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expérience, & elle a toujours eu l’effet annoncé
par M. 'de Réaumur.
Ce n’eft ni en les piquant ni en les mordant
que quelques infeâes font redoutables
aux grands ammaüx , mais c’eft en dépo-
fant leurs oeufs dans leur intérieur , ou dans
l’épaiffeur de leur cuir ; tels font les Oefires
dont nous nous fommes occupés quelques
articles plus haut.
Enfin-, il y a des infectes qui ont'une
arme particulière & différente des dents ,
qui font l’arme la plus ordinaire dans cette
claffè d’animaux ; c’eft l’aiguillon , il efl
fîtué à l’extrémité du corps , & caçhé ou
en totalité , ou en partie dans fa cavité ;
c’elt un dard aigu , de fubftance cornée ,
délié , droit ou courbé , creux dans fa longueur
, ou fillonné au moins par une rainure ;
il aboutit intérieurement à un fac où le ra-
mafTe une humeur excrétoire , il efl mu par
des mufcles qui le portent en-dehors, ou
le retirent à l’intérieur , an gré de l’infeéle ;
ces mufcles , en fe contraélant , preffent le fac
auquel l’aiguillon aboutit ; la liqueur contenue
dans le fac coule ou le long de la cavité , ou le
longdufillon de l'aiguillon &rs’échappe fous la
forme d’une goutte à fon extrémité. Cette liqueur
efl toujours âcre, elle eft la caufe des
fymptômes qui fuivent la piqûre des infeétes
qui ont un aiguillon ; ces fymptômes font ceux
de l’inflammation , & ils font légers ou graves
, fuivant l’abondance de liqueur que l’in-
feéte vetfe dans la plaie en piquant , &
fuivant fur-tout que cette liqueur eft plus
âcre ; il paraît que fon acrimonie dépend
de la chaleur du climat fous lequel vivent
les infeétes. Ceux qui ont un aiguillon , dans
nos contrées, font les Abeilles, les Frelons,
les Guêpes , quelques Bourdons , 1e Scorpion
qui vit dans nos provinces méridionales. Tous
ces infeétes ne caufent que de légers acci-
dens dans, nos régions, tempérées ; la piqûre
même du Scorpion , qu’on redoute plus
qn’elle n’eft à craindre , n’excite que les
fymptômes d’une légère inflammation ; 1 il
arrivé cependant quelquefois que la piqûre
O U R S
des infeétes eft un peu plus grave ; mais
c’eft quand l’aiguillon eft refté engagé dans
la plaie , c’eft-ce qui arrive aflez fouvent de
la part de l’Abeille 5 fon aiguillon eft hérifle
de pointes en fpirales , dirigées de façon qu’il
entre aifément, mais qu’il eft plus difficile à
retirer l’infeéfe troublé fe hâte trop , ne
replie pas aflez foigneufement les pièces de
fon aiguillon , cet inftrument retenu dans
la plaie par les pointes dont il eft hérifle
& tiré au dehors par l’effort que l’infeéte
fait en s’envolant, fe détache de l’anneau où
fa bafe eft fixée , & refte engagé dans, la
plaie ; il devient alors un corps étranger ,
qui aggrave les fymptômes. On avoir cru
qu’ils n’avoient pas d’autre caufe , mais
M. de Réaumur a prouvé que la piqûre
des Abeilles, des Guêpes , caufe une légère
inflammation, une douleur v ive , de l’enflure
, fans que l ’infeéte ait lailfé fon aiguillon
dans la plaie. 11 s’eft piqué lui-inême
plufieurs fois , il a piqué différentes per-
fonnes avec la pointe d’une épingle fur laquelle
il avoit ramaffé une goutte de liqueur
pendante à- l’extrémité de l’aiguillon
d’une Abeille ou d’une Guêpe , dont il pref-
foit le . dernier anneau entre deux de-.fes
doigts ; la piqûre faite avec l’épingle à caufé
la même douleur & -les mêmes fymptômes
que fi la piqûre avoit été faite par l’in-
feéte même. Cette expérience prouve invinciblement
que la liqueur qui fuinte par l’aiguillon
eft la caufe des fymp'tômes ordinaires,
mais ils deviennent plus graves quand
l’aiguillon fe détache & demeure dans la
plaie. Les piqûres des infeétes ne fontylonc
qu’incommodes & non dangereufes par elles-
mêmes dans nos climats ; elles caufent un
peu plus de mal quand l’aiguillon , demeuré
dans la plaie, ajoute à l’effet de la liqueur
qu’il a vetfée ; mais ces mêmes piqûres, peu
à craindre, quand elles font ifo'ées ou peu
nombreufes, peuvent devenir funeftes &
caufer même la mort quand elles font multipliées;
ce font alors autant de foyers in*
flammatoires, qui , rapprochés les uns des
autres , fe communiquenr& répandent une
inflammation générale dans tout le tiffu cellulaire.
