ceux qui refpirent fur la terre dans un état
de guerre continuelle entre les efpèces, nous
favons que la pofleflîon des femelles excitent
de cruels combats entre les individus
mâles de quelques efpèce,s femblables , &
il eft probable' que tous les mâles des
mêmes efpèces fe combattent entr’eux pour
la même caufe : on fait encore que le befoin
de fe nourrir eft la fource des combats encre
les efpèces différentes , qu’en général les eaux
font peuplées d’un plus grand nombre d’ef-
pèces carnivores , que la terre n’en eft couverte
: mais ce qu’on peut ajouter à ces
nocions fur l’attaque & la défenfe fe réduit
au petit nombre de faits fuivans.
Les poiflons ont, ou le palais pavé ou
les mâchoires garnies de dents. On dit que
leur palais eft pavé , lors qu’au lieu de dents
proprement dites , leur mâchoires font couvertes
d’afpérités, de proéminences olfeufes
tranfverfales. Ces inégalités fervent à brifer
& broyer les aiimens plutôt qu’à les divifer.
Les dents des pdiffons font, en général ,
très-pointues , femblables à des aiguilles ,
dont la pointe ferait tournée en haut •, elles
font ou droites ou un peu crochues à leur
extrémité. Quelques-uns ont des dents plus
larges , applaries & triangulaires, ttès-poin-
tues à leur bout, & tranchantes fur les côtés.
Ces animaux ont communément plufieurs
rangs de dents à la même mâchoire. On juge
aifément , d’après cette conformation , que
les poilfôns doivent mordre cruellement &
avec ténacité. Ils avoieat befoin d’une arme
’ offenfive aufli acérée pour retenir les autres
poiflôns qu’ils faifilfent, & dont les écailles
rendent le corps auffi difficile à percer qu’à
empêcher qu’il ne s’échappe en gliilànt ; ils
fiififlènt leur proie en allant à fa rencontre,
ils l’engloutiflent dans le. r gueule en la pre
nam par la tête ; la raifon de cette manière
de chaffer eft que les poiflons n’ont d’autres
défenfes, contre des individus de leur clafle
plus foits qu’eux , que de redtefler la na
geoire qui s’étend fur le milieu de leur dos.
Elle eft inclinée de .la tête à la queue -,r lors
donc qu’un poiffon en faille un autre en le
prenant par la tête , le paflage du dernier
à travers l’eefophage du fécond eft dans le
meme fens de l’épine ou nageoire que le
poiflbn qui fe trouve pris redrefle ; fes
pointes ne s’oppofent pas à fon paflage, elles
ne bleflent point l’oefophage , parce que fa
preflion couche la nageoire dans fon fens
naturel; fi l’aflaillant eût englouti fa proie
en fens contraire , l’arrête fe . ferait élevée
au lieu de s’abaifler dans le paflage à tra-
■ vers l’oefophage , fes pointes l’euffent déchire
j & la déglutition eût été impoflible;
le poiflbn faifi en travers aurait débordé
fouvent, & excédé l’ouverture de la gueule
de 1 aflaillant ; quand même il eût pu engloutir
fa proie , la nageoire qu’elle auroit re-
dreflée eût été un obftacle au paflage ; il
paraît donc que les dents fervent moins aux
poiflons à déchirer leur proie qu’à lafaifir,
la retenir & faciliter-fon paflage àleur intérieure.
Cette propofition paraît fur - tout
fondée à l’égard des poiflons dont les dents
ne font que des pointes aflez foibles, femblables
à des aiguilles : mais ceux dont le
palais eft pavé ont ce qui eft néceflaire pour
br.fer & mordre leur proie ; ceux donc les
dents font larges , triangulaires , pointues
& coupâmes fur les côtés, comme les chiens
de mer, les requins ont la faculté de faifir
leur proie en touc fens, parce qu’ils peuvent
la divifer & la féparer par portion. C'eft
ainfi que ces redoutables poiflons en ufent,
& d’après cet avantage , qu’ils attaquent les
plus grands animaux tombés à la mer, ou
qui y font entrés volontairement; qu’ils attaquent
même l’homme. Ils amputent des
membres quand [ils ne peuvenc engloutir
la proie entière.
J’ai déjà dit que l’arme défenfive des
poiflons eft l’arrête qu’ils portent fur le dos,
ils tentent encore de fe défendre en donnant
des coups de queue ; cette défenfe eft
de peu de reflource,.à moins qu’ils ne foient
fort grands , car alors ils portent des coups
dangereux par la malle de l’inftrument qui
les frappe ; quelques - uns ont de plus , la
queue terminé^ pat un cartilage aminci &
coupant fur !"es bords; la queue de ces poif-
fbns eft alors une arme terrible, fur-tout
s'ils font grands.
