fefav^rîcms regretteront que cet auteur n’ait
pas mis plus d’ordre & de fuite dans fon
travail ; il _ leur paroîtra avoir obfervé fans
plan , fans vue , mais avec une grande patience
& beaucoup d’exaéfaitude. 11 ferait
polîible de tirer beaucoup plus d’utilité de
fes ouvrages , fi quelqu’un prenoit la peine
de ralfembler les obfervations éparfes, de
les réunir & de les rapporter à .leur objet ;
enfin , de les préfentet dans l’ordre qui devrait
naturellement les lier. Ce travail rendrait
celui de Leuwenhoek plus utile, &
je crois qu’il pourrait l’être alors beaucoup
plus que dans l’état dans lequel l ’auteur l’a
publié.
L I N N É .
Le chevalier Linné, fi juftement célèbre,
a écrit fut les in le clés avec plus de méthode
& d’une manière plus étendue qu’on ne l’avoit
fait avant lui ; il s’en eft principalement occupé
dans fes deux ouvrages, qui ont pour
titre .• Syjlema nature, & Fauna Suecica. Il
en traite auili dans plusieurs de fes autres
écrits. On peut le regarder comme le fondateur
des méthodes en hiftoire naturelle ,
& particulièrement pour les infeâes : celles
qui avoienc été propofées avant la fienne ,
manquoient de clarté, d’ordre , d’étendue ;
elles it éraient pas fondées fur des caraâères
apparens, faciles à reconnoître, inhérens aux
objets ; mais fur des circonftances de la vie
des infedes, fut leurs habitudes, fur les
lieux où on les trouve , fut la nature de leurs
alimens. Le chevalier Linné a fenti qu’une
méthode devoir avoir pour bafe des caractères
appatens , confians, inhérens aux individus,
& il a beaucoup mieux rempli ce
but qu’on ne l’avoit fait. On l’a imité depuis,
on a perfectionné un genre de travail
dans lequel il a ouvert la carrière. On fait
afièz que ce favant a écrit en latin, qu’il a
eu fouvent à parler d’objets que les anciens
n’avoient pas obfervés ; ces objets n’avoient
pas par.conféquent de noms dans la langue
•rine, il a fallu leur en donner. Linné ies
,,-érivés du grec, & leur a donné une ternii-
... .fon latine ; mais la nouveauté des expreffions
qu’il a employées , leurs racines dans
une-langue qui n’efl pas familière aujourd’hui
à beaucoup de perfonnes, ont fouvent em-
barrallë les leéleurs. On pourrait peut - être
lui reprocher de n’avoir pas apporté alfez
de foins à la formation des exprellions dont
il a fait ufage le premier. Ce défaut rend
fes écrits trop fouvent obfcurs. Quelqu’un qui
donnerait une table explicative, claire, concile
& bien drelfée des termes qu’il emploie,
rendrait un grand fervice aux jeune gens qui
étudient fes écrits ingénieux ; il leur épargnerait
la tâche longue & ennuieufe par laquelle
il faut commencer de s’habituer à fa langue.
Je reviens à fes deux principaux ouvrages
fur les infeétes. Tons deux font de format
in-8°. 11 y a treize éditions du Syjlema na-
tura. Elles ont été fuccelfivement déterminées
pat des correétions, des additions aux précédentes.
11 n’y en a que deux du Fauna.
L’auteur expofe , dans le premier ouvrage ,
fa méthode ; il décrit enfuiie, dans chaque
édition, un plus ou moins grand nombre
d’efpèces , tant européennes qu’étrangères.
Chaque efpèce eft déterminée par un numéro,
pat une phrafe qui exprime les principaux
traits de l’efpèce, & dans les dernières éditions
par un nom trivial. Ce nom eft celui
d’une divinité ou d'un héros de la fable ,
d’un homme fameux dans l’hiftoire en général
,oucé!èbreen particulier en hiftoire naturelle,
ou de la plante fut laquelle on trouve
l'efpèce -d’infeéte auquel le nom eft appliqué.
Tout le monde convient que les noms
triviaux font utiles , que c’eft une forte de
gamme commode pour s’entendre ; mais quelques
perfonnes auraient voulu que ces noms
fufiènt formés exprès, ou , comme on dit,
forgés & infignifians, ou qu’ils eulfent été
expreffifs, c’eft-à-dire, qu’ils"'eulfent carac-
tétifé les objets auxquels ils auraient été
impofés. On reproche à Linné d’avoir, par
exemple, donné aux Papillons les noms
des héros grecs 8c troyens.
