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l'Eléphant, le Rhinocéros,l'Hippopotame, le
Léopard, le Tigre, l’Ourangoutang, par le plus
grand des oifeaux , l ’Autruche, ne nourri dent
que des infectes, ou petits, ou de grandeur
médiocre ; Si au contraire , fous les climats
chauds Si humides de l’Amérique, on ne trouve
que des quadrupèdes de petite raille & des
infeâes plus grands qu’en aucune autre contrée.
La colleâion apportée de Barbarie par
M. Desfontaines, prélente encore une autre
vue ; elle contient dès efpèces d’infeâes carnivores
en plus grande proportion qu’on en
trouve ai-leurs, fur-tout des Afiles. Ces in
fectes s’écartent de la loi générale du pays
qu’ ils habitent : ceux qui font de même
efpèce qu’en Europe, font plus grands dans
la Barbarie , comme fi l’Afrique étoit la
véritable patrie des animaux carnivores en
tout genre, car on y trouve auffi des Aigles
très-puilfans, & les plus grandes efpèces de
Vautours, fans parler des quadrupèdes carnivores.
Après avoir comparé les infeâes
des différentes contrées en général, je corn- j
parerai en particulier ceux qui fe trouvent
fut l’ancien ou le nouveau continent, dans
des pays qui fe correfpondent & qui font
à peu près fous les mêmes parellèles,
Il eft beaucoup plus difficile de favoir fi
une efpèce d’infeâe qu’on trouve en un j
pays , lui appartient , fi elle en eft originaire
de tout tems , que de s’en affiicer par rapport
aux autres animaux ; ceux-ci ont , à la vérité,
des moyens de s’ écarrer , de palier à des
diftances que les infeâes n’ont pas 5 mais
ces moyens même font limités , & ils ne
fauroient avoir affez d’efficacité pour que les
animaux , en général, fur-tout les quadru
pèdes , franchilfent d’immenfes intervalles ;
ainfi les efpèces qu’on trouve à de très-
grandes diftances, appartiennent exclufive-
menr au pays où on les rencontre , fi on ne
les trouve pas ailleurs ; mais fi on les ob-
fetve en deux pays très-éloignés , on peut
erre affûté qu’elles font originaires de l’on
& de l'autre ; excepté quelques animaux do-
meftiques que l’homme a tranfportés, il n’y a
a de très-grandes diftances que des efpèces
O U R S
originaires. 11 en eft tout autrement des infeâes
; l’homme n’a jamais eu le deffiein de
les faire paffer d’un climat à un autre ,
excepté le Ver à-foye & la Cochenille, &
il y a cependant réuffi , fans le vouloir ,
beaucoup plus fouvenr que pour les autres
animaux ; comme les infeâes s’attachent à
toutes fortes de fubftances , comme leur
naiffiance , leur vie peuvent être différées
& fufpendues par des circonftances défavorables
, reprendre enfuite leur cours ,
il fera fouvent arrivé qu’avec des fubftances
de toute efpèce, on aura tranfporté,
d’une région aune autre, des infeâes, ou
leurs oeufs , leurs larves , leurs chryfalides.
Les infeâes & les larves, apportés dans une
région en un moment où les circonftances
étoient défavorables, auront péri , mais les
oeufs , les chrysalides fe feront confervés ;
le froid n’aura fait que fufpendre le développement.
Dans la faifon chaude , en été,
les larves feront forties des oeufs, les infeâes
des chryfalides & les individus, auxquels
il n’aura fallu que trois à quatre mais
pour croître & propager, auront établi leur
efpèce dans le pays où ils auront été apportés
, en y lailfant des oeufs ou des chryfalides
qm fe feront confervés pendant toute
la faifon rigoureufe, & dont il fera forti
des infeâes au retour du prinrems. Il eft donc
très difficile, d’après cette confidération , de
déterminer fi deux infeâes de même efpèce,
ou jugés tels d’après tous les rapports extérieurs
, qu’on trouve en deux régions très-
éloignées, font originaires de l’une & de
l’autre , ou à laquelle ils appartiennent primitivement
, n’ayant été que tranfportés
dans l’autre. Cette difficulté augmente à
proportion que les régions , où ces infeâes
ont été trouvés , font plus anciennement Si
plus fouyent fréquentés pat des bârimens qui
paffent de l’une à l’autre. Ainfi j’ai reçu
de la Guyane des peaux infeâées de l’efpèce
de teigne la plus commune qui s’attache,
dans nos climacs , aux pelleteries; de deux
efpèces de dermeftes, celui à deux points
blancs , le dermefte du lard. Ces infeâes
onc-ils exifté de tout tems à la Guiane, en
P R É L I M
font-ils originaires, ou leur efpèce y a-t-elle
été tranfportée avec des marchandiles de
l'Europe ? Ce dernier fentiment eft beaucoup
plus probable ; mais il eft impoffiWe d’en
fournir aujourd’hui la preuve. 11 eft rrès-
vraifemblable que depuis que les européens
fréquentent des contrées très - diftantes &
pallent fouvent de l’une à l’autre , il en fera
arrivé de plufieuts infeâes dont ou aura
tranfporté les oeufs fans le favoir, comme
de plufieurs plantes donc on a auffi tranfporté
les graines , mais à deffiein ; ainfi la
cimbalaire, plufieurs verges d’o r, & beaucoup
d’autres plantes étrangères , apportées
dans nos climats , où elles ont produit des
femences que le vent a difperfées, font devenues
indigènes, & feraient prifes pac un
voyageur étranger,qui ne fauroic pas qu’elles
ont été apportées , pour des plantes originaires
du pays où il les obferveroit.