P R E L I M I N A I R E .
lulaire. C’eft ainfi qu’on a vu des chevaux
& d’autres grands quadrupèdes aflaillis par I des Abeilles ou des Guêpes, dont ils avoient
renverfé la ruche ou le guêpier, périr en peu
II de tems du nombre des piquutes qu’ils
| J avoient reçués toutes à la fois fur les di fférentes
j parties de leur corps.
I
Si le récit des voyageurs eft exaét, les
i infeétes des mêmes genres, qui ne font
H qu’incommodes dans les pays tempérés, font
I vraiment dangereux fous les climats chauds ;
1 une feule piquure peut caufer une inflam-
1 mation grave, exciter une fièvre aiguë,
I caufer des douleurs atroces, accompagnées
I de convulfions, & fuivies de la mort, fi on
I n’a recours promptement aux moyens pro-
I près à combattre ces dangereux & rapides
I fyinptômes inflammatoires ; telle eft en Amé-
■ tique une Guêpe , appellée mouche à drague
■ ou mouche de feu , d’après l’impreflîon que
■ caufe fa piquure ; tels font aux Indes des Scor-
f l pionsquiont jufqu’à dixpouces ou un pied de
long. On peut penfer que ces derniers in-
! feâes font redoutables par la quantité de
■ liqueur qu’ils peuvent répandre en piquant ;
I mais la mouche à drague tyeft pas plus
.T grande & même moins que nos Guêpes,
■ beaucoup moins que les Frelons. Le danser
■ de la piquure ne doit donc pas et.te attribue
I à la quantité, mais à la nature de la liqueur
B quelle répand. E fl- c e , comme on le croit,
B communément la chaleur du climat qui
I exalte cette humeur, qui en rend l’aétion
I plus aétive, les effets plus dangereux ? Je
R ne le penfe pas-: fi cela êtoit, toutes les
R Abeilles, toutes les Guêpes feraient auflï
B dangereufes en Amérique , que la mouche
R a drague ; non-feulement on ne le dit pas,
I mais on la diftingue; on ne parle que d’elle ;
R on la cite feule : ce n’eft donc pas la cha-
I leur du climat, mais la- nature particulière
I de 1 humeur qu’elle répand, qui rendent fa
I piquure fi daugereufe. Il fe peut que la li-
I queut du même infeéte ait un peu plus d’ac-
I non fous un climat que fous un autre ; mais
i il eft probable que la différence ne peut être
R que légère.
Uiftoïre Naturelle , Infcàes.To me h
L’aiguillon efl: , pour les infe&es par rapport
aux autres animaux, une arme défenfl've j
dont ils ne fe fervent que quand ils font attaqués
y mais il efl: en même tems une arme-
oflfenfi ve pour les infeétes de même efpèce ;
ils l’emploient dans les combats qu’ils fe livrent
entr’eux , pour attaquer & pour fe
défendre. La liqueur qu’ils répandent introduite
dans, les voies de la circulation d’un in-
feéte de leur efpèce, lui eft anflî funefte qu’à
l’animai à qui cette liqueur eft la plus étrangère.
C ’eft que c’eft une humeur excrétoire ,
une c3 ngeftion, & non une humeur analogue à
celles qui coulent dans le fyftême des vaif-
feaux ; c’en eft au contraire une partie qui en
a .ete féparée , qui a fervi à leur dépuration.
Il y a encore deux genres d’infeétes qui ne
piquent pas , mais qui mordent, & dont la
morfure eft improprement appellée piquure ,
qui palfent pour être dangereux. Cefont les
Araignées & les Scolopendres ou Mille pieds.
On redoute les premiers’, mèmè dans nos contrées
, on les craint beaucoup davantage dans
les pays chauds. A peine connoîf-on les féconds
dans nos régions, comme dangereux
par leur piquure , mais on afllire qu’ils le font
infiniment fous la zone torride.’ Les uns Sc
les autres ne font où que de petite taille , ou
d’une taille font médiocre dans nos contrées1,
eu comparaifon de ce que les efpèces des
deux mêmes genres font dans’les pays chauds.
Ce peut être la raifon de la différence des effets,
qui fuivent leur piquure. .Mais ces effets , ou
légers comme dans nos contrées, ou corifidé-
rables comme dans les ptvys chauds , dépendent
ils’ de ce que ces animaux font .venimeux
; c’eft-à-dire , de ce qu’en mordant ils
verfent dans la plaie , comme, les. vipères ,
une liqueur empoifônnée ? L’ancienneté de
cette opinion , fon univerfalité , ne m’empêchent
pas de la regarder comme dénuée de
tout fondement , & avancée au hafard fans
examen. Lés mâchoires- ou crochets des Araignées
& des Mille-pieds font les armes dont
ils fe fervent pour blefler en mordant ou en
piquant , fuivant l’expreflîon ordinaire. Ce