Les faits que je viens de rapporter peuvent
s’appliquer aux poiflons en général : mais
il eft des exceptions, des cas particuliers en affez
grand nombre , dépendans de la forme 6c
de la ftruéture très-variée dp ces animaux.
11 faudroit avoir pu les fuivre, les obferver
dans l’élément qu’ils habitentpour être certain
des avantages qu’ils retirent de leur forme ,
de leur ftruéture , foit pour l’attaque , foit
pour la défenfe.
Les petits quadrupèdes ovipares, caches
dans des trous , fous les halliers , ou dans
la vafe des marais, ne nous mettent guere
â portée de juger s’ils fe livrent entreux
des combats ; quand a leur maniéré d attaquer
leur proie y on fait que les uns, comme
les Lé fards , ont la langue platte S large ,
bifurquée , femblable à un ruban etendu &
échancré à fon extrémité ; qu ils ont la faculté
de la darder 6c de la retirer avec
beaucoup de vîteffe ; ils la lancent fur les
infeétes dont ils veulent fe nourrir , les enveloppent
6c les entraînent dans leur gueule
ou ils les dévorept fous des dents afTez fortes,
dont leurs mâchoires font, garnies ; d autres,
comme le Caméléon, ont une langue charnue
, femblable à un ver , 6c toujours enduite
d’une fubftance vifquéufe ; ils la font
fortic fort avant hors de leur gueule, 6c
quand un infeâe s’y eft englué en fe pofant
deftiis , ils la retirent 6c avalent l’infeâe qui
s’y eft pris ; ceux qui , comme les Crapauds
6c les Grenouilles ont [’Ouverture de la
gueule très-large , engloutiflent leur proie
dans fa capacité ; mais les grands quadrupèdes
ovipares, tels que certains Léfards des
pays chauds , le Crocodile ou Cayman, 1 Alligator,
qui eft le Crocodile des Indes, font
redoutables par leurs morfures ; ils courent
fur leur proie , ils la faififlTent avec leur
gueule , 6c la déchirent avec leurs dents.
Ces formidables quadrupèdes y ont , pour
défenfe, une peau cuiralfée, couverte d afpérîtes
écailleufes , impénétrable aux coups
6c aux armes des autres animaux.
Les reptiles, s’ils font petits, 6c qu’ils ne
foient pas venimeux, ne font dangereux que
par des plaies légères qu’ils font en mordant j
mais plufieurs* en ne paroiftant que.bleffec
légèrement , caufent les plus grands acci-
dens , & donnent la mort; ce font ceux qui
font venimeux ; ils ont à la mâchoire fupé-
rieure deux dents plus longues que les autres,
qui répondent aux dents canines ; elles font
fituées au coin de la mâchoire en devant ;
elles font courbes «5c creufées par un fillon
longitudinal ; leur courbure eft tournée du
côté interne ; elles reflemblent à deux crochets
, on leur en donne le nom ; a leur bafe
eft fitué un fac membraneux , dans lequel
s’amaffe continuellement une humeur excrétoire
: lorfque le reptile vient à mordre , la li-
.queur flue du fac qui eft comprimé, coule
le long du fillon de la dent, 6c paffe dans
la plaie ; cette liqueur n’y féjourne pas long-
tems fans altérer tout le fyftème vital de 1 individu
qui l’a reçue; la partie bleffée s’enfle,
elle s’enflamme, les plus vives douleurs s y font
fentir ; l'inflammation , l’enflure , les douleurs
deviennent générales, touc le corps en
eft pris ; ces fymptômes font accompagnés de
maux de coeur, de vomiflemens & de con-
vulfions ; un froid infupportable glace en
même-tems tout le corps , ôc la mort termine
ces maux affreux eu peu de tems , quelque
fois en peu d’heures. Cependant la morfure
des différens reptiles venimeux ne produit pas
les mêmes effets,ils font différens fuivant les
efpèces qui ont bietfé. Les fymptômes que
je viens de décrire font les plus ordinaires,
6c ceux qui Avivent la morfure d’un plus grand
nombre d’efpçces ; mais il y en a q u i, au
lien de froid , font éprouver un feu dévorant ,
q u i, au lieu de douleurs 6c de convulfions ,
font tomber dans un afloupiflement léthargique
: ce qui eft commun â la morfure de
tous , c’eft de caufer une enflure prompte de
la plaie , laquelle enflure devient bientôt générale
, mais qui eft ou inflammatoire , pu
froide 9 c’eft d’être luivie de la^frorc du fujec
y 'i