
des fourmis exigent des foins qui ne font
pas nécelfaires pour la plupart des autres larves
, & dont les ouvrières' s’acquittent ; elles
les tranfportent deux fois tous les jours, fou-
vent davantage, du fond de la fourmilière
fous fes couches fupérieures, & les en rapportent
fous les plus profondes ; la première
opération s’exécute quelques heures après le lever
du foleil, & la fécondé, quelque tems avant
qu’il fecouche ; mais fi le rems eft variable ,
elle eft répétée plufieurs fois dans la journée,
félon que le ciel fe couvre, ou qu’il devient
ferein , que l’air s’échauffe , ou qu’il fe rafraîchit;
lorfque quelqu’accident, quelqu’en-
nemi trouble la tranquillité‘'de la fourmilière,
porte le défordre dans fon arrangement Sc
la renverfe, les ouvrières fauvent les chryfalides
en les portant à l’écart; elles les rapportent
enfuite à la fourmilière quand le
danger eft paffé -, l’ennemi retiré , ou mis en
fuite, & le défordre réparé ; c’eft en les
prenant entre leurs mâchoires, & lespreffanc
doucement, que les ouvrières leur rendent
ces différens fervices. Quelque mollement
qu’elles les preffent, elles n’euffent pu , fur-
tont dans les premiers jours, manquer de
les bleffer; ainfi elles avoient befoin, même
fous l’abri de la fourmilière, d’une coque
qui les garantît de l’effet des foins qui leur
font nécelfaires.
Quant aux larves des Abeilles, à celles des
Guêpes , Sic. il n’en eft peut-être pas d’aulïï
délicates , dont la peau foit auffi mince ,
dont la fubftance ait auffi peu de confiftance ,
& qui deviennent des chryfalides auffi vraie-
ment pulpeufes, auffi prêtes de n’être qu’une
matière liquide organifée ; la cellule conf-
truite par les ouvrières dans la ruche ou le
guêpier , peuvent bien mettre la larve Sc la
chryfalide à l’abri des daflgers à craindre du
dehors ; mais les inégalités , la dureté des
parois de la cellule, inévitables d’après la matière
employée à fa conftruéfion , les excré-
mens rendus par la larve, dont quelques-uns
auroient échappé à la recherche des ouvrières,
avant de fermer la cellule, auroient fuffi pour
bleffer 1 es chryfalides au moment ou les larves
paffenr à cet état ; elles préviennent ce
rifque par une couche cLe foie fur laquelle la
la chryfalide repofera mollengmt , & fans
danger
p r é l i m i n a i r e . CXXIX
danger d’être bleffée. Je viens de donner une
idée des précautions que prennent, des travaux
qu’exécutent les larves, ou pour elles-
mêmes , ou en faveur des chryfalides. Je
vais en préfenter une de ce-que les infeétes-,
en particulier, parvenus a leur ’état de per-
feâion , & les animaux, en général , qui ont
atteint l’âge de fe reproduire , entreprennent
Sc exécutent en faveur de leur pofterite. Je
continuerai , dans- cet expofé, de comparer
entr’elles les différentes familles , les rapports
entre les travaux , les befoins & les
moyens. Avant-d’entrer en matière , je remarquerai
que parmi tous les animaux, en
général , c’eft la mère feule qui prend tous
les foins , qui exécute tous les travaux nécef-
faires pour la poftéritéi, excepté parmi le petit
nombre d’infèéles qui vivent en fociété, Sc
la famille des oifeaux dans laquelle les efpeces
forment non une affociation n'ombreufe ,
mais une réunion de deux individus de fexe
différent, dont la durée eft égale à celle de
la faifon qui permet de fe reproduire. Dans
lés autres claffes d’animaux, le mâle jouit ,
donne l’exiftence & fe repofe : on dirait qu’il
ne peut rien ajourer au préfent qu’il a fait ,
& qae tout le refte eft au deffous de lui :
ainfi le fexe dont l’extérieur annonce la ftipé-
riorité & la force ne travaille pas en faveur
de fa poftériré , & fait le don le moins précieux
; car l’exiftence ne feroit qu’un préfent
inutile., qui n’auroit pas d’effet fans les foins
néceffaires pour la conferver ; le fexe le plus
foible fe charge de tous les détails, exécute
tous les travaux néceffaires , rend des fervices
d’autant plus grands, que ceux qui les
reçoivent en éprouvent le befoin, &qui méritent
d’autant plus de reconnoiffance , qu’ils
paroiflent volontaires. Malheur à l’homme
infenfibie1 qui refufera au jeune animal de
fuivre fa mère, de la careffer par l’attrait du
fentiment , qui le verra traîné après e lle,
attaché par le dur lien de la foibleffè Sc de
la néceffité ! d’ou vient proftituer fon génie
a chercher des caufes phyfiques qu’on ne pénétrera
pas ; dont la pourfuite eft horrible fi
elles n’exiftent pas ; dont la découverte, fi
elles exiftent, répandrait l’amertume fur ce
Hifioire Naturelle , In/ecles. Tome 1.
qui fait la douceur de la vie! Homme fimple
& doux , j’aime mieux avec toi voir le jeune
animal bondir d’alègreffe' à la voix de fa
mère , courir à elle , la careffer , la fuivre par
t’impulfion du fentiment; la mère fe complaire
au milieu de fa famille , & jouir , par
tendreffe , des travaux qu’elle exécute pour
fes enfans : la fenlibiliré mutuelle que je leur
fuppofe avec to i, ou vraie , pu apparente,
me confole un inftant de la dureté que je
vois, d’ailleurs répandue fans ceffe fur l’univers
, en couvrir la furface. '
Les femelles des grands quadrupèdes carnivores
, prêtes à mettre bas , ne prennent pas
d’autres précautions que de fe retirer dans
les endroits des forêts les plus fourrés & les
plus foliraires : elles y cherchent un abri fous
la faillie d’un rocher , à l’entrée d’une
caverne , ou fous le penchant de quelqu arbre
courbé par quelqu’accident quelconque ;
elles préparent le terrein , en écartant les
corps qui pourraient nuire, en le foulant &
l’applaniffant ; c’eft en cet endroit qu’elles
donnent naiffance à leurs p’etits ; qu’ils feront
reçus fur la mouffe & le gazon qui y
ont crû naturellement, fur les feuilles que le
vent y a pouffées , ou fur un amas de litière
que la mère y apporte & y étend quelquefois.
Quand les petits feront nés , les foins de la
mère confifteront d’abord à les féparer du
placenta, en coupant le cordon ombilical ; une
feéliôn trop prompte expoferoit les petits à
périr , en perdant leur fang. La mère oblitère
le cordon, le-fait tomber par macération
en le comprimant doucement, Sc pendant
long-tems entre fes dents ; elle dévore enfuite
& le cordon & le placenta , ils auraient, en
fe corrompant, infeété l’air. Le"goût naturel
à la mère-pour la chair , fait comprendre fans
peine qu’elle faffe ce repas ; mais les femelles,
qui , dans toute autre occafion, ont de
l’averfion pour la chair, dont.l’efpèce ne s’en
nourrit pas, & ne vit que de végétaux , exécutent
la même opération , Sc font le même
repas dans la même circbnftance : le befoin
de prévenir la putridité eft le même , & il
commande plus impérieufement que la ré