Les trois efpèces d’infeâes que j’ai cités,
ont fi. parfaitement les mêmes rapports extérieurs
entre ceux de la Guiane & ceux
de l’Europe , qu’on ne peut douter qu’ils
11e fo'ienc les mêmes. Mais j’ai obfervé dans
la colleâion des infeâes apportés du Sénégal
par M. Adamfon , j’ai reçu de la
Guiane d’autres efpèces d’infeâes , qm
n’ont, avec des infeâes de même genre de
nos climats, que des rapports affiez marqués
pour qu’on les fufpeâe de n’être que des variétés
les uns des autres. En font - ce ,
I N A I R E . ccxxxj
rien de moins aifé que de porter au jufte,
fur le catalogue des infeâes, les efpèces
qui doivent y être infcrires , de ne pas
les multiplier , ou les reftreindre niai à
propos.
en effet , on des efpèces différentes ? Il en
doic être des infeâes comme des plantes.
La multitude des efpèces eft caufe que celles
qui font proches les unes des autres ne font
diftinguées que pat des légères nuances j mais
d’un autre côté , la facilité de tranfporter les
infeâes fous des climats différens, a pu fouvent
produire & multiplier les variétés de
même efpèce. Ainfi , rien de plus difficile
que de décider fi des infeâes de même efpèce,
obfervés en deux régions très diftances
& fouvent fréquentés , font originaires de
l’une & de l’autre, fi ceux qui ne paroiffenc
que des variécés , en font réellement , ou
des efpèces différentes ; Si par conféquenc
Les infeâes les plus reffemblans aux nôtres,
que j’aie obfervés dans les colleâions apportées
de l’Afrique , des Indes, de la Guiane,
font les Papillons brafficaires, en général ,
Si en particulier un brafficaire , qui , dans
nos climats , a le deffous des ailes inférieures
veiné de raies verdâtres, un autre très-petit
brafficaire tout blanc , à l’exception de deux
tâches noires , ovales, à l’extrémité des ailes
fupérieures, en deffiis ; le Papillon de nos
climats , appelle Belle-Dame ; la Mouche
bleue de la viande, la Mouche des latrines',
d’»n vert-doré , l’efpèce de Caffide , la plus
ordinaire fut nos plantes légumineufes, &
plufieurs efpèces de Punaifes de jardin. Les
Papillons blancs ou brafficaires , font fi
communs dans toutes nos contrées, on nous
les apporte fi fouvent de tous les pays , qu’ils
paroiffent être répandus par-tout ; en les comparant
, on trouve qu’ils on t, de quelque
région qu’on les ait apportés , tant de rap-
poics , de reffemblance, qu’on ferait tenté
de ne les regarder que comme des variétés
les uns des autres. On eft affermi dans cette
conjeâure , par la réflexion que les larves
de ces Papillons vivent indifféremment de
beaucoup de végétaux, mais qu'elles s’attachent
de préférence aux plantes crucifères ,
au chou en particulier , à la capucine &
aux végétaux antifeorbutiques. 11 eft donc
difficile de fe défendre de penfer que des
oeufs , des chryfalides , des Chenilles même
de ces Papillons, n’aient été tranfportés avec
le chou , qu’on a porté ou tenté de porter
fous la plupart des climats , avec les plantes
antifeorbutiques , qu’on a fouvent embarquées
, même en végétation, pour l ’ufage
des équipages; les femences de ces Papillons
, portées par-tout avec les graines, les
plans defféchés ou en végétation fe feront
développées dans les lieux où les bârimens
feront arrivés, & les larves y auront aifé