
CXX1V D I S CO U R S
lequel ils fe retirent ; ils en fortent pendant
le commencement de l’automne , pour ronger
le parenchyme des feuilles dont ils fe nour-
riflent, pour jouir d,e l'influence de l’air & ’
du foleil quand il fait doux & beau ; mais ils
rentrent la nuit dans leur nid , ils l’y partent
toute entière ,ainfi que les jours dans lefquels
le ciel eft fombre, l’air frais, le tems pluvieux
, & ils n’en fortent pas de l’hiver ; ils
recommencent leurs courfes & leurs rentrées
au retour du printems , jusqu’à ce que, devenus
plus forts , ils fe féparent, ils abandonnent
le nid , ils vivent chacun de leur côté,
i'olés & à la manière des autres Chenilles velues.
Les Proceflîonnaires partent leur vieen fo-
ciété , n’abandonnent jamais leur'nid , l’a-
gtandiflent à mefure qu’ellesfeoccupent plus
de place en devenant plus grandes , & y fu-
biffent même leur changement en Chryfali-
des & en papillons, elles ne mangent que
deux fois par jour , & elles ne fortent que
pôur manger ; leur pâture achevée , elles rentrent
dans leur nid ou elles relient immobi-
. les, Il eft évident que les Chenilles de l’efpèce
appellée la Commune , qui naiffent à la fin
de l’été , qui n’ont acquis de. la force qu’au
printems déjà un peu avancé , auroient eu
trop a fouffrir fi elles étoient reliées expofées
aux influences de la fin de l’automne & de
l’hiver ; que la rigueur de la mauvaife faifon
les auroit fait périr, & que les oifeaux qui
en font avides, tels que les Méfanges , les
Chardonerets, auroient aifément découvert
& faifi , fur les arbres dénués de feuilles , les
individus qui auroient réfiïlé plus long- tems
à l’influence dë la faifon. La iongueur de la
première époque de leur v ie , à la fécondé ou
celle â laquelle ePes abandonnent leur nid ,
leur foiblefle pendant la durée de cette époque
, les rifques qu’elles euflent courus expliquent
donc pourquoi elles conftruifenr un nid
qui fatisfait à leurs befoins. Quant aux pro-
ceflionnaires, on ne voit pas fi, bien d’ou-
vient elles rentrent dans leur nid ; même
quand elles ont atteint toute leur vigueur :
on lent bien que , partant la plus grande
partie du tems E dans l’inaction , elles font
beaucoup plus en fureté dans un nid ; mais
cette précaution femble avoir quelque chofe
d’exceflif ; d’autres larves ou d’autres Chenilles
qui partent auffi beaucoup de tems fans
faire' de moüvemens , ne la prennent point ;
il eft donc probable qu’elle n’eft pas la feule
raifon pour laquelle les Proeeffionnaires conf-
truilënt un nid-, qu’il fatisfait encore a d’autres
befoins que nous ne favons pas déterminer
; peut-être les Proceflîonnaires ont-elles
befoin d’un certain degré de chaleur qu’elles
fe procurent mutuellement comme le concours
des Abeilles échauffe la ruche : c’eft
ce qu’on pourroit favoir en plaçant la boule
d’un thermomètre dans un nid , en fournif-
fant des alimens à des Proceflîonnaires ifo-
léês ; fi elles périffoient, il feroit démontré
que le nid rempjit quelque befoin indifpenfa-
ble , & fi la liqueur du thermomètre y mon-
toit, il feroit probable que ce befoin eft celui
d’unr certain degré de chaleur. Je ne m’étendrai
pas davantage fut les précautions
que les larves prennent, fur les travaux-quelles
exécutent pour elles-mêmes , pour leur
propre fureté, pour remplir leurs différens
befoins ; je remarquerai fetilemeut que beaucoup
de celles qui prennent le moins de précautions
, qui n’exécutent aucun travail , y
font autorifées par les circonftances dans lesquelles
elles naiffent & vivent, ainfi que je
l’ai dit au commencement de cet article,
par la fureté & les commodités qu’elles
trouvent dans les endroits qu’elles habitent,
ou au milieu des matières dont elles fe nour-
riffent ; que quant aux autres qui, ne jouiffant
pas des mêpes avantages, qui étant nues,
fans défenfe , ne paroiffent ni plus prévoyantes
, ni ne font plus laborieufes , & reftent ,
par leur négligence, par les circonftances dans
lefquelles elles vivent , expofées à tous les
dangers qui les menacent, telles qu’un grand
nombre de Chenilles rafes , les larves des
Mouches à fcie , &c. La durée de leur vie eft
très-courte, leur accroiffement rapide , & le
partage à l’état de nimphe fort prompt ; la
brièveté du tems qu’elles partent dans leur
premier état ; diminue donc la marte des
dangers, fur-tout pour l’efpèce ; elle eft con-
ferv.ce, elle eft fuffifammem riche en indivi-
P R É L I M I N A I R E . CXXV
dus parce qu’ils reftent peu de tems expor
té s - ,q u ’il n’y en a qu’un petit nombre de .