Nous ofons dire que ces reproches ne nous
parbiflenf pas fondés. Des noms forgés, infignifians
eülfent été fort difficiles à retenir,
ils auraient été une futcharge pour la feiençe
& pour ceux qui l’étudient ; des noms expref
fifs feraient très avantageux, ils fixeraient
les idées, ils aideraient la mémoire. Linné
en a fenti l ’importance, il les a employés
pour les divifiens qui,étant peu nombreufes,
permettent qu’on trouve & qu’on emploie
de pareils noms, & dans quelques circonf-
tances particulières dans lefquelles des caractères
bien tranchés peuvent être exprimés
pat un mot. La difficulté de compofer de
îemblables noms, augmente avec le nombre
des objets dont il faut parler, de leurs rapports
plus grands, de leurs différences moins
marquées , & leur multitude rend la chofe
impoffible ; car alors les objets fe touchent,
fe confondent, font diftingués par des traits
fi peu faillans, fi peu fenfibles, f que l’ex-
preffion même de ces traits, quand il feroit
poffible de la rendre par un mot, ne donne-
roit qu’une idée très-imparfaite de l’objet,
ne le diftingueroit pas de ceux qui lui ref-
femblent & qui le touchent dans la férié
des êtres.; il n’y a donc plus alors de ref-
fource pour faire connoître l’objet que de
le décrire dans fon entier, & le nom trivial
n’eft qu’un moyen d’en retenir la def-
cription, de fe la rappeller à. l'oecafion de
ce nom ; mais fi ia mémoire eft déjà chargée
de ce même nom , on a de moins à
l’apprendre & plus de facilité.à le retenir;
on n’a plus qu’à ie rappeller l’objet auquel
il a été appliqué. Peu de ceux qui étudient
l ’hiftoire naturelle ignorent les- noms des
divinités, des héros, des hommes célèbres,
ils n’ont donc qu’à faire l’application de
ces noms, & fe relfouvenir à leur occalîon
des objets qu’ils défignent dans la méthode
où on lés a employés : mais, dira-1- ou; uii
même nom alors rappelle l’idée de deux
objets , & d’objets fi difparates ; Qu’importe
'" Car, peut-on fuppofer que celui gui
s’occupe pour le moment de Papillons, par
exemple, confondra au nom d’Agamemfnon
les idées d’un infeéte dont il- veut fe
rappeller la forme & les couleurs', avec le
chef des rois- grecs, & qu’il brouillera1 deux
penfées auffi éloignées ? Non, fans doute ;&
les noms d’Ajax, Heétor, Andromaque,
Ulylfe, &c, donnés à des Papillons peuvent
bien,au premier apperçu, paraître appliqués
d'une manière ridicule, mais en y penfanton
reconnoît que cette application eft un moyen
de rappeller le fouvenir d’objets très multipliés
fans charger la mémoire de nouveaux
noms & fans un rifque réel qu’on confonde
les idées : il en réfulte donc de l’utilité fans
inconvénient ; l ’emploi de ces noms eft donc
raifonnable.
M. Linné termine enfin l’article de chaque
infeéte par l’indication du lieu où il a été
ou obfetvé , ou ramalfé. A l’oecafion de cette
indication, je remarquerai qn’elie ne doit
jamais être prife à la rigueur , comme
trop d’auteurs l’ont fait ; quand M. Linné
dit d’un inleéte, habitat in Europâ, India
, infulâ Ceylan, &c. il faut entendre ,
par ces exprellions que l’infeéte dont il vient
de patler a été trouvé en Europe, dans l’Inde,
à 1’ifle de Ceylan, &c. Mais il n’èn faut nullement
conclure qu’il ne fe trouve que dans
le lieu ou la contrée', la région, la partie
du globe défignée ; on peut être fur. que ,1’ef-
pèce y exifte, fans1 exclufion -d'autres lieux
même trcs-éloignés , limés dans différentes
parties du mande, où il eft polîible qu’elle
vive auffi. Ainfi, par exemple, le Papillon
Apollo fe trouve dans les plaines de la Suède
8c fur les Alpes, les Pyrénées & peut - être
iur.d’a_utreS'monta.gnes , en d’autres régions
balles des pays froids; Le Sphinx tête de mort
nous eft apporté de la Chine, il eft commun
dans nos provinces, méridionales, & nous
le trouvons dans nos campagnes. II feroit
facile d’accumuler des exemples de ce genre.
11 en réfulte donc que l’indication du lieu
où un infeéle a été obfervé n’eft qu’une
preuve que l’efpèce dont il eft vit en ce lieu,
& l’on n’en doit.pas tirer, comme on le fait
fouvent, l’induélion que cette efpèce ne fe
trouve pas ailleurs.
M. Linné divife les infeéfes en fept dalles
d'après’ la forme , le nombre , la pofition
des ailes.