
à l’occalîon d’an nouveau bruit. Ces deux
faits que je viens de rapporter font donc une
preuve que quelques infeétes, en particulier
les Sauterelles, diftinguent les fo n s, qu ’ils
en font frappés à une affez grande d iflan c e,
& qu’au bruit ils conçoivent de l’alarme :
cat il n’eft pas probable que le trémoufle-
ment imprimé à l’ait puiffe agir fur les Sauterelles
autrement qu’en affeéïant l’organe
de l’ouie ; que leur toucher foit délicat au
point que ce (impie trémouflfement leur devienne
fenfible. Comment d’ailleurs perce-
roic-il à travers les herbes touffues d ’une prairie
? Mais quelle eft la conformation de l’or-
ganede l’ouie dans les Sauterelles & les infeétes
qui jouilfent de ce fens, où a-t-il fon liège ?
C ’eft ce qu’on n’a pas encore reconnu. Quant
aux autres infeétes , ils ne témoignent éprouver
aucune fenfation , quelque fore , qu elque
près que foit le bruit qui fe fait autour
d ’e u x , pourvu qu’on ait attention que la
même caufe qui produit ce bruit ne puiflè
avoir d’aéiion fur leur v u e , qui eft (î excellente
5 alors ils prennent l’alarme & la fu ite ,
non à caufe du b ru it, mais i caufe du mouvement
qu’ils ont apperçu. Il eft donc probable
que le plus grand nombre des infeétes
eft privé de la v u e ; car il n’y en a que
peu dans le cas des Cigales & des Sauterelles,
Quelques infeétes font également leur nourriture
de toutes fortes de fubftances , mais il
en eft beaucoup qui ne vivent que d ’une forte
d ’aliment ; parmi ceux qui en prennent de
plufieurs fortes, il y eu a auxquels its donnent
fenfiblement la préférence ; ainfi les Mouches
communes qui fe nourriiTent de toutes-fortes
de liqueurs épaifles & vifqu eu fes, préfèrent
celles qui font fucrées, fe réunilfent en plus
grand nombre autour de celles c i , & abandonnent
les autres pour ces dernières. Elles
trouvent donc un attrait à certaines fubftances
qu’elles ne trouvent pas à d ’autres ;
elles ont d o n c , ainfi que les infeétes qui
préfèrent un aliment à un autre, l’organe du
goût : mais comme la plupart des infeétes
donnent des preuves de cette préférence, il
eft probable que la plupart des infeétes
jouilfent de ce fens ; il eft de même vraifem-
blable qu’il a fon- liège dans la partie qui
fert à prendre des alim en s, comme il l’a
dans la bouche des autres animaux. C ’eft
donc dans la trompe de certains in fectes,
dans la bouche de ceux qui n’ont, pas de
trompe , qu’on découvrira l’organe du goût
ju fqu ’à préfent inconnu dans ces animaux ;
il eft probable qu’on le trouvera compofé
de fibres nerveufes, ralfemblées, faillantes,
ou avancées en certain point de la trompe
ou de la bouche , comme ce font les papilles
& les houppes nerveufes de la langue qui
font l’organe du goût dans les autres animaux.
D e même que les infeétes préfèrent certains
alimens, il y en a qui font attirés pat
certaines o d eu rs, tandis qu’elles paroilfent
n ’ avoir en général aucune action fut les autres.
Ain fi les infeétes qui recherchent dans
leurs dilférens états les fubftances en fermentation
, & qui s’en nourriiTent, font attirés
de très-loin par l’odeur que ces fubftances
exhalent : on ne peut fuppofer que c’eft parce
qu’ils apperçoivent ce s fubftances. En e ffe t,
fi elles font couvertes & cachées de manière
à ne pouvoir être apperçues, mais que leur
odeur s’échappe par des pores infiniment
petits, quoiqu’elles foient placées de manière
qu’aucun rayon de lumière ne les frappe,
elles attirent les infeétes comme fi elles étoient
à découvert & expofées à la lumière ; les
infeétes qui en vivent ont donc le fens de
l’odorat : majs où eft fon liège ? C ’eft ce que
perfonne n’a encore déterminé. Quant aux
autres infeétes, comme les odeurs les plus
fortes ne les attirent ni ne les éloign en t, il
eft probable qu’ils font privés du fens de
l’odorat. Il eft vrai que fi l’on renferme ces
infeétes dans des poudriers où l’on concentre
à un très-fort degré certaines odeurs, comme
celle de la thérébentine, celle du foufre en
combnftion, ils y périlfent. Mais eft-ce une
preuve que ces infeétes ont l’organe de l’odorat
, & qu’ils font tués par les fuites d ’une
aétion trop vive fur cet organe? N ’e ft-c e
pas plutôt parce que.les mêmes atomes, le«
mêmes
mêmes vapeurs qui produifent l’odeur, vi-
tient l’air du poudrier, obftruent jes trachées,
& arrêtent la refpirarion ? Ainfi l’odeur de
la térébenthine , la vapeur du foufre qui
brûle, les émanations concentrées de l’un
& de l’autre fuffoquent les infeétes, tandis
que ces vapeurs à 1 air libre les affeétent fi
peu qu’ils ne s’en éloignent pas; ellesagilfent
donc dans le poudrier, non fur l’organe de l’odorat
que les infeétes n’ont pas, mais fur lemé-
canilme de la refpiration qu’elles arrêtent.
