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ont les- pieds forts longs, ne les portent
étendus en arrière , que pour qu’ils ne foient
pas un obftacle à, la vîteiîe du vol , pour
qu’ils ne fendent pas l’air comme ils le fe-
roient pendansou plies fous le corps; quils
lie peuvent, à caufe de leur peu de furface ,
& de leur direction horizontale & non perpendiculaire
, qui eft celle du gouvernail ,
en tenir lieu & fervir à diriger le vol. Le
mouvement des derniers anneaux mobiles de
côté & en bas, comme l’eft la queue des
oifeaux , paraît bien plus aproprié à cet emploi
, y convenir beaucoup mieux par l’e-
tendue de la furface qu’ils préfentent, par
.la pofuion approchante de la verticale que
les infeétes peuvent leur faire prendre.
Nous avons vu qu’il y a parmi les oifeaux
des voiliers & des rameurs; que cette différence
tient à la conformation des ailes & a
la force des mufcles qui les meuvent ; que
c’eft fur-tout entre les oifeaux de proie que
ces deux différences font fenfibles & bien
exprimées; enfin, que les autres oifeaux fe
rapprochent ou des voiliers ou des rameurs.
11 îi’eft pas difficile de retrouver ces deux
caraétères diftinéls entre les infeétes; on leur
trouve les memes caufes que dans les oi-
féaux auffi-tôt qu’on les a reconnus , & c’elt
de même parmi les infeétes qui vivent de
proie quils font plus frappans; les autres
infeétes participent plus ou moins de l’un ou
ou de l’autre caraflère.
Les Demoifelles vivent d’autres infeétes
quelles attrapent en volant ; les unes ont
les ailes plus minces , plus légères, plus
grandes à proportion .du refte du .corps,
toutes quatre tranfverfales : ce font des rames
plus parfaites. Elles ont auffi les derniers
anneaux plus longs, plus mobiles , tout
le corps plus grêle & plus alongé ; les autres
ont,les ailes plus épaiffes, moins grandes à
proportion, plus pelantes, toutes quatre inclinées
en arrière, même pendant le vo l, les
âeux inférieures fur - tout. Leur corps eft
plus gros, plus epurr, moins délié-, & les
derniers anneaux en font moins alongés ,
moins mobiles. Les premières fréquentent
les parcs -& les forêts ; elles volent à la
hauteur de la cime des arbres les plus élevés
, & même au-deffiis , elles y pourfuivent
la proie qui fe porte à la même élévation ,
elles fondent fur celle qu’elles découvrent
à la furface de la terre ou dans l’efpace intermédiaire
, & l’emportent pour la devorer
à la hauteur où elles ont coutume de fe
tenir, en fe pofant à l’exttemite des rameaux
les plus élevés, où, fi elle eft trop pefante,
fur quelque tertre voifin : leur vol eft rapide,
il eft foutenu , elles ne l’interrompent
que quand la proie qu’elles faififlent les
oblige, par fon poids, de s arrêter, elles
dévorent les petits infeétes fans ceffet qq
voler. Elles adoptent pour leur chaffe un
efpace d’une certaine étendue, elles le par-
courent fans ceffe en allant & revenant d’une
extrémité à l’autre, en le travetfant par intervalles
en tous feus, félon que. la proie fe pre-
fente : elles changent donc fréquemment, a
leur gué & aubefoin, la direction de leur vol ;
par conféqLient elles en règlent le cours , le
modèrent & le dirigent; à volonté. Mais
comme on les voit par des Vents, meme
impétueux, coiltinuer leur chaffe de la meme
façon, que-leur vol n’eft alors que plus fou-
tenu , parce que la proie eft plus^ rare, il
s’enfuit néceffairement qu’elles maitrifent le
le vent, quelles volent contre fon cotirs,
quelles le forcent ; elles reffemblent par
l’adoption d’un efpace pour y chaffer, par
leurs allées & leurs retours , par la continuité
de leur vol , aux Hirondelles qui
chaffent de même aux infeâes, dont elles
fe nourriffent également : elles reffemblent,
par la hauteur. à laquelle elles s’elevent,
par la manière dont elles fondent fut leur
proie & l’enlèvent, par les circuits qu’elles
décrivent dans le même efpace , aux oifeaux
de proie de haut vol. Mais ces oifeaux &c
les Hirondelles font, parmi les oifeaux , les
rameurs , par excellence , & les demoifelles
dont nous venons de parler le font patmi
les infeétes.