détruits , d’enlevés , qui pendent par des
acsidens que la durée du tems rend moins
nombreux. Je paffe aux précautions que les
larves prennent, aux travaux quelles exécutent
en faveur de la chryfaüde. Il ne faut pas
perdre de vue que la larve , la chryfalide ,
l’infecte parfait font le même individu dans
trois états différens, & que c’eft , par confisquent
, pour, lui qu’il travaille dans chacun
de-ces états.
Les larves dont la peau , lorfqu’elles font
parvenues au dernier degré de cet état, fe
durcit , devient plus épaiflè, fe raccourcit
& prend la forme d’un barillet, à l’intérieur
duquel l’infecte fe métamorphofe, n’entreprennent
aucun travail avant de paffer à l’état
de chryfalide ; elles s’enfoncent feulement
plus avant dans les matières dont elles fe font
nourries ; elles fe cachent davantage fous .
leur épairteur , ou elles quittent ces matières
& fe retirent à l’écart fous une pierre,
dans un trou, une fente ; elles ne portent
pas leur précaution plus loin. Leur peau, qui
s’eft durcie, qui leur tient lieu de l’enveloppe
de chryfalide , les garantit fuffifamment. On
n’a pas , ce me femble , remarqué que ces
larves ne changent point de peau , depuis
leur naiffance jufqu’au moment où fon en-
durciffement, fa retraite la change en enveloppe
de chryfalide ; elle eft toujours avant
cette époque., molle , fouple , humidejà un
certain degré ; elle s’étend & fe prête au
développement de l’infeéte qui croît. La
peau des autres larves , qui eq changent
plufieurs fois , eft au contraire sèche peu de
jours après qu’ils en ont changé, elle n’eft
fraîche que les premiers jours, au moins a
fa furface; elle ne cède pas à l’accroirtement
du corps quelle couvre ; fa couche fupérieure,
qui eft defféchée & dans une extenfion forcée
, fe fend , fe fépare de la couche inférieure,
fe retire, par fon élafticité, en un
paquet vers l’extrémité du corps, où fon adhérence
eft plus forte,-& tombe bientôt. La
fécondé couche, qui fe trouve, par la chûte
de la première, exportée au Conrad de l’air,
fe defsèche, & finit par fe fendre & tomber.
La peau de ces larves paroîc donc formée
par des couches qui n’ont qu’une foible adhérence
, & qui fe féparent fucceflivement ;
quand la dernière eft tombée, c’eft alors que
paroît l’enveloppe de chryfalide, d’abord
molle & pulpeufe, & que l’aélion de l’air
defsèche bientôt, qui'ne taidepas à prendre
de la confiftance.
11 étoit donc néceflaire que les larves pré-
vinflent les rifques qui auroient lieu en paf-
fant à cet état, & remplaçaflent par des enveloppes
faétices les tégumens naturels qui
ont été dépouillés; mais ce befoin n’exifte
pas pour les larves qui n’ont pas changé de
peau ; la leur fe fépare à l’intérieur du corps
qu’elle couvre; fes couches qui fe defsèchenr,
contradent entr’elles une union plus intime;
fa confiftance plus forte, fa texrure plus com-
paâe qui en réfultent, ainfi que de la retraite
que prennent les couches dégagées du
corps auquel elles adhéroient, la changent
en une armure qui tient lieu , à la fois, &
de tégumens fadices & d’enveloppe de chryfalide.
Les larves qui changeur de peau prennent
des précautions avant de paffer à l’état de
chryfalide, qui dépendent de la durée du
tems pendant lequel l’infede doit reftêr dans
cet état , des circonftances dans lefquelles
elles ont vécu. Ainfi plufieurs efpèces de Chenille
qui deviennent des Papillons diurnes ,
des larves des Coccinelles, &c.qui ne doivent
relier que peu de jours dans l’état de chryfalide
, fe contentent de fe fufpendre par le
moyen de quelques fils entre lefquels elles
engagent leurs pieds de derrière , aux branches
, aux tiges, ou aux feuilles des plantes
fur lefquelles elles ont vécu ; quelquefois
elles s’ac.crochent à d’autres corps qui font
voifins : peu de tems après qu’elles fe font
fufpendues, la dernière couche de leur peau
fe fend, laiffe gliffer la chryfalide ; elle eft
alors très-molle, elle pince entre les plis de
fa peau quelle contraéle, la couche de la peau