C ’elt ainfi que l’odeur du camphre la plus con
centrée ne tue pas les infeétes enfermés dans un
poudrier, parce que cette.odeu^ed produite
par des vapeurs fubtiles qui ne vident pas
j’air & n’affeétenc pas les organes de la refpiration.
Les vapeurs de la térébenthine ,
en s’élevant dans un poudrier, en s’y con-
denfant & s’y raffemblant, en s’étendant fur
les (ligmates, produifent le .même effet que,
fi on les avoir couverts de térébenthine , tuent
également les infeétes , mais plus lentement.
11 eft donc prouvé qu’il y a des infeétes qui
jouilfent du fens de l’odorat; on ignore où
ce fens a fon organe , & il eft infiniment
probable que la plupart des animaux de ce
genre font privés de ce fens.
De faction mufculaire , ou de la troijlème
condition néceffaire pour confervcr , entretenir
& prolonger la vie.
Ce n’éroit pas affez pour entretenir & prolonger
l’exiftence, de réparer, par la digeftion
& la nutrition , les pertes occafionnées par
les caufes même qui produifent & qui entretiennent
l’exiftence ; d’être averti par le
moyen des fens , de la proximité des objets ,
& de reconnoître leurs qualités d’après leurs
imprelîîons : il falloit encore pouvoir s’é-
loi gner des objets nuifibles, éviter ou repou(Ter
lent atteinte , s’approcher au contraire des
objets dont on avoit des avantages à retirer,
pouvoir fe faifir de ces objets, s’en mettre en
pofteflîon & jouir du bien qu’ils pouvoient
procurer. Cette faculté néceflaire à tous les
animaux leur a été accordée à tous dans un
de gré plus ou moins éminent, Sc elle eft le
Uijioirc Naturelle Infectes» Tome I .
produit de. l’a&ion mufculaire. Au moyen
de cette action , les animaux peuvent
changer de pofition,en totalité ou en partie»
porter leur corps eniier , ou feulement quelques
un es de leurs parties d’un coté ou d’un
autre , demeurer au même endroitou pafter
à un autre , éviter ou atteindre , repouft’et
ou faifir lesobjets. Quelques animaux, comme
les huîtres , attachés au rocher fur lequel
ils font nés , ne peuvent qu’ouvrir & fermer
leur coquille , étendre ou retirer certaines
de leurs parties •*. plufieurs animaux ,
comme les vers en général , foit qu’ils foienc
couverts d’une coquille ou d’un tuyau , n’ont
que des mouvemens lents ; ils fe traînent,
gliftent avec peine, & rampent fur le terrein
en paftanc d’une place à une autre : mais les
autres animaux en général , traités plus favorablement
à cet égard , ont des mouvez
mens plus faciles, plus variés , pins prompts ;
ils fe portent fans peine , de avec promptitude
, d’ùn lieu à un autre ; ou fixes à une
place , ils en étendent avec facilité leurs
membre^ aux environs, fuivant qu’il leur efc
avantageux : les uns ne fauroient. exercer
complettement les mouvemens dont ils
i jouiftent , qu’à la furface de la terre , à laquelle
la ftruclure de leurs membres les,fixe
& les attache en quelque forte , ils (e donnent
quelques mouvemens , à la vérité, à la
furface de l’eau, mais des mouvemens bornés
, pénibles , & qu’ils ne fauroient fou tenir,
long-tems : tels (ont en général les quadrupèdes.
Les autres -ne font libres , n’exécutent
de mouvemens fuivis des effets qu’ils
doivent produire , que dans l’eau ; hors de
cet élément, fut la furface de la terre , ou
ils demeurent étendus , leurs mouvemens ne
font que des fecouftes inutiles , des efforts,
infructueux : les oifeaux , plus favorifés que
les animaux qui viennent de pafter en revue,
font tous libres à la furface de la terre, &
dans l’air , & quelques-uns ,1e font de plus
à la fuiface de l’eau. Ces partages diftérens
entre les divers animaux, fe retrouvent entre
les infeétes. 11 y en a , 6c ce font cous ceux
qui n’ont pas d’aîles, qui , comme les que-
1 drupèdes, ne fe meuvent librement qu’à la