Les autres demoiffilles dont nous avons
P R É L 1 M
fait remarquer tes différences avec les premières
, habitent le long des eaux ou dans
les prairies ; elles volent terre à terre à de
petites diftances , & fe repofent fouvent :
elles fe pofent à-la pointe des branches peu
élevées ou au fommec de quelque plante
un peu haute , elles y épient Je paffage d’une
proie, s’élancent pour s’en empâter en i’ap-
percevant, s’arrêtent pour la dévorer quand
elles l’ont faifie, ou choififfent une nouvelle
dation pour y attendre l’occafion d’une nouvelle
capture. Elles chaffent rarement en parcourant
l’efpace pour y découvrir leur proie ,
& pendant peu de rems de cette manière :
elles font aétives lorfque l’air eft calme ou
qu’il n’eft que légèrement agité.Cependant
on les voit , dans le dernier cas, voler moins
fréquemment,& elles ne volent pointdu tout
quand le vent eft impétueux. Leur vol eft
court , pefant, peu rapide, elles l’exécutent
avec effort, par de fréquensbattemens d’aîles,
elles font fouvent emportées & balotées par
le vent, s’il eft fort, ou s’il tournoie &
varie. Ainfi, parmi les oifeaux de proie, la
Bufe, la Boudrée, &c. épient le paffage de
leur proie plus fouvent qu’ils ne la cherchent
en parcourant un efpace ; ainfi ces oifeaux
ne s’élèvent qu’à une hauteur médiocre, ce
qui leur a fait donner le nom à’oifeaux de
bas vpl; ils ne fauroient forcer le vent, ils
fe laiffent emporter par (on cours, ils volent pe-
famment, peu rapidement, avec effort, en
frappant fouvent l’air. Leurs ailes, ne font pas
planes comme celles des oifeaux rameurs ..elles
l'ont, même étant étendues, un peu concaves
en deffous ; elles] font maffives , bien moins
faciles à manoeuvrer, moins mobiles, moins
propres à couper l’air ; leur corps n’eft pas
fvelt & grêle, mais gros & ,court; il y a
entre leur conformation & celle des oifeaux
rameurs des différences qui correfpondent à
celles qui ont lieu ' entre la conformation
des demoifelles de la première & celles de
fa fécondé, forte. Mais la Bufe, la Boudiée ,
font, parmi -les oifeaux de proie , des exem
pies frappans de voiliers par excellence , &
les demoifelles de la fécondé forte le font
parmi les infeétes qui font auftï ■ carnaeiers.
I N A I R E. xcix
Les Guêpes , qui font auffi des infeétes
carnivores, peuvent fournir l’exemple d’un
vol mixte qui fe rapproche de celui des
voiliers davantage que de celui des rameurs,
&les Abeilles, l'exemple d’un vol auffi mixte
qui tient plus du vol des rameurs que des
voiliers. Les Guêpes , en pourfuivant leur
proie, dirigent leur vol &-forcent lèvent,
quand il n’eft que foible, que d’ailleurs la
chaleur leur donne de i’aétivité; mais quand le
vent devient un peu-fort, fon cours les emporte,
elles fuient , & pour s’y fouftraire,
elles gagnent leur retraite : elles ne fortent
guère que par le beau rems. Les Abeilles,
que leur manière de vivre force d’être fouvent
en campagne, qui font de fréquentes
courfes, de la ruche dans les champs, des
champs à la ruche , font fouvent néceffitées
à fortir par des tems affez mauvais, par des
vents affez violens ; elles ne peuvent, foit
en allant, foit en revenant, manquer de
voler contre le cours du vçnt, par coiifé-
quentelles.peuvent le forcer : pour peu qu’on
les obferve , il eft fouvent facile de les voir
lutter contre fon1 cours & le vaincre; mais
quand il eft violent, il les dévie , les entraîne,
elles font obligées d’y céder & de
fe mettre à l’abri dans la ruche; elles fortent
donc par de plus mauvais tems que
les Guêpes , elles réfiftenr mieux au veut,
leur vol fe rapproche davantage de celui
des rameurs. Ce n’eft pas feulement ,
comme on pourrait être relire de le croire ,
par l’effet d’un plus grand courage; leurs
aîles font plus larges , les nervures en font
moins pefantes, & dans le tems du vol ,
elles décrivent toutes quatre avec le* corps
une ligne moins éloignée de la tranfverfale
que celles des. Guêpes.
Les Sauterelles Sc les Criquets , dont quelques
efpèces fondent en nombre prodigieux
j dans diffèrens pays en certains tems , &* y
portent la défolation en ravageant les végétaux
, ont les aîles fort amples, mais un-
peu concaves en-deffous; la quantité des plis
qu’elles forment , quand elles ne font pas
étendues, qui aboutiffent tous à un